The sun always shines after the rain x Desmond

Je lâche un léger rire quand elle me parle de son état. Je la vois très mal faire des avances à qui que ce soit, pas qu'elle fasse bigote ou coincée, mais j'imagine qu'on peut difficilement se projeter dans une relation stable et saine en couchant à côté avec d'autres hommes contre de l'argent. Je finis par hausser les épaules avant de répondre d'un ton amusé.

« Ouais, et vu qu'j'suis nul au pieu, c'pas moi qui risque d'trouver comment t'réparer. C'con pour un gars qu'est censé réparer des trucs. J'imagine qu'une femme et une moto ce n'est pas la même chose. Bah bon courage pour trouver un truc à enseigner qu'les mecs d'c'te ville puissent apprécier. »

Peut-être qu'elle se tournera plutôt vers les gamins ? Je les déteste et je n'ai aucune affinité avec eux, mais Lucia s'en est bien sortie avec les gamines au lac. Je la vois parfaitement dans le rôle de la prof idéale que tous les gamins rêvent d'avoir... Et probablement que tous les pères adoreront aussi ! Moi, de mon côté, je doute parvenir un jour à la comprendre. Nous sommes trop différents, et elle est trop sympa et sensible pour me supporter bien longtemps. Qui plus est, ses questions finiront forcément par me faire sortir de mes gongs, alors moins on va se voir, mieux ça sera pour nous deux ! Je secoue légèrement la tête en l'entendant parler de la récompense qu'on obtient lorsqu'on prend des risques, et je réponds d'un ton peu convaincu.

« Ouais, bah sans prise d'risque, on évite aussi les emmerdes, donc ça s'équilibre. Je ne prétends pas prendre beaucoup de risques, alors je ne peux pas dire si elle a ou non raison. P't'être qu'il était heureux avec elle, mais quand elle est morte, c'était plus l'cas et ça l'sera plus pendant un sacré bout d'temps. C'est comme s'casser définitivement les jambes pour avoir volé comme un piaf en sautant d'un immeuble. C'est débile. »

Ça résume bien ma vision des choses, mais je sais que nous n'arriverons jamais à nous entendre, alors je me contente de détourner le regard en roulant des yeux pour montrer que je ne suis pas du tout d'accord avec elle. Lucia est trop sentimentale pour Detroit. Ou tout simplement pour cette vie. Mais je dois admettre qu'elle me surprend lorsqu'elle abonde dans mon sens pour ce qui concerne les enfants. J'étais persuadé qu'elle allait me dire que c'est faux, qu'il faut impérativement préserver la vie et simplement s'arranger pour que le gamin ait une belle enfance, mais non. Ça calme un peu mon agacement, mais ça ne chasse pas totalement, et je constate que c'est aussi le cas pour Lucia. Je ne sais pas trop à quoi elle s'attendait en me posant cette question, mais je remarque qu'un truc coince. Apparemment quelque chose l'a contrariée, probablement le fait que j'ai répété la même chose que le soir de son arrivée au garage, mais je n'ai rien de plus à offrir. Sans doute espérait-elle que j'allais lui dire que je l'ai accueillie parce que je l'apprécie ou une connerie comme ça, mais ce serait bien mal me connaître. Je crois ne jamais avoir dit à Jack qu'il comptait pour moi, alors pourquoi serais-je honnête avec une quasi-inconnue ? Au fond, je préfère ne pas réfléchir à la question et ne pas me demander pourquoi je suis gentil avec elle alors que tout en moi me crie de ne pas le faire, et tant pis si ça la vexe. Alors qu'elle me tourne le dos, je reste installé sur mon siège pour terminer ma cigarette en silence, et dès que cette dernière est consumée jusqu'au filtre, je la laisse tomber par terre avant de me lever. Je tâte mes poches pour localiser un joint bien chargé, mon dernier, et je le dépose à côté du canapé ouvert.

« Vu qu't'as peur d'prendre des médocs et au cas où t'as trop mal... J'ai pas envie d't'entendre chialer c'te nuit. J'en ai encore un paquet s'tu deviens dépendante, t'en fais pas ! »

C'est faux, je n'en ai plus et je vais sans doute regretter lorsque j'aurai envie d'en fumer un, mais tant pis. Être dédaigneux et désagréable est beaucoup plus simple que d'assumer les attentions que je lui accorde, alors je reste fidèle à moi-même. Après avoir posé le joint, je m'éloigne sans chercher à me faire pardonner une erreur que je ne comprends pas, puis je m'allonge sur mon matelas à l'odeur discutable et je m'endors en moins de temps qu'il ne faut pour le dire. Être un connard ne m'a jamais empêché de bien dormir, heureusement pour moi !