sanctuaire : eight mile road; pas très loin de son double, pas très loin non plus de sa mère
ombres et névroses : Un tatouage sur le majeur qu'elle brandit souvent. On ne sait pas vraiment s'il s'agit du chiffre romain deux ou du signe des gémeaux. Mieux vaut ne pas trop la provoquer, la violence coule dans ses veines et chante souvent à son oreille.
Bennie ne répète rien du tout. Elle fixe Travis en gardant la tête haute de toute sa foutue fierté qu’elle n’est jamais parvenue à ravaler. Elle ne se répète pas, parce qu’elle sait qu’elle a donné les mots de trop. Elle sait au fond d’elle qu’elle a l’air terriblement stupide à le menacer ainsi, perchée sur ses talons comme s’il s’agissait d’un piédestal. Stupide et fière. Parce que c’est évident qu’elle ne lui fera rien regretter du tout. Elle a beau jouer les dures, quand il est face à elle comme ça, à simplement lui demander de lui redire ce qu’elle a dit un peu plus tôt, elle se sent conne. Elle se sent conne parce qu’elle ne fera rien du tout. Elle est incapable de lui faire quoi que ce soit. Elle peut crier, se mettre dans des états incontrôlables, menacer de partir, de le laisser, elle n’en fera rien et elle le sait parfaitement. Bennie s’est accrochée à lui le jour où elle lui a confié ce qu’il y avait dans sa tête de jeune femme fragilisée par la perte de tous ceux qu’elle aimait. Il avait dit qu’il n’était pas comme ça, et ça lui avait suffi. Elle détestait -et déteste toujours- confier ce qu’elle a sur le cœur. C’était donner de quoi lui planter un couteau dans le dos à la moindre occasion. Elle est dure la Kelly. Elle est dure envers elle-même et envers les autres. Mais lui, il avait su trouver les mots malgré ses hésitations. Travis, c’est toute sa vie. Elle n’aime pas quand ses mots dépassent ses pensées, elle n’aime pas quand ils se font du mal pour rien. Pour quelques mots qu’elle n’a pas supporté. Et elle voit bien que c’est à son tour à lui d’être agacé.
Elle est là comme une gamine les bras croisés à agiter sa jambe contre la voiture. Il n’y a que lui pour lui faire fermer sa grande bouche. Et ce n’est pas qu’elle ne sait plus quoi dire, c’est que c’est pas facile d’entendre ce qu’il a à lui dire. Doucement, elle lève les yeux sur lui. Ça la touche ce qu’il vient lui dire en posant une main contre sa joue. Ça l’atteint et elle n’aime pas le montrer. Mais ses yeux parlent pour elle. Ils se mettent à briller malgré la mâchoire qu’elle continue de serrer. Bennie ne lui a jamais reproché et elle ne lui reprochera jamais ses années de prison, mais l’entendre dire qu’il comprend suffit à lui faire oublier un instant la trop longue séparation. Il ne l’a jamais entendu se plaindre de la situation, elle a toujours pris sur elle. Il lui est bien sûr parfois arrivé de pleurer au téléphone, mais c’était dans les moments difficiles que sa famille traversait, jamais les siens. Elle ne voulait pas qu’il se mette à se sentir coupable de son absence. Ce n’est que lorsqu’il raccrochait qu’elle laissait sa peine déborder de ses yeux. Elle était seule. Elle n’a fait que gueuler ces dernières années, elle a toujours cherché le respect et la reconnaissance des autres, et surtout des membres du gang qui ne veulent pas d’elle comme elle le voudrait. Gueuler et surtout leur prouver qu’elle était digne de confiance, qu’elle pouvait en être elle aussi et apporter quelque chose de valable. Plus que les ragots entendus entre deux clientes. Mais il a raison Travis, à lui, elle n'a rien à prouver. Lui, il sait sa valeur. Il n'a jamais vraiment approuvé ses ambitions démesurées, mais il sait sa valeur. Et ça avait été déterminant pour elle. Elle lui a dit qu'elle n'avait eu besoin de personne. C’est parce que le son de sa voix lui suffisait. Même ses silences lui faisaient du bien. Elle avait juste besoin de savoir qu’il était là, quelque part à l’autre bout du fil. Et il l’a toujours été, il ne lui a jamais tourné le dos. Elle prend une courte inspiration pour essayer de se calmer, de se raisonner. Et ce n'est pas évident, car dans sa tête, elle veut avoir le dernier mot. Il a fait des efforts, elle n’attendait pas d’excuses, mais il ne s’est pas énervé. Entre eux, ça avait plutôt tendance à être l’inverse de toute façon. Chez Travis, c’était plus rare, et c’était donc à craindre bien plus que les piaillements de Bennie. Pourtant, elle a bien vu à son regard que lui aussi, il commençait doucement à s’agacer. Bennie n’a plus vraiment d’assurance dans sa voix quand elle se met à ouvrir la bouche. “Mais tu m’parles pas comme ça.” Elle est obstinée, Bennie. Obstinée et pleine de fierté. Elle ne veut pas en démordre. “J’te respecte, tu m’respectes. T’as pas l’droit de m’parler comme ça, c’est tout.” Bunny lui avait dit un jour que le couple, c’était beaucoup de compromis, qu’il fallait parfois accepter de donner un peu raison à l’autre pour ne pas déclencher une plus grande tempête. Ce jour-là, Bennie lui avait ri au nez. Un souffle traverse ses lèvres.“J’veux pas ça entre nous.” Et c’est bien elle qui se retrouve un peu maladroitement à chercher à apaiser ce qu’elle a déclenché. Il y a des choses avec lesquelles elle est moins douée. Elle hausse les épaules en cherchant à regarder ailleurs et attrape le bas de son tee-shirt pour l’amener à elle. “En plus j’t’en ai pris un téléphone.”
(c) DΛNDELION
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Evidently, it's elementary, they want us all gone eventually. Troopin' out of state for a plate of knowledge. If coke was cooked without the garbage, we'd all have the top dollars. Nas
Travis Foster
Martyr
‡
▬ BEYOND THE VEIL ▬
cicatrices : 43
crédits : jospleen merci
⚖
▬ Dim 5 Mai - 2:05 ▬
▬ T’es un ouf toi hein. Tu m’parles encore une fois comme t’as fait, j’te jure t’vas le regretter. ▬ Répète ? Redis-moi ça ?
« Silence, il y a un silence qui retombe sur l'ordre qui ne demande pas à être suivi, comme l'unique prétexte qu'il faudrait pour franchir la ligne blanche. C'est une question de respect, une putain de question de respect. Tu vas le regretter, comme un électrochoc, dans sa tête. Bennie, elle sait qu'elle pousse toujours, elle va trop loin, à chaque fois. Elle s'excusera pas, mais elle ira pas plus loin et ils passeront à autre chose, pour éviter que ça ne parte où ils veulent pas, pour éviter que ça ne pète ; quand c'est pas ce qu'ils veulent. Elle garde la tête haute, et il continue de la fixer, pour lui retirer cet air de défi et qu'elle sache que tout n'est pas permis. Regretter, lui il va le regretter ? Les menaces dans la bouche de sa femme ne sont pas celles qu'il a déjà entendues, et ceux qui menacent ne sont pas toujours ceux qui passent à l'action. Mais il y a des choses qu'il ne faut pas dire. Jamais.
« Silence, pour une histoire de téléphone à la con en plus. Elle en vient à attendre près de la voiture, à faire la fière. Parce qu'elle a besoin de personne, elle préfère se dire qu'elle a besoin de rien ni personne parce qu'elle se chierait dessus de devoir regarder la vérité dans les yeux. Elle a peur, Bennie. Pas de prendre une baffe ou que les voix ne s'élèvent au-dessus de leurs têtes, elle veut juste pas que ça se passe mal. Et Travis, il se sent pas sous tension ou en danger près d'elle. Juste, elle lui délivre cette sorte de décharge qui le met... Il fronce les sourcils et regarde dans sa direction, il sait que c'était pas facile pour elle. Lui non-plus, il pensait pas sortir avant des années supplémentaires, s'il parvenait à sortir, alors il sait que c'était pas facile...
▬ T'as rien à m'prouver. Jte le dis, même à Livonia, ça dit que tu l'ouvres beaucoup. Calme-toi. Ou c'est toi qui vas regretter … Ça va le faire … Jcomprends tu sais, t'as été toute seule, t'as tout géré... mais faut que tu t'calmes maintenant.
« Silence, il a la main contre sa joue, il croirait presque entendre les battements furieux de son cœur à cet instant. Ses doigts glissent contre l'arête de sa mâchoire alors qu'il continue de la fixer, attendant qu'elle flanche. Quel caractère de merde elle peut avoir. Soudain, il prend une longue inspiration, elle y réfléchira plus tard. Elle a trop pris l'habitude de tout porter sur elle, elle a dû se battre et pas seulement pour sa dignité, pour sa vie et celle des siens, pour les membres de la communauté.
▬ Mais tu m’parles pas comme ça. ▬ Putain... qu'il marmonne en levant les yeux au ciel dans une sorte de soupir las. Elle peut pas s'empêcher de vouloir avoir le dernier mot, c'est plus fort qu'elle ! Mais il a aussi son orgueil et il regrette pas ce qu'il a dit ni comme il l'a dit. S'il a pu en avoir l'air pour ceux qui le connaissaient pas, Travis n'est pas un impulsif. Il reste pas quatre plombes à peser chaque tenant et aboutissement de chaque parole, de chaque geste, mais il se laisse pas aller aux élans de rage subite. Il a quand même toujours conscience, dans un coin de sa tête, que ce qu'il fait a des conséquences. Et c'est valable à Detroit, c'est valable en cabane, c'est valable à l'extérieur. ▬ J’veux pas ça entre nous, qu'elle vient à rajouter finalement. Il fronce les sourcils et convient simplement d'un hochement de la tête, comme pour accepter le pas qu'elle fait dans sa direction. Elle en vient à finalement sortir le téléphone, il est immense. Enfin, l'ex-taulard est pas resté dix ans sans manipuler un téléphone, même s'il en circulait relativement peu en prison ; durant les trois premières années, il était dans le quartier de haute sécurité, donc autant dire qu'il fallait pas rêver palper autre chose que le vide. Même se pendre, c'était pas possible. C'était juste une lumière permanente et une paroi vitrée. Il avait imaginé ça différemment, longtemps. Ceux qui en reviennent parlent pas de ça, de cette putain de lumière qui t'empêche de dormir, de ta nouvelle vie d'animal. Il se retient de faire un commentaire sur la taille du téléphone puis esquisse finalement un sourire en coin en lui soufflant pour l'agacer : ▬ Brave fille... tu vois quand tu veux... Il pose sa main sur le téléphone, le broquant entre les doigts de Bennie qu'il immobilise par la même occasion. Ça va, ça va... qu'il dit, en prévision qu'elle va s'énerver et faire la dame. Puis, au terme d'un effort pour lui faire plaisir quand même, il abandonne un bref « merci » avant de se pencher sur le téléphone, un poil plus perfectionné que ceux qu'il avait eu l'occasion d'avoir entre les mains. Y'a tout ce qu'il faut dedans ? qu'il demande en le manipulant.
