I feel lighter than if I was high | Leazel

Elle aurait dû s'en douter, elle aurait dû l'appréhender cette réaction – parce qu'elle s'appose, parce qu'elle n'a pas réfléchi, parce qu'elle a laissé ses songes se dévoiler sans avoir à les retenir, à mieux formuler. Il s'inquiète, Hazel, à n'en pas douter. C'est l'instinct, peut-être, qui le pousse à s'animer, à poser cette question qui fracasse le bref silence qui s'était imposé. Elle aurait voulu que les choses soient plus simples, moins compliquées. Dieu qu'elle aurait souhaité que toute cette histoire n'ait pas ces répercutions, ces décisions à imposer. Et elle en blêmit de peu, la demoiselle, ne sachant pas comment répondre, ne sachant pas quel mot employé. Muette, la demoiselle, devant l'évidence qu'il n'a de cesse de lui rappeler. Elle sait, Leaf, elle sait que ces choix ne devraient pas être faits. Elle sait, mais l'âme rappelle aussi ce qu'elle sait, ce à quoi elle ne peut parer. Il n'a jamais été énoncé, elle n'a fait que le suivre naturellement parce qu'elle ne pourra s'en détacher. Lui, lui avant tout. Lui, lui qu'elle ira suivre jusqu'aux confins du monde s'il le faut puisqu'elle s'y est empoisonnée. Lui, toujours lui depuis qu'il s'est imposé dans cette petite vie brisée. Et cet autre dont la voix se relève, dont le timbre corrompt jusqu'à l'âme pour l'éveiller, s'accaparer cette attention volatile qui ne sait plus où se poser. Hazel et cette candeur qu'elle n'a de cesse d'admirer, à laquelle elle s'enivre dès que l'occasion lui est laissée. Elle n'en doute pas, de ce qu'il vient avancer. Bien-sûr qu'elle sait, Leaf, puisqu'il fait partie de ceux qu'elle ne laissera probablement jamais – même si la nécessité venait à le réclamer. Incapable qu'elle est, Leaf, à imaginer ce petit monde sans cette présence à ses côtés. Parce qu'il est cette lueur qu'elle refuse de voir s'éloigner. Il est cette ancre parfaite qui lui a tant évité, qui l'a tant sauvé quand elle menaçait de se noyer. Lui et cette perfection qu'il persiste à rappeler, là, quand il se risque à insister pour lui faire entendre qu'elle ne devrait pas ainsi s'enfermer, quand il réclame que soient dites les solutions pour pouvoir l'aider à pleinement se redresser. S'il savait. S'il savait que rien ne peut être fait puisqu'elle s'est damnée à cette nouvelle histoire appropriée. S'il savait, Hazel, qu'elle est déjà perdue, impossible à sauver. Pourtant elle cherche, elle essaie à trouver cette solution miracle qui pourrait tout apaiser. Oh elle cherche, Leaf, à s'en épuiser ; jusqu'à sursauter quand cette voix-là revient résonner. Parfait élan qu'il cherche à insuffler, un peu de ses rayons pour combler les siens qui subsistent bien que d'autres se soient déjà fanés. Il rayonne, plus que jamais. Il instaure son règne, parvient à faire trépasser momentanément les ténèbres qui cherchaient à s'avancer.

Second souffle qu'elle parvient à y trouver. Petite chose qui se redresse, qui cherche ce souffle qui semblait manquer. Elle essaie de s'en imprégner, petite feuille qui choisit de suivre ce vent-ci plutôt que le souffle démoniaque des enfers qui l'attendent et l'attendront encore quand cette soirée sera terminée. Rien qu'un instant de paix, une pause dans les tourments qu'elle n'a de cesse de s'infliger. « Fuck yeah, you're right. » Déjà redressée, la demoiselle. Déjà sur ses deux pieds, prête à bondir pour fuir les murs où elle a craché ses incertitudes et ces douleurs trop bien distillées. « We're gonna forget about all of this and just enjoy our time, okay ? So... » Et elle cherche, imite ces cents pas légendaires depuis qu'elle s'est redressée. Elle cherche où l'emmener, où pouvoir pleinement le faire rayonner. Elle cherche, Leaf, jusqu'à trouver, jusqu'à réussir à mettre la main sur la parfaite idée. L'énergie retrouvée, comme si elle ne s'était jamais affaissée. Elle y tient déjà, récupère ses affaires, cette main qu'elle avait quitté. Les clés même de celui chez qui elle était venue s'échouer. Petite chose d'ores et déjà corrompue par ces lueurs qui persistent à se raviver. Une à une, prêtes à tout consumer. Elle a en tête cet énorme château gonflable qui trône au beau milieu d'Arcadia Boulevard. Elle a en tête cette volonté d'aller s'y noyer, de profiter de cette accalmie que Hazel seul, en l'instant, est en mesure de lui procurer. L'aliénation pour combattre ce début de perdition. « We're going to Arcadia Boulevard. You drive or I drive ? Choose quickly. » Parce qu'elle sautille presque, trépigne d'impatience puisque encensée, en vérité, par cette pleine lumière qu'il a su lui partager.