Secrets savamment gardés, trafics ignorés des regards. Sur les côtes de la grande rivière où prospèrent quelques os oubliés, ils s'étendent en un champ désolés ces quais que l'usure et le temps sont venus rouiller. Vestiges d'une aliénation maritime en proie à la décadence ; si certains parviennent encore à y travailler honnêtement en ce port, ils ne peuvent que fermer les yeux sur les activités de ces voisins aux âmes entachées. Quand les ténèbres s'apposent, les black crows détournent et y font transiter tout ce qu'ils peuvent toucher.

Les vitres à demi couvertes de journaux, les murs encrassés des tags mal retirés, la devanture annonce qu’ici on peut apprendre la boxe, l’anglaise, la traditionnelle. Le patron a, en vérité, bien plus d’expérience avec la boxe, à mains nues, la vraie. La salle mal éclairée et sans fioriture annonce la couleur, ceux qui viennent ici ne le font pas pour pavaner mais pour apprendre à cogner, à faire mal autant qu’à encaisser. Un business clean pourtant, malgré le casier judiciaire de son propriétaire. Il y tient, sacralité bien hypocrite puisque les poings qui s’y entraînent n’ont rien d’innocents. Crows, bien sûr, Devils parfois, dockers bien conscients de la mauvaise fréquentation de l’endroit mais attirés par les tarifs peu élevés. Il y tient oui, pour offrir une feuille de salaire en règle à ceux de ses frères irlandais qui passeraient comme lui par la case prison et faire taire les officiers de probation. Moralité, ne vous attendez pas à trouver le moindre enfant de cœur parmi les employés, ni parmi les réguliers.

Elles n'ont de cesse de s'élever, ces effluves de cigarettes calcinées et de whiskeys que les décennies ont su bonifier. Sur le bois vernis que quelques verres ont rayé, nombreux sont ces irlandais à se laisser bercer en ce pub art-déco. Foyer tout désigné pour cette communauté aux ailes charbonneuses et fièrement déployées, black crows assoiffés de sang, d'alcool réclamé sous quelques syllabes gaéliques qu'ils entachent. Repère qu'on ne peut investir sans cette envie de vouloir y rester. Parcelle d'Irlande reconstituée, là où règnent les couleurs de ce pays qu'ils n'ont pas rejoint malgré leurs dires parfois insensés, l'ivresse des hommes que l'idée de grandeur a entravé.

Partie de ville abandonnée, décharnée, abîmée par les affres du temps et des chutes qui se sont accumulées. Ruines qui se succèdent, qui cachent encore quelques misères ignorées. Ils y demeurent, ces spectres délaissés. Et elles y sont nombreuses, ces maisons fissurées, condamnées à tenir en stèle pour cette ancienne pauvreté. Foyers oubliés que les vermines ont récupéré. Elles sont terrifiantes ces nuits noires qui s'élèvent au-delà de ces toits abîmés, FATE sait quelle terreur peut se matérialiser quand les pas mènent vers ce cimetière de structures fragilisées qui furent habitées.

Parterres de goudron déformé. Ils s'élèvent, se sont fait légion, ces anciens bâtiments industriels parfois animés, parfois délaissés. Foyer de rumeurs insensées, foyer d'histoires terribles qu'on raconte aux enfants peu obéissants pour leur éviter de s'y aventurer. On parle de quelques corbeaux affamés, on parle de ces oiseaux aux ailes aussi noires que les cieux faits d'obscurités. Black crows y rôdent, y règnent. Énième repaire que ces rapaces se sont approprié.

Pathétisme dévoilé, là, en ces quelques maisons dressées. Certaines parviennent à être habitées ; d'autres sont laissées, abandonnées – condamnées à se décharner. Il y a ceux qui ont trouvé le courage de s'y installer. Il y a ceux qui n'ont jamais voulu abandonner ce qui caractérise bien des années de leur passé malgré les ruines dont ils ont à s'occuper. Et les tensions s'y perdent, trop bien installées – ils savent que les irlandais qui se sont imposés dans leurs allées amènent avec eux les vices d'une pègre assoiffée. Communautés modestes qui s'épanouissent malgré la présence de ces ailes qui leur viennent souvent en aide.