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 24. ▬ Bennie

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Travis Foster
Travis Foster
Martyr

▬ BEYOND THE VEIL ▬
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▬ Mar 22 Aoû - 1:27 ▬


« Deux heures, deux heures le séparent d'une porte qui s'ouvre. Il prend son mal en patience, difficilement. Lion en cage, il ne compte plus les pas qui n'emmènent nulle part. Il prend son mal en patience, il refait le compte des jours derrière les barreaux, ceux qui sont derrière, ceux qui étaient devant et ont été mis à genoux. Son cœur bat fort dans sa cage thoracique, même s'il ne se l'avouera pas. Il s'était préparé, il avait levé les yeux sur le ciel sur le plafond gris et il s'était préparé à passer toute sa vie enfermé comme un animal. Un Astérion qui n'aurait eu d'autres choix que d'arpenter les allées de son labyrinthe année après année.

« Une heure, une heure le sépare de son identité. Les gardiens ont eu la rage quand il leur a dit, le sourire sur le coin des lèvres. Soudain, il aurait eu l'air d'un gamin qui brandit un butin sucré avant de prendre le large sur son vélo. Quand il est rentré de l'hôpital, et que le petit avocat lui a assuré qu'il allait tout faire pour prendre son dossier, il a senti la chance tourner. La tentative de meurtre sur cette ordure de Crowe aura eu des effets bénéfiques. Il est alors rentré triomphant dans sa cellule, il ne compterait plus les années, il compterait les journées.

« Vingt minutes, vingt minutes le séparent du bruit des clefs dans la serrure dans son dos. Il serre la main de ses deux compagnons de cellule, qu'il a aperçus entre l'hôpital et l'isolement, et maintenant.  Il prend les messages, essayant de se souvenir assez fidèlement des interlocuteurs et des contenus, même si les nouvelles qui viennent de la prison n'ont jamais rien de bien intéressant, rien qui ne se sache à un moment ou un autre. Il voit quelques matons passer, il porte la main à ses côtes, on lui a dit entre quatre et six semaines pour que ce soit totalement guéri. Il passera les derniers jours à patienter à l'extérieur.

« Deux minutes, deux minutes qu'il a quitté la cellule. Il arpente victorieusement les corridors en homme libre, en dépit des couleurs qu'il arbore toujours. Il se pointe à l'entrée, les menottes autour de ses poignets mais il ne les sent pas. Il a juste la boule au ventre, on les lui retire non-loin de la porte et il récupère les « effets personnels » qu'il avait abandonnés au moment de son incarcération, il s'habille, passe un bandana bleu à sa ceinture. Déjà à l'époque, le b-band lui avait offert la fierté de pouvoir subvenir aux besoins des siens, faire sa place à Détroit et une fois encore, par ce simple bout de tissu, ils lui restituent son identité. Comme un cri silencieux. Second nœud et il franchit le pas de la porte.

« Deux heures, deux heures de liberté putain ! Il met le pied sur le parking, le petit avocat va l'appeler qu'il a dit, ils vont devoir retourner au tribunal qu'il a dit, il va devoir témoigner une fois encore qu'il a dit, mais le juge a décidé d'une remise en liberté provisoire en attendant ses conclusions. Mais le dossier est cassé. L'affaire est classée. Il passe les mains sur son visage, emplit ses poumons d'un oxygène qui n'est pas saturé en puanteur, en captivité, en folie. Une voiture s'approche. C'est elle. Qui d'autre. Il abandonne ses maigres affaires récupérées et l'attend simplement, ouvrant les bras pour l'accueillir. Sa Bennie.

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" how do you plead ? Guilty, your honor. "
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Bennie Kelly
Bennie Kelly
ghetto queen

▬ BEYOND THE VEIL ▬
sanctuaire : eight mile road; pas très loin de son double, pas très loin non plus de sa mère
ombres et névroses : Un tatouage sur le majeur qu'elle brandit souvent. On ne sait pas vraiment s'il s'agit du chiffre romain deux ou du signe des gémeaux. Mieux vaut ne pas trop la provoquer, la violence coule dans ses veines et chante souvent à son oreille.
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▬ Mar 22 Aoû - 15:13 ▬

24.

Patricia lui avait dit de ne pas venir travailler pour la matinée, mais Bennie avait préféré occuper son esprit à coiffer les têtes de son quartier plutôt que de se retrouver seule à ressasser l’appréhension qui l’empêche de fermer l'œil la nuit. Elle tresse en silence, elle qui les avait habitués à un éternel sourire toujours accompagné des ragots entendus ici et là.

“ C’est aujourd’hui alors ?” La voix de Disha se risque à braver le silence dans lequel la coiffeuse avait plongé le salon. C’est aujourd’hui. Ici, tout le monde connaît Travis. En onze ans, Bennie ne leur a pas laissé vraiment l’occasion de l’oublier. Il ne passait pas une journée sans qu’elle n’évoque celui qui était en prison. Et aujourd’hui, le silence. Distraite, elle répond en fronçant les sourcils, concentrée sur son ouvrage. “Ouais.” Elle ne veut pas y penser ou parler de la boule qui s’ancre au creux de son ventre depuis la veille. Tout ça lui appartient, failles qu’elle ne veut pas dévoiler au monde. Disha se tait, Bennie plonge à nouveau son esprit dans les questions qui l’habitent depuis qu’ils connaissent la date de leurs retrouvailles. Il y a onze ans, l’impertinente fille Kelly avait mis sa vie entre parenthèses, à l’extérieur, elle avait créé sa propre prison en s’inscrivant dans une routine parfaitement insupportable afin de ne pas avoir à penser à ce qui la hantait la nuit. Mais ses fins de journées ne trompaient pas la solitude. Et onze ans après, ils vont se retrouver, reprendre la vie là où elle était restée. Mais Bennie n’a plus vingt ans, et c’est ce qui la terrifie bien plus que ce qu’elle ne voudrait admettre. Onze ans de conversations au téléphone ou derrière un plexiglas, onze ans d’une vie volée qu’elle va maintenant retrouver.

La trentaine de minutes qui la séparent de sa vie retrouvée lui paraissent d’un coup si longues, plus que les six heures qu’elle faisait une fois par mois pour lui parler seulement quelques heures dérisoires, pour le voir et le soutenir, lui que l’on avait privé de sa liberté. Ses ongles en gel agrippent le volant, blanchissent le haut de ses mains sans qu’elle ne s’en rende compte. À chaque feu, elle perd patience, gueule lorsqu’il passe au vert, râle lorsque le rouge s’active. D’habitude, quand les limites de la M-102 sont franchies, Bennie s’inquiète de croiser la flicaille qui pourrait remarquer la fausseté de son permis de conduire. Aujourd’hui, elle pourrait les croiser que cela ne lui ferait rien.

Livonia. Les panneaux qui indiquent l’entrée de la prison défilent sous les yeux de la trentenaire qui connaît pourtant la route par cœur pour l’avoir faite toute la fin de l’été. Elle est en retard, elle le sait, mais elle s’est arrêtée un peu avant sur le bord de la route pour vérifier que son maquillage avait tenu. Pour lui, elle tient toujours à être parfaite. Elle l’a vu se redresser, lui, de toute sa hauteur qui donnait le vertige. Elle le voit, mais elle prend son temps. Elle ne se précipite pas pour le retrouver, elle lui sourit, presque timide, mais ne se jette pas dans ses bras non plus. Elle finit par le rejoindre, mais la manière qu’elle a de se perdre contre lui suffit à faire entendre les mots qu’elle ne dit pas. Enfin. L’appréhension disparaît. Elle pourrait lui dire à quel point les nuits ont été difficiles, qu’il n’y a pas une seule journée où elle n’a pas pensé à lui. Elle pourrait lui dire qu’elle l’aime, qu’elle est heureuse de le retrouver. Elle pourrait lui confier ses peurs, celles qu’elle traîne depuis des jours. Elle pourrait l’embrasser, ne plus se séparer de ses lèvres jusqu’à avoir à nouveau besoin de respirer. Mais elle est d’un autre genre Bennie, elle est de ceux qui ont la tête dure, de ceux qui n’ont pas connu la douceur d’un parent aimant durant l’enfance. Elle fait partie des écorchés. Ce n’est pas qu’elle ne l’aime pas, bien au contraire, son cœur est prêt à exploser, elle le sent vibrer jusque dans sa gorge qui se serre sous les larmes qui montent. Bennie redresse la tête, prend le temps de le regarder, de découvrir à nouveau les traits de celui qu’elle aime sous la lumière du jour. Elle s’était pourtant juré de ne pas pleurer. Alors, d’un geste rapide, elle essuie les quelques larmes qui avaient eu l’audace de s’échapper, puis elle passe sa main sur la tête de l’homme enfin libre, celui qu’elle s'approprie toujours avec fierté, mais aussi et surtout avec tendresse. “C’est qui qu’a fait tes ch’veux là ? C’est moche.” Elle renifle, puis se met à rire. “P’tain, j’avais dit que j’chialais pas !”
(c) DΛNDELION

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Evidently, it's elementary, they want us all gone eventually. Troopin' out of state for a plate of knowledge. If coke was cooked without the garbage, we'd all have the top dollars. Nas
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▬ Ven 25 Aoû - 2:00 ▬


« Deux heures, il est en retard, elle l'est encore plus. Il ne peut pas vraiment lui en vouloir, ça fait onze ans qu'elle est à l'heure. Cheveux attachés, cheveux détachés, cheveux trempés, sous ses maillots lâches ou épais, dans un foulard ou une écharpe, le nez rougi par le gel ou la nuque par le soleil. Parce qu'il n'a plus l'habitude des montres sur ses poignets, il n'a pas repassé la sienne, elle demeure parmi le sac de ses effets personnels, comme une sorte d'ultime crachat en pleine gueule, un saleté de sac avec quelques affaires que sa mère n'a pas eu l'occasion de récupérer. Sur le bitume brûlant, il a l'impression de devoir quitter le gamin qui est rentré dans cette prison, à des kilomètres d'ici. Il avait aperçu un parking similaire depuis le bus, pensant que ça ne l'atteindrait pas. Il pensait que les mois se mangeraient comme des bonbecs, qu'un clignement de paupières et le film passerait à la scène suivante.

« Deux heures, il est en retard, elle l'est encore plus. Qu'est-ce qu'on fait, quand il n'y a pas de paroi de plexiglas ? Il fait un pas de plus, l'aperçoit quand elle arrive, dans toute sa retenue, dans toute sa fierté. Il efface la distance qui les sépare et naturellement, il referme son bras autour d'elle. Le bout de ses doigts peinent d'abord à s'enfoncer contre sa peau tant elle lui semble soudain fragile, statue de sel, un personnage de papier et de son qui s'extrait enfin d'une réalité en deux dimensions. Il la serre plus fort contre lui, et tout revient comme une vague de sens endormis toutes ses années. Le parfum qu'elle porte est la première chose qu'il remarque, comme enivrant, comme trop fort, comme pas assez fort, si bien qu'il inspire doucement pour pouvoir en profiter plus longtemps. Elle est là, vraiment là.

« Deux heures, il est en retard, elle l'est encore plus. Mais elle est là. Un sourire étire doucement un coin de ses lèvres, il croirait presque sentir les battements de son cœur à elle claquer contre sa cage thoracique à elle. Elle lève les yeux sur lui, il abandonne le sac qui tombe à ses pieds pour venir poser les mains contre ses joues, les caressant d'un geste du pouce lent, presque délicat. Est-ce que tu es vraiment en train de pleurer, Bennie ? Tu pleures la fin de ta peine ? Son regard carnassier la détaille comme s'il la redécouvrait. Ce n'est plus la gamine arrogante qui l'envoyait sur les roses, un malin sourire sur le coin des lèvres. À vrai dire, il ne l'a même pas vu prendre les années. Elle a retenu son souffle, toutes ces années, elle a retenu son souffle comme s'il ne s'agissait que d'une seconde. Un clignement de paupières. Et le film passerait à la scène suivante. Il est amer.

« Deux heures, il est en retard, elle ne le sera plus jamais.
▬ C’est qui qu’a fait tes ch’veux là ? C’est moche. Il esquisse un sourire, abandonnant l'une de ses joues à elle pour passer une main sur sa tête, comme pour vérifier ses cheveux. P’tain, j’avais dit que j’chialais pas !
Sa langue passe sur sa lèvre inférieure et il lance finalement une oeillade dans son dos, abandonnant d'une voix un peu lointaine :
▬ Ouais, paraît que t'as dit pas mal de choses ma jolie... Il glisse un regard sur elle, attendant une réaction de sa part pour finalement, il caresse une fois encore la joue de Bennie de son pouce pour faire disparaître le sillage humide. Il la détaille silencieusement et soudain, l'amène d'un geste pas particulièrement délicat vers lui pour enfin lui dérober ce baiser qu'il attendait depuis si longtemps. Tant pis pour les regards indélicats, tfaçons toutes les sorties doivent se passer comme ça qu'il se dit à un moment donné. Et il n'a pas imaginé une seconde qu'il ne la prendrait pas dans ses bras, qu'il saurait résister au poison de ses lèvres arrogantes. Mais jsuis là maintenant. Il lève une seconde les yeux au ciel, ajoute l'air de rien : Avec mes cheveux mal faits.

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Bennie Kelly
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▬ Lun 28 Aoû - 18:10 ▬

24.

Bennie pleure de joie, elle qui avait pris l’habitude d’étouffer ses larmes au creux de son oreiller, dans ses longues nuits d’insomnie qui n’en finissaient pas. Elle revivait sans cesse ce matin où le soleil dormait encore. Ce matin où le réveil n’a pas été la chaleur des rayons à travers les stores usés. Ce matin où elle n’a pas eu le temps de se glisser dans ses bras avant d’ouvrir les yeux. Ce matin-là, la porte s’est ouverte avec fracas, les amants réveillés en sursaut, Bennie avait cru sentir son cœur bondir hors de sa poitrine. Travis, lui n’avait pas eu le temps de grand-chose, plus réactif, elle l’avait regardé enfiler des vêtements à la hâte alors qu’il lui parlait, mais elle ne se souvient pas de ce qu’il lui a dit. Dans sa tête, les mots fuyaient alors qu’elle tentait stupidement de retenir les hommes armés qui s’introduisaient auprès d’eux. Elle leur hurlait dessus, elle hurlait si fort que sa voix s’était brisée. Ils l’ont poussé contre un mur, comme un vulgaire obstacle qui se trouvait sur leur route. Elle avait eu peur celle qui arborait pourtant fièrement les couleurs de l’arrogance. Impuissante, elle avait simplement commencé à prier. Elle avait eu peur qu’on lui réserve le même sort que celui que l’on réserve à toute leur communauté. Une balle dans la tête pour un refus d'obtempérer, pour une supposée agressivité, elle se voyait déjà nettoyer le sol tâché. Cela n’aurait pas été la première fois. A eight mile, les vies sont souvent sacrifiées. Et si Bennie Kelly savait déjà qu’elle détestait la police à cette époque-là, elle avait compris ce jour qu’elle devait également en avoir peur.

Mais aujourd’hui, Travis est libre. Libre de la prendre dans ses bras, libre d’essuyer les larmes qu’elle veut retenir par réserve. Parce qu’elle n’a pas pleuré devant lui lors de sa première visite en prison, elle ne voulait pas pleurer pour sa sortie. Dieu sait qu’elle avait pris sur elle ce jour-là pour ne pas lui montrer à quel point son cœur se serrait d’avoir à lui parler à travers une vitre en plastique. Elle avait dit qu’elle ne pleurerait pas, et pourtant. Mais lorsqu’il se met enfin à parler, Bennie feint la surprise, sourcils redressés comme si elle ne comprenait pas où il voulait en venir. Elle se reprend bien vite, hausse les épaules dans un sourire, l'audace au bout des lèvres. “J’ai pas fait vœu de silence.” Elle le défie du regard, du haut de son impertinence, comme elle l’a toujours fait. Peu importe ce que Travis a appris derrière les lourdes portes de la prison de Livonia, il est certain qu’il s’agit de détails que la jumelle a volontairement omis de lui communiquer. À ses côtés, l’homme aurait certainement évité quelques confrontations inutiles à la jeune femme. Contrairement à ce que l’on pense, Travis sait parfois refroidir les braises qui crépitent à longueur de temps dans l’esprit provocateur de sa compagne. Alors elle attend la suite, prête à défendre son insupportable caractère face aux ragots de la prison. Mais il n’en fait rien, la trop longue séparation ayant certainement raison des priorités de l’homme. Il l’approche de lui, presse ses lèvres contre celles qui se faisaient désirer depuis qu’elle était arrivée. Un baiser à leur image, à l’image de leur amour. Ils s’aiment d’un amour brut, parfois irréfléchi et sans retenue, elle qui est pourtant si réticente à dévoiler ce qu’elle ressent. Elle ferme les yeux, pose une main contre sa nuque pour enfoncer le haut de ses ongles d’un vert aveuglant à la naissance des cheveux mal entretenus. Il lui a tant manqué.

Il est là maintenant. Il lui suffit d’une seule phrase pour laisser le poids des années s’envoler. Elle pourrait rester là encore longtemps, la tête entre ses mains à seulement le regarder la parcourir de ce regard qui s’anime à nouveau. Derrière la vitre, elle avait vu ses yeux s’éteindre. Il avait perdu ce qu’elle aimait le plus chez lui, et quand bien même il a parfois cherché à donner le change, elle savait en écoutant ses silences. Elle voudrait l’avoir pour elle encore un temps, ne pas avoir à le partager avec les autres. “T’es con.” Avec lui, elle rit à nouveau. “Tu passeras au salon d’main, j’arrangerai ça.” Un nouveau baiser, plus furtif, avant qu’elle ne retrouve la maigre distance qu’ils avaient. “Bon allez, on va pas rester après ils vont croire qu’tu veux y retourner.” Mais il n’y retournera pas, jamais. Elle y veillera. Naturellement, comme si onze ans n’étaient pas venus s’immiscer entre eux, elle lui tend les clés du véhicule prêté par l’aîné des Kelly. Prêté, le mot est grand, RJ n’a jamais aimé que sa sœur s’aventure en dehors d’eight mile, pas forcément convaincu de ses talents de pilote qu’il a pourtant lui-même initié. “T’as faim ?”
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▬ Jeu 31 Aoû - 0:29 ▬


▬ P’tain, j’avais dit que j’chialais pas !
▬ Ouais, paraît que t'as dit pas mal de choses ma jolie...
▬ J’ai pas fait vœu de silence.

« Il esquisse un sourire à la voir hésiter entre le masque de la surprise « mais comment qu'est-ce donc qui quoi » puis cette arrogance qui la caractérise. Nous verrons cela plus tard, c'est ce qu'il pourrait lui dire, c'est ce qu'il devrait lui dire d'ailleurs. Il arque un sourcil et il rétorque rien, ils vont pas s'expliquer sur le parking de la prison. Il prend une longue inspiration par le nez en l'observant, ses yeux se baladent partout. Comme une drôle de sensation, un regard qui continue de peser sur son épaule, dans son dos. Il n'a pas encore l'impression d'être vraiment détaché de Livonia, comme si on allait lui annoncer que l'heure de promenade touche à sa fin. Un frisson lui parcourt l'échine, il penche la tête sur le côté.

« Ses doigts passent distraitement dans les cheveux de Bennie, ça fait bien longtemps qu'il n'a pas pu toucher ses cheveux. S'il y avait une paroi entre eux, il s'est estimé heureux quand il a appris que d'autres prisons ne permettent les échanges avec l'extérieur qu'à travers des écrans interposés. Quand il la voyait là, avec ses couleurs d'ongle, il se permettait le droit d'imaginer le parfum qu'elle portait, il s'autorisait à l'imaginer tresser ses propres cheveux, à les triturer dans tous les sens, les doigts gras de tous ses produits qu'elle doit affectionner tant. Alors il se surprend à avoir ce geste simple, qu'il avait sans doute pas avant. Quand finalement, toucher Bennie c'était devenu en quelque sorte acquis. Se réveiller près d'elle, c'était un plaisir – presque autant qu'un privilège – qu'il avait obtenu et qu'elle ne comptait pas lui retirer. Il fronce les sourcils en inspirant longuement. Le problème avec Bennie, c'est qu'à un moment, cette gentille tignasse commence à parler...

« Deux heures. Il soupire doucement. C'est vrai, elle a pas fait vœu de silence. Il n'est pas encore pressé de savoir, il veut profiter de ces quelques instants qui n'appartiennent qu'à eux. Loin des obligations, loin des papiers, loin des rendez-vous et loin de la réalité, finalement. Il abandonne ses cheveux. Elle rit, il copie son sourire en l'observant silencieusement. C'est qu'elle a un joli rire, il pétille, à son image. Cette fille, elle est comme un feu d'artifice. Magnifique quand tu le regardes dans le ciel, mais qui peut un jour ou l'autre partir de travers et t'exploser à la gueule. Et maintenant, il est là. Avec une sorte de promesse silencieuse de ne plus finir en cabane. De plus entendre les nouveaux venus brailler comme des gosses abandonnés, plus entendre les râles de ceux qui ont encore quelque chose à défendre, plus entendre des soupirs de ceux qui crèvent. Les histoires tordues de son codétenu, transféré là après avoir vu sa peine commuée de peine de mort par injection létale en prison à perpétuité, avec ce truc de toutes les lumières qui s'éteignent quand un détenu du couloir de la mort y passait. Ceux qui parlaient de leurs familles, de leurs amis et de leurs crimes.

« Avec une sorte de promesse silencieuse de ne plus finir en cabane. Elle s'écarte, à ses mots, il jette une œillade sérieuse vers les portes de la prison. Il se redresse de toute sa hauteur, comme si rien ne pouvait plus le mettre à terre et il lâche, un timbre de colère écrasant sa voix :
▬ On les emmerde ces fils de pute, il se mord la lèvre inférieure et prend les clefs de la main de Bennie. Est-ce qu'elle lui a dit à un moment donné qu'elle avait passé son permis ? En même temps, il n'est pas étonné par ses extravagances, et ses petits délits. Ce n'est pas bien grave. C'est pas grave, il lui avait dit parfois. Quand dans sa tête, il y avait un hurlement. Il lui disait « c'est pas bien grave ». Mais les menteurs décèlent les mensonges, et Bennie est une bonne menteuse, aussi. Il récupère ses affaires qu'il jette sur la banquette arrière et monte dans la voiture. Il met les clefs dans le contact et fait cracher le moteur une fois ou deux avant de tourner un regard comme amusé vers Bennie, avec cette pensée idiote qu'il espère qu'il ne va pas caler.

▬ T’as faim ? qu'elle lui a demandé. Il hésite une seconde, fait le point sur ce qu'il aurait envie de lui dire, maintenant qu'elle est avec lui, ce qu'il a jugé bon de ne pas lui dire jusqu'à présent. Alors il écrase l'accélérateur et passe directement en seconde et en quatrième pour mieux regarder la prison rétrécir dans le rétroviseur. Sa conduite est incertaine quelques minutes, et il abandonne finalement, l'air de rien :
▬ Ouais, ouais bien sûr, j'espère que les bonnes adresses sont toujours là. Comme un aveu du temps passé, celui de reconnaître qu'il a été absent. Il pense à ceux qu'il pas vus depuis si longtemps, ceux qui sont morts et ont été enterrés entre temps, les ptits devenus grands et les grands devenus comme de vrais adultes. Comme elle. Quittée à la naissance d'une promesse, comme une gamine incertaine, pour retrouver une femme nouvelle. Il fera pas l'affront de lui demander s'il lui a manqué, même le ton de l'humour. D'ailleurs, ce ne serait pas drôle, n'est-ce pas ? Putain, mais elle est où cette prison de merde ? Donne-moi la route, qu'il lâche simplement avant de triturer le panneau entre eux en voulant mettre de la radio.

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▬ Lun 4 Sep - 0:21 ▬

24.

Bennie prend place côté passager, place qu’elle a toujours préféré, conduire n’a jamais été son activité favorite. Bennie Kelly aime l’idée de se faire emmener là où elle le désire, sorte de caprice de l’enfance qui ne lui est pas vraiment passé. Elle lui sourit alors, pensant sans le savoir et sans oser le dire tout haut à la même chose que lui : elle espère qu’il ne va pas caler. La voiture de l’aîné des Kelly est capricieuse, elle semble avoir fait son temps. Pour une fois, RJ avait acheté quelque chose avec l’argent d’un salaire gagné à la sueur de son front. De nouveau derrière les barreaux, son frère lui avait assuré qu’il n’y était pour rien dans cette histoire de braquage, et Bennie le croyait. Il était de toute façon rare que la jeune femme remette en cause la parole de son grand frère qu’elle voyait comme un saint lorsque ce dernier était surtout un voyou. Mais un voyou avec du cœur, et pour une fois, RJ Kelly n’avait réellement rien fait. La vieille bagnole s’éloigne alors de la prison de Livonia, laissant derrière elle une trace de fumée noire sous la conduite brusque à laquelle elle n’est pas habituée. Bennie n’a pas vraiment pensé au fait que Travis n’avait pas conduit depuis son enfermement. Elle n’est pas rassurée, mais elle ne laisse pourtant rien transparaître sur son visage quant à l’intérieur, elle brûle de lui hurler de faire plus attention à la route. “Laisse j’vais l’faire.” Sa main repousse doucement la sienne pour allumer la radio du bout de l’index. “Gauche à la prochaine.” Elle n’a pas non plus pensé qu’il pourrait oublier les chemins menant à eight mile. Le temps a été si long. Et maintenant qu’il est enfin à ses côtés, c’est comme si rien n’avait réellement changé. Elle le guide, s’improvise GPS tout en posant son coude contre la fenêtre pour y reposer sa tête et le regarder de temps en temps, comme si elle n’y croyait pas réellement. Elle en a trop vu revenir puis repartir aussi rapidement qu’ils avaient fait leur réapparition dans le quartier, incapables de se tenir tranquille le temps de se faire oublier. Elle en a vu d’autres sombrer dans une espèce de longue léthargie, comme s’ils étaient revenus d’entre les morts, ils étaient là sans être là, le regard éteint. RJ lui avait confié qu’il entendait encore parfois le bruit infernal qui résonnait jour et nuit dans sa cellule. C’était ce qui l’avait rendu le plus fou, l’absence de silence. Mais ce n’était pas un sujet que Bennie avait évoqué avec Travis. Le sujet était même évité, comme un secret qu’il ne fallait surtout pas révéler. Allait-il s’éteindre lui aussi après tout ça ?

Les premiers bâtiments de la M-102 apparaissent enfin. Les barres d’immeubles n’ont pas bougé, certaines ont été vidées de leurs occupants, faute de moyens pour les rénover. Les commerces se dressent encore fièrement dans l’espoir de vivre encore un peu. Et puis, sur un côté de la route, la vieille pancarte du Granny’s survit au temps, sa grosse flèche indiquant le parking autrefois rouge prenant des teintes orangées sous la pression de l’usure. C’est étrange de venir ici avec lui. C’est étrange, et en même temps, se mêle un sentiment de fierté. Fierté de l’avoir enfin à ses côtés, celui dont elle ne faisait que parler à longueur de journée. Elle l’avait dit à Jenny qui était derrière son comptoir : quand Travis sortira, on viendra ici. Dehors, Bennie passe un bras sous celui de Travis pour avancer, comme s’il s’agissait d’une procession solennelle jusqu’à la porte d’entrée du restaurant familial du quartier. Mais sans l’avouer, c’est surtout pour se rassurer, parce qu’elle imagine déjà les regards se glisser sur eux. Elle qui aime tant qu’on la regarde, aimerait pour une fois se fondre dans la masse. “Tu vas voir, y’a rien qu’a changé !” Lui qui s’inquiétait de savoir si les bonnes adresses étaient toujours là, il n’allait pas être déçu. L’établissement était comme figé dans le début des années 2000, années des derniers travaux de rénovation. Jenny était toujours derrière son comptoir, son mari derrière en cuisine et parfois, quelques serveuses venaient perturber leur ordre bien établi.

L’odeur de gras s’invite jusqu’à eux alors que la lourde porte de l’entrée est ouverte. En fin de service, Jenny est occupée à nettoyer l’inox des tables souillées du repas de midi des habitants du quartier. Mais pour les habitués, elle n’est jamais fermée. Elle se tourne vers le couple et le sourire de la vieille femme s’étend jusqu’aux rides du coin de ses yeux. “Mais c’est pas vrai ! Mais c’est pas vrai !” Qu’elle se met à répéter en boucle alors qu’elle lâche son chiffon pour venir enlacer ceux qu’elle avait connus enfants et dont elle avait observé l’amour naissant bien des années plus tard. “Bennie tu m’as pas dit ! Pourquoi tu m’as pas dit ?! Ils t’ont pas fait manger là-bas hein ?” Jenny avait cette attitude maternelle avec tous les enfants d’eight mile qu’elle gardait avec le temps. Tout le monde disait que c’est parce qu’elle n’avait pas pu en avoir à elle, des enfants. “Oh j’suis contente que tu sois plus là-dedans, j’suis contente pour vous ! Allez vous asseoir là-bas, j’vais dire à Garry de vous faire quelque chose, Travis, tu veux quoi ?” Et alors que la patronne s’éloigne vers les cuisines sans avoir laissé l’occasion à ses clients d’en placer une, Bennie se met à rire doucement en levant les yeux vers Travis. “T’vois j’t’ai dit, ça change pas.”
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▬ Jeu 7 Sep - 1:20 ▬


▬ Laisse j’vais l’faire, qu'elle lui dit alors que son regard alterne entre la route et la radio, essayant de porter son attention sur les deux. Il la laisse choisir, mettre une station qu'elle aimera bien. Il regarde vite fait ses longs ongles verts se balader avant de revenir sur le genou de Bennie. Des magasins sont visibles depuis la route à plusieurs voies qui les amène hors de Livonia, il se souvient de son trajet pour venir là, y'a pas « si longtemps » finalement. Il passe les vitesses peut-être un peu brutalement, il déboîte sur une autre voie sans regarder à côté, profitant de ce sentiment de liberté tout nouvellement acquis. Tout semble un peu irréel. Il glisse durant le trajet une œillade ou deux à la passagère qui se raidit de temps à autres et quand c'est de la route droite, il pose la main sur son genou sans commentaires supplémentaires.

« Un sourire vient habiller le coin de ses lèvres quand Detroit, toujours parée de toutes ses superbes imperfections, apparaît enfin dans son champ de vision. Il y a beaucoup pensé, surtout au début et à la fin. Tout a semblé plus beau au fil des années, tout ce qu'il avait en horreur. Ce trottoir à quinze mètres de chez sa mère où il se cassait toujours la gueule étant plus jeune, les maisons abandonnées dont les portes avaient été forcées et certaines murées. D'ici, elles semblaient parfaites, parfaitement à leur place. Tout ce que Detroit avait de plus beau et de plus triste ne révèle plus qu'un seul visage. C'est chez lui. Il inspire longuement, coule un nouveau regard à Bennie, croise parfois le sien. Il y aurait tellement à dire, il ne sait pas par quoi commencer alors tout reste sur le bord de ses lèvres. Il n'ose pas faire des promesses qu'il ne tiendra pas, il n'est d'ailleurs pas homme de promesses...

« Mais il est toujours revenu. Quand il était adolescent, que les services sociaux étaient venus les chercher dans une sorte de lubie de sauver des gosses noirs du quartier, il avait retrouvé le chemin. Plusieurs fois, si bien qu'ils en avaient eu marre de venir chercher son cul dans les rues de eight mile. Alors onze ans, c'est long... Si certaines intersections lui semblent désormais un peu incertaines, s'il n'y avait pas cette bretelle ou ce cul-de-sac, il est toujours revenu jusqu'à présent. Il passe la langue sur sa lèvre inférieure, songeant aux changements qui allaient apparaître tous les jours pour la famille de Travis et les siens. Lui qui aimait volontiers fumer, il a fait rapidement le deuil de cette sale habitude, préférant utiliser ses ressources dans d'autres denrées plus utiles. Alors en onze ans, il avait bien entendu su fumer mais il s'était détaché du besoin d'en griller une en se levant. Les recherches les plus poussées concernaient les armes et la drogue, principalement. Parfois, un téléphone faisait son apparition, de la bouffe, de l'alcool ou d'autres appareils qui devaient servir à rendre le quotidien un peu moins insupportable. Ça ne durait jamais bien longtemps, comme un sale jeu du chat et des rats.

« Le Granny's, surprenant mais pas tellement, est toujours là. Au moment de se garer, l'homme pousse une sorte de soupir de soulagement et lance, comme sur le ton de la plaisanterie « C'est comme le vélo, tu vois ». Même s'il n'était pas certain d'avoir ralenti à cette fameuse intersection à mi-chemin... Sur le parking, elle passe son bras sous le sien et il l'arrête dans son élan, juste quelques secondes, lui soufflant qu'il veut juste profiter de l'avoir, elle pour lui seul juste encore deux minutes... Le temps, c'est important. Ça y est.

« Ils entrent, Travis jette un œil aux occupants alors qu'elle lui lance que rien n'a changé. Même si ça a une sorte d'écho pessimiste sur l'évolution du quartier ; égoïstement, cela fait plaisir à Travis qui craint d'être devenu une sorte d'étranger chez lui. Certains se foutent en l'air, parfois dedans, parfois dehors. Il n'y a jamais pensé, lui. Parce que sa vie, il la mérite. Il est fort, il s'est répété qu'il allait faire ce qu'il fallait, et dans toutes les possibilités, continuer. Continuer. Il passe sa main libre contre le comptoir et la laisse glisser alors qu'ils avancent vers Jenny, au travail comme toujours. Comme si c'était elle qui appartenait aux lieux.

▬ Mais c’est pas vrai ! Mais c’est pas vrai ! qu'elle répète avant d'abandonner son chiffon pour les rejoindre. Travis l'accueille naturellement dans ses bras pour une accolade brève mais qui ancre sa présence à eight mile dans le réel. Bennie tu m’as pas dit ! Pourquoi tu m’as pas dit ?! Ils t’ont pas fait manger là-bas hein ? Il se redresse et baisse le regard sur la vieille femme avant de se redresser et lancer comme sur le ton de la légèreté :
▬ C'était pas prévu ; Elle se faisait chier, elle a défoncé un mur de la prison... Il glisse un regard vers Bennie. Le pire, c'est qu'elle aurait sans doute été capable de le faire. Elle n'avait aucune limite, en quelques sortes. Jenny continue de parler, ne relève pas ; Bennie, elle, elle sait.

« Lui aussi s'était posé la question, des dizaines, des centaines de fois, de comment il allait réussir à se barrer de là. Il se disait qu'une fois qu'il serait reposé, il y réfléchirait à tête reposée. Quand il est arrivé, en 2012, il a été affecté tout de suite à un quartier de haute sécurité, c'était comme mettre un animal sauvage dans une petite boîte et attendre. Il y avait toujours de la lumière, toujours des allers et venues. Le temps n'existait plus, ou alors il était lui aussi enfermé dans des petites boîtes. D'ailleurs, il s'était très bêtement brisé deux doigts la première semaine, dans la stupide illusion d'être plus fort que la paroi transparente qui servait de mur, de porte, de boîte.

▬ Oh j’suis contente que tu sois plus là-dedans, j’suis contente pour vous ! Allez vous asseoir là-bas, j’vais dire à Garry de vous faire quelque chose, Travis, tu veux quoi ?

« Il passe la main contre ses cheveux, ses cheveux mal faits et répond d'un simple geste de la main qu'il balance plusieurs fois pour lui signifier de faire à son idée. Il baisse le regard sur elle à ses mots. Ouais, ça change pas. Il lui fait un signe de la tête pour qu'il aillent s'asseoir dans un coin. Il prend place près d'elle, passe un bras derrière ses épaules et balance la tête en arrière.
Qu'est-ce qu'on fait, quand on sort de prison ? Il a des rendez-vous à prendre, avec ce type au commissariat de eight mile, il faut qu'il trouve un téléphone, de l'argent... il passe la main sur son front puis ramène son attention sur Bennie.
▬ Ça y est, t'es libre ma jolie, lance-t-il nonchalamment. Ça va être la merde... ajoute-t-il finalement en soupirant puis il pose une main à plat sur la table inox devant eux. Alors dis-moi... est-ce que t'as quelque chose à me dire avant que je sois dans la rue ? Son regard sonde celui de Bennie, coincée entre une fenêtre et Travis. Il a assez confiance en Bennie. Et puis, comme dirait Desmond – pas vraiment le choix – mais s'il doit savoir quelque chose avant de foutre un pied dans la rue, faut que ce soit maintenant.

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Bennie Kelly
Bennie Kelly
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sanctuaire : eight mile road; pas très loin de son double, pas très loin non plus de sa mère
ombres et névroses : Un tatouage sur le majeur qu'elle brandit souvent. On ne sait pas vraiment s'il s'agit du chiffre romain deux ou du signe des gémeaux. Mieux vaut ne pas trop la provoquer, la violence coule dans ses veines et chante souvent à son oreille.
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▬ Sam 9 Sep - 18:18 ▬

24.

Ma jolie. Ça lui fait toujours quelque chose quand il l’appelle ainsi, parce qu’avec le temps, elle avait changé, son visage avait suivi son âge, les coins de ses yeux avaient pris quelques plis qu’elle tentait d’effacer à coups de soins hors de prix. Il a pris place à côté d’elle, a passé son bras derrière ses épaules et a décidé de rompre les joyeuses retrouvailles en une simple phrase. Rapidement, Bennie s’agace. Immobile, elle fixe l’inox de la table sur lequel subsiste les traces du chiffon de la propriétaire des lieux. “Ouais on a pas la même définition d’la liberté j’crois.” Elle claque la langue avant de prendre une longue inspiration en jetant son regard sur le parking pour ne pas continuer sur sa lancée. Elle n’aime pas ça, ce qu’il est en train de faire. Bennie n’a jamais supporté de n’avoir aucune issue et il le sait. Car il a appris des choses là où il était, c’est évident. Elle sait bien qu’une fois les portes refermées sur un nouveau venu, les langues se délient facilement. On raconte les nouveautés, on donne les nouvelles des familles, c’est une sorte de chaîne d’informations qui fonctionne au ralenti. L’arrivée d’un membre de la grande famille du b-bang est la promesse d’en savoir un peu plus sur ce qu’il se passe au-delà des murs, sur ce que les proches ne peuvent confier au téléphone de peur d’en dire trop. “Tu sais des trucs, t’as pas b’soin d’faire genre là, vas-y ça m’énerve quand tu fais ça putain !” En réalité, elle est la seule à s’énerver contre elle-même, battant le carrelage de l’établissement au rythme régulier de sa jambe qui tressaute. Elle ne reste pas longtemps contre le dossier usé de la banquette, Bennie n’a jamais su tenir en place, même à l’école, elle était incapable de tenir assise sur une chaise. Alors elle s’avance contre la table pour y poser ses coudes et passer ses ongles dans ses cheveux pour les démêler. C’est qu’il y a beaucoup à dire. Bennie savait que le moment de rendre des comptes arriverait, et elle n’avait pas l’intention de lui cacher ce qu’il avait manqué, mais elle s’était imaginée que le sujet ne serait pas de suite abordé. Alors elle joint ses mains qu’elle ramène sous son menton puis tourne la tête pour le regarder tout en lâchant un soupir. Par où commencer ?

“T’sais un peu après le Mist, j’t’avais dit qu’j’allais voir Kad et tu m’avais dit d’pas l’faire.” Elle l’observe, cherche les réactions dans le fond des yeux qui parcourent son visage. Inutile de lui préciser qu’elle ne l’a pas écouté. “Mais franchement, ça va, ça s’est bien passé hein. J’lui ai dit c’que j’pensais et tout, il l’a pas mal pris. On a parlé tranquille tu vois. Et j’lui avais parlé d’un truc, il m’avait dit qu’il en parlerait avec Curtis, qu’c’était pas une mauvaise idée. Nan, franchement, chill.” Et c’était vrai, la conversation avec Kadeuce n’avait pas été vaine, le vieux gardien avait même semblé intéressé par la folle proposition de la Kelly. Non, c’est après que l’histoire prend un autre tournant. Alors, elle baisse le ton, soucieuse des oreilles indiscrètes qui pourraient avoir à traîner dans le coin.“Et après du coup, pas d’nouvelles. Mais tu m’connais, j’ai fermé ma bouche, j’respecte, j’ai rien dit. Et en Juillet j’crois, Curtis il a fait un truc chez lui. J’étais saoulée mais j’te jure j’disais rien j’étais avec mes frères j’faisais pas d’histoires. Et là t’sais à un moment j’vois y’a des flics qui sont là. Et j’voyais Kad il parlait avec, Curtis aussi. Y’en a un c’est un ancien pote à RJ j’me souviens d’sa vieille gueule avec son gros nez là et l’autre c’est un pote à Kad de c’que j’ai compris.” La haine de la flicaille a toujours été de mise chez les Kelly. Très tôt, RJ avait appris aux jumeaux à se méfier des voitures de police qui passaient dans la rue, il leur avait alors dit de baisser les yeux. Mais à neuf ans, Bennie Kelly avait déjà l’effronterie dans le sang. Elle fixait alors chaque officier qu’elle voyait passer. La tête haute, elle les suivait du regard jusqu’à ce qu’ils ne soient plus dans son champ de vision. Louie ne supportait d’ailleurs pas qu’elle fasse cela, il la tirait souvent par le bras pour changer de rue. Mais la gamine avait fini par en faire un jeu auquel elle prenait un malin plaisir à jouer. “Le mec il avait invité des putains d’flics ici. Mais j’ai rien dit. Et là, y’a Tanisha, t’sais la meuf de Curtis, elle vient m’voir elle m’fait : ouais Bennie nanani machin , Curtis veut t’parler à toi et à Cat et Erin. J’sais pas si tu vois qui c’est elle, c’est la meuf de Kad, elle est tarée RJ il dit.” La coiffeuse hausse les épaules dans un sourire, interrompue par Jenny qui arrive entourée de l’odeur du poulet frit qui fait la renommée de l’établissement. “Oh merci, t’es la meilleure ! ” La jeune femme s’empare du verre de coca light que la responsable pose devant elle, glissant immédiatement la paille entre ses dents. “Mangez, ils avaient pas ça en prison Travis.” Son ton est presque autoritaire, trahissant la préoccupation sincère qu’elle avait de le voir manger à sa faim. Jenny s’éloigne, et Bennie sourit de la voir retourner derrière son comptoir, avec toujours cette même démarche cassée à cause d’une douleur à la hanche mal soignée. “Elle s’est souvenue de ce qu’on prenait j’l’aime trop !” Elle marque une pause afin de prendre plusieurs gorgées de boisson gazeuse dans un bruit d'aspiration absolument insupportable. “Bref, Curtis.” C’est qu’il ne faut pas trop s’éparpiller. “Mange vas-y. Ouais, donc là j’commence à monter en pression t’vois, parce que flemme de m’retrouver à côté de Cat mais hé, j’dis rien, j’y vais et tout. Et en fait c’était pour nous dire merci pour c’qu’on a fait au Mist il était en mode ouais on va s’revoir et tout.” Sa tête se tourne un peu plus brusquement vers Travis, emportée comme au mois de Juillet, Bennie referme son poing contre sa bouche, la voix étouffée pour contenir les hurlements qui brûlent ses lèvres. “Le mec il a mis trois putain d’mois avant d’venir me voir t’vois et pour ça ? Mais j’étais choquée, dans ma tête vie d’ma mère j’avais envie d’l’éclater avec son vieux sourire là. Frère t’crois j’suis un chien à qui tu donnes un os en fait ? Il a rêvé lui c’est un ouf ! Mais j’ai pris sur moi j’me suis même pas énervée, t’aurais été grave fier de moi. Mais quand même j’ai fait une blague sur les flics tu vois, un truc de merde en plus et j’ai voulu retourner avec mes frères. Et là il me chope : ouais Bennie nanani nanana viens j’ai un truc à t’dire. Cette scène, elle s’en souvient comme si c’était hier. Humiliation que le leader du gang lui avait fait subir et qu’elle n’était pas prête d’oublier dans son esprit toujours prompt à répondre à la provocation. “ Et là, il me menace. Il me r’garde droit dans les yeux, il me menace. J’ai failli vrillé, et j’te promets Louie il m’aurait pas emmené plus loin pour me calmer, j’faisais une connerie. Il a été trop loin. Y’a des choses on dit pas quand on dit c’est la famille.” Volontairement, elle ne précise pas la teneur de la conversation pour ne pas risquer de blesser Travis et sa loyauté envers la flamme bleue. Mais elle, elle fulmine à l’idée d’imaginer qu’il était prêt à donner quinze années de sa vie à un homme qui lui était prêt à le faire passer pour ce qu’il n’était pas, sous prétexte que les propos de Bennie ne lui avaient pas plu. Elle le préserve encore, vieille habitude qu’elle a depuis qu’ils ont été séparés.

Lasse, elle attrape un bout de poulet entre ses griffes et mange un morceau en faisant bien attention à ne pas enlever le gloss qu’elle avait remis dans la voiture. “Alors du coup, cha fait un an qu’j’le fais chier, j’fais pacher des mechages dans les p’tits ch’leur dit ah ouais t’as vu les flics et tout maintenant … c’bien hein et ça va ton frère d’puis qu’ils l’ont coffré, t’as vu avec Curtis si ses potes peuvent faire quelque chose ?” Elle rit légèrement, pas peu fière de la pagaille qu'elle tente de semer dans les rangs du b-bang. Et la jeune femme était parvenue à faire dérailler quelques dealers, à les faire s’indigner quant à cette nouvelle amitié forcée. Les jeunes recrues sont les plus faciles à manipuler, parfois peu considérées, bénéficiant d’une fougue qui les dessert bien souvent. Bennie sourit alors à Travis avant de porter son regard sur la fenêtre. Au loin, un groupe de kids traîne sur les trottoirs, accompagnés de quelques chicks prêtes à tout pour se faire accepter parmi eux. Bennie sourit, presque nostalgique d’une époque révolue. Il y a un peu plus d’une dizaine d’années, c’était eux. Doucement, elle laisse reposer sa tête contre le bras qui se trouve derrière elle, contre cette présence qu’elle a tant cherchée dans le vide qu’il avait laissé. “J’te l’dis, il m’a trop cherché. J’vais pas l’attaquer dans le front j’suis pas folle hein, mais j’vais l’forcer à m’parler. Il va porter ses couilles et il va m’parler. Ca va pas être la merde, j’vais l’faire plier et il va nous donner c’qu’il nous doit.”
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▬ Dim 10 Sep - 2:08 ▬


▬ Ouais on a pas la même définition d’la liberté j’crois, qu'elle lance sans autre forme de procès, sous le regard un peu contrarié de Travis. C'est vrai, l'oiseau n'aime pas qu'on l'attrape mais il n'y peut rien, c'est sa façon de dire les choses sans mots. Et puis elle aime le théâtre, Bennie Kelly, elle pourrait encore se lever, faire des grands gestes du bras et se barrer. Là, elle est coincée. C'est vrai, ce n'est pas très élégant de sa part mais elle n'ira pas lui passer sur les genoux pour s'en aller et puis c'est comme ça – canalisée – qu'elle peut vraiment lui apporter quelque chose de consistant et de sincère.

« Sans autre forme de procès ; il lève les yeux au ciel sans relever, il n'a pas envie de se disputer avec elle. Il fait mine de ne pas avoir compris pour conserver leur position, comme ça, ça lui plaît bien. Si Travis n'était pas particulièrement bavard, il avait eu un sens de l'humour un peu corrosif à un moment donné. Il avait été moins rentre-dedans que Bennie, sans doute parce qu'à un moment donné, sa meilleure arme à elle avait été les mots, quand il ne trouvait que très peu d'intérêt aux longues discussions qui n'en finissent pas. Ils aimaient les choses simples, il savait ce qu'il voulait, et ce qu'il ne voulait pas...

« Sans autre forme de procès ; son regard à elle en vient à se balader vers le parking, pour essayer d'échapper trois secondes à cette forme d'oppression qu'elle n'aime pas. Une sorte de rancœur sans destinataire pousse pourtant Travis à ne pas lui laisser le répit dont elle semble avoir besoin. Il a été patient à sa façon, elle le sera aussi. Il a l'impression qu'elle fait vite fait le tri des informations, qu'elle cherche ce qu'elle va dire. « ça va aller » qu'il pourrait lui dire, ou une connerie dans ces tons-là mais il n'est pas prêt à la rassurer, pas encore. L'urgence de savoir ce qu'on lui a peut-être tu est présente dans sa tête. Toutes les informations venaient pas de Bennie...

▬ Tu sais des trucs, t’as pas b’soin d’faire genre là, vas-y ça m’énerve quand tu fais ça putain ! Il esquisse un sourire en coin, il a pas l'orgueil mal placé. Est-ce qu'il a l'orgueil mal placé ? Il s'en fout qu'elle se dise qu'il joue aux cons, il se dit qu'il a tout de même le mérite de la laisser parler la première...  Elle pose les coudes sur la table alors que les doigts de sa main droite à lui viennent se poser tout à plat devant lui. Se repliant à peine, se dépliant, dans un mouvement discret. Elle soupire, c'est pas bon signe. T’sais un peu après le Mist, j’t’avais dit qu’j’allais voir Kad et tu m’avais dit d’pas l’faire.
▬ Ouais donc t'as choisi d'aller contre c'que je t'avais dit. Quitte à me faire passer pour un con qui sait pas tenir sa femme. Sa voix est sèche, c'est fait maintenant. Il pouvait de toutes façons pas faire grand chose de où il était, il imagine pas les mauvaises habitudes qu'elle a dû prendre, d'ailleurs... Il lève les yeux au ciel et soupire sans autre commentaire.

« Sans autre forme de procès supplémentaire, il serre soudain les lèvres, perd son regard devant lui. Ainsi donc, elle se souvient bien qu'il lui avait dit de rester à sa place, mais elle savait pas faire, ça. Ça servait à rien d'aller régler des comptes pour quelque chose où Kad avait rien à lui donner, même en échange de ce qu'elle avait fait ce jour-là.
▬ Mais franchement, ça va, ça s’est bien passé hein. J’lui ai dit c’que j’pensais et tout, il l’a pas mal pris. On a parlé tranquille tu vois. Et j’lui avais parlé d’un truc, il m’avait dit qu’il en parlerait avec Curtis, qu’c’était pas une mauvaise idée. Nan, franchement, chill.

« Sans autre... attends, ils ont parlé d'un truc et Kad va en parler à Curtis ? Travis sonde le regard de Bennie avant de jeter une oeillade à la salle autour d'eux, chargée de l'odeur des cuisines et habitée du bruit du ventilateur du plafond aussi vieux que Faith, probablement.
▬ Et après du coup, pas d’nouvelles. Mais tu m’connais – oui justement –, j’ai fermé ma bouche – il n'y croit pas une seule seconde –, j’respecte, j’ai rien dit. Et en Juillet j’crois, Curtis il a fait un truc chez lui. J’étais saoulée mais j’te jure j’disais rien j’étais avec mes frères j’faisais pas d’histoires. Et là t’sais à un moment j’vois y’a des flics qui sont là. Et j’voyais Kad il parlait avec, Curtis aussi. Y’en a un c’est un ancien pote à RJ j’me souviens d’sa vieille gueule avec son gros nez là et l’autre c’est un pote à Kad de c’que j’ai compris. Il prend une longue inspiration par le nez et penche la tête sur le côté. Ses doigts se replient en un poing à demi serré contre la table. Tout sur son visage trahit une sorte de colère latente, de ses lèvres serrées, ses narines dilatées et son regard désormais fixe devant lui. Est-ce qu'ils avaient vraiment décidé de faire une alliance avec la police, ou est-ce qu'ils avaient invité quelques mecs en pensant pouvoir les acheter ? On ne tire rien de ces gens-là, songe Travis avant de passer la langue contre sa lèvre inférieure, reposant son regard contre Bennie.

▬ Le mec il avait invité des putains d’flics ici. Mais j’ai rien dit. Et là, y’a Tanisha, t’sais la meuf de Curtis, elle vient m’voir elle m’fait : ouais Bennie nanani machin , Curtis veut t’parler à toi et à Cat et Erin. J’sais pas si tu vois qui c’est elle, c’est la meuf de Kad, elle est tarée RJ il dit. Ça l'énerve, quand elle traduit une conversation par « nanani nanana », comme s'il était une copine au salon de coiffure et surtout comme s'il pouvait deviner ce que ça veut dire ! Il lève les yeux au ciel et fait un petit mouvement agité de la main pour traduire son impatience. Elle a le chic pour raconter les événements, elle. Soudain, Jenny fait son apparition, engendrant une pause sur cette conversation qui ne la regarde pas. Il sourit à la vieille femme et répond naturellement « ça, c'est sûr » sans plus entrer dans les détails. Pendant que Bennie choisit de boire un coup – pour récupérer un peu de salive avec ses milliers de mots débités pour raconter si peu de choses –, Travis se penche sur le plat, il marque une courte hésitation et attrape un morceau avec les doigts. Il avait eu ça en horreur à un moment donné, de bouffer avec les doigts. Après y avoir été contraint un long moment. Comme s'il allait trancher la gorge d'un maton camouflé derrière sa vitre avec une putain de fourchette en carton. Parce que Travis avait beau avoir son casier ou son caractère, il estimait quelque part que ce qu'il avait fait, c'était principalement par contrainte. En quelques sortes, c'étaient les règles du jeu et ceux qui perdaient n'avaient pas vraiment à se plaindre. Il lui semblait pas être gratuit dans ce qu'il pouvait faire...

▬ Elle s’est souvenue de ce qu’on prenait j’l’aime trop ! Bref, Curtis. Mange vas-y. Ouais, donc là j’commence à monter en pression t’vois, parce que flemme de m’retrouver à côté de Cat mais hé, j’dis rien, j’y vais et tout. Et en fait c’était pour nous dire merci pour c’qu’on a fait au Mist il était en mode ouais on va s’revoir et tout. Quelque peu rassuré par la tournure qu'a semblé prendre cette discussion, il continue de manger, prenant une sorte de plaisir particulier dans sa dégustation. Ah putain, c'est bon.  Le mec il a mis trois putain d’mois avant d’venir me voir t’vois et pour ça ? Il hausse des épaules. Mais j’étais choquée, dans ma tête vie d’ma mère j’avais envie d’l’éclater avec son vieux sourire là. Frère t’crois j’suis un chien à qui tu donnes un os en fait ? Il a rêvé lui c’est un ouf ! Mais j’ai pris sur moi j’me suis même pas énervée, t’aurais été grave fier de moi. Mais quand même j’ai fait une blague sur les flics tu vois, un truc de merde en plus et j’ai voulu retourner avec mes frères. Et là il me chope : ouais Bennie nanani nanana viens j’ai un truc à t’dire.

« Sans autre forme de procès ; Kad l'avait donc prise entre quatre yeux pour défendre quoi... l'honneur des flics ? Il se sent pas prêt, il se sent pas prêt à agir ou parler ouvertement devant un flic, à les côtoyer comme si c'était des mecs du gang ou du quartier. Cat qu'a rejoint l'armée, il trouve ça plutôt honorable. Les soldats ils ont cette sorte de sens du devoir qui surpasse tout, et les militaires qui ont fini en prison pour une raison ou une autre sont respectés parce qu'ils disent tous qu'une fois en uniforme, ils ont pu conscience de tout ce qui les différenciait avant. Travis est pas particulièrement patriote mais il respecte quand même ces gens-là et globalement, il aime son pays. Et en dépit de son manque d'instruction, il est pas assez con pour confondre les États-Unis et les institutions pourries qui laissent crever les gens comme eux. Mais il pourra pas se trouver face à un mec et tailler le bout de gras avec quand ces mecs-là, ils ont fait de la merde depuis des années à eight mile, obéissant comme des chiens abrutis et incapables.

▬ Et là, il me menace. Il me r’garde droit dans les yeux, il me menace. J’ai failli vrillé, et j’te promets Louie il m’aurait pas emmené plus loin pour me calmer, j’faisais une connerie. Il a été trop loin. Y’a des choses on dit pas quand on dit c’est la famille. Alors du coup, cha fait un an qu’j’le fais chier, j’fais pacher des mechages dans les p’tits ch’leur dit ah ouais t’as vu les flics et tout maintenant … c’bien hein et ça va ton frère d’puis qu’ils l’ont coffré, t’as vu avec Curtis si ses potes peuvent faire quelque chose ?

« Elle pose la tête sur son bras, les doigts de sa main gauche viennent glisser sur l'épaule de la jeune femme alors qu'il attrape ce regard qu'elle lui offre.
▬ J’te l’dis, il m’a trop cherché. J’vais pas l’attaquer dans le front j’suis pas folle hein, mais j’vais l’forcer à m’parler. Il va porter ses couilles et il va m’parler. Ca va pas être la merde, j’vais l’faire plier et il va nous donner c’qu’il nous doit.
▬ Ça va être simple... dit-il en frottant le bout de ses doigts sur une serviette près de l'assiette. Maintenant toi, c'est moi. On t'menace, on me menace. Il esquisse un sourire en attrapant son verre et lance avant de plonger ses lèvres sur la boisson fraîche : On m'a bien dit que tu faisais chier tout le monde. Il ricane, imaginant le pouvoir insoupçonné de nuisance de Bennie, pour ceux qui ne la connaissent pas ou imaginent mal la détermination dont elle sait faire preuve. D'ailleurs, elle était tellement déterminée à l'envoyer chier quand il voulait sortir avec elle au départ, qu'il avait lâché l'affaire. Mais désormais, il est là. Si sa loyauté va au gang, sa dévotion appartient à celle qui était présente depuis le moment où ils sont venus le chercher, l'arrestation, le procès, et les années à purger sa peine – ou du moins une partie, finalement. Il ne s'est jamais vraiment posé la question de devoir choisir entre la famille – le gang – et une femme – Bennie – et laisse cette possibilité de côté, il se dit que les choses s'arrangeront d'elles-mêmes. Par contre, même s'il estime qu'il peut être gentil, il est pas un bouffon. Pour les flics... commence-t-il sans parvenir à traduire le fil de sa pensée à sa femme près de lui. Il achève par un simple « on verra ça » quand il meurt de promettre que si l'un va trop loin, il l'égorge. Il repose son attention sur le plat et lance, comme l'air de rien : « Ils sont vraiment trop cons, c'est un putain de gamin de stagiaire qui m'a fait sortir... » il tapote sa propre tempe, comme agacé « tu t'rends compte ? » Il compte pas se venger des flics... mais quelque part, il se dit qu'ils lui doivent six ans. Il sourit, toujours abasourdi par l'ironie de la chose. Bref silence. « Et leur putain de grande amitié là avec Kad ou Curtis, vous voyez autant leur gueule dans le rue ? » Nouveau silence. « Et Wynona, elle est tranquille ? »

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Bennie Kelly
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sanctuaire : eight mile road; pas très loin de son double, pas très loin non plus de sa mère
ombres et névroses : Un tatouage sur le majeur qu'elle brandit souvent. On ne sait pas vraiment s'il s'agit du chiffre romain deux ou du signe des gémeaux. Mieux vaut ne pas trop la provoquer, la violence coule dans ses veines et chante souvent à son oreille.
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▬ Mar 12 Sep - 22:28 ▬

24.

Pendant qu’elle parlait, Bennie avait pris le temps d’observer chaque réaction qu’elle connaissait maintenant par cœur. A mesure que les années passaient, elle était capable de dire avec précision si Travis était contrarié, en colère, ou tout autre sentiment qui aurait pu lui passer par la tête. Travis parlait peu, Bennie parlait beaucoup. Avant, certains disaient que c’est parce qu’il était usé de l’entendre à longueur de journée. Mais ces gens-là n'ont rien compris. Il parle avec son visage, avec ses lèvres qu’il pince dès que quelque chose ne lui va pas, avec ses sourcils qui se froncent lorsqu’il doute, ses yeux qui se lèvent au ciel lorsqu’elle l’agace, mais aussi à son sourire, parfois discret quand ils se retrouvent. Travis, il parle beaucoup, il faut juste savoir le regarder. Et Bennie elle sait. Alors, elle a vu ses yeux se lever d’agacement, ses lèvres se pincer sous la contrariété et elle a même vu son nez bouger sous la colère provoquée parce qu’elle lui contait. Si la jeune femme était réticente à lui parler de tout cela, ce n’était pas tant parce qu’elle craignait pour elle. Bennie avait toujours vu leur relation comme une évidence, ils étaient l’un à l’autre la pièce manquante dans le puzzle désordonné de leurs vies. Alors, non, c’est pas vraiment pour elle qu’elle craignait, et quand bien même elle réussirait à l’énerver, elle sait que ça ne durera jamais bien longtemps. Elle craignait pour le reste, pour son retour auprès des siens. Parce qu’elle savait que la présence de flics dans les rangs de son gang n’allait pas plaire à Travis, pas plus que d’apprendre qu’elle a été menacée par un de ses frères, tout leader soit-il. Ça va être simple qu’il dit, quand elle termine à peine son récit. Elle a pourtant fait l’impasse sur ses états d’âmes, sur le sentiment profond d’injustice qui s’était emparé d’elle et sur l’humiliation qui s’était engouffrée dans son ego lorsque Curtis l’avait regardé droit dans les yeux pour lui faire comprendre qu’il n’hésiterait pas une seule seconde à la faire passer pour une balance. Bennie Kelly, une balance. Bennie Kelly, la fille de Dion Jordan, élevée à la dure par une mère à cheval sur l’honnêteté vis à vis des membres de sa famille. Bennie Kelly, une balance. Elle n’avait pas digéré l’affront. Et ça l’avait blessé d’imaginer Travis apprendre une telle chose en prison. Parce qu’elle aurait rien pu y faire de là où elle se trouvait. Mais tout ça, elle ne lui a pas dit, parce qu’elle n’est pas du genre à en parler. Bennie, quand quelque chose la contrarie, il faut s’armer de patience pour savoir de quoi il s’agit.

Elle c’est lui. On la menace, on le menace. Bennie ravale son sourire de fierté en se penchant au-dessus de son assiette pour piquer quelques feuilles de salade du bout de sa fourchette. C’est qu’elle sentirait presque une douce chaleur lui monter aux joues. Elle aimerait ne pas trop lui montrer que ça lui plaît d’entendre ça. Mais elle ne peut pas empêcher ses lèvres de se redresser lorsque les échos de la prison sont évoqués. Ainsi donc, ce qu’elle faisait n’était pas vain. Alors elle l’imite, elle ricane elle aussi alors qu’elle essuie sa bouche pleine de vinaigrette. Jenny en met toujours trop, mais Bennie n’a jamais osé lui dire. “Dis rien pour les flics. Parce que s’tu dis un truc, il va direct capter qu’tout vient d’moi. Là il s’le dit p’têtre, mais il a pas de preuves.” Elle hausse rapidement les sourcils dans un sourire, bien trop fière des braises qui ont pris sous ses murmures.

Elle ne se rend pas vraiment compte non. Il n’est pas encore à côté d’elle depuis assez longtemps pour qu’elle puisse réaliser que tout est vrai. C’est comme si tout était hors du temps. Comme si elle n'était pas vraiment en train de vivre tout ça. Alors elle se met à rire des prouesses du jeune avocat, celui qui a mis fin à la sentence qui devait encore durer trop longtemps. Travis sauvé par la loi. Il est comme les grands de ce pays maintenant, coupable en liberté. “Tu parles que ça a changé quelque chose.” Elle souffle du bout des lèvres, secoue la tête en prenant un nouveau morceau de poulet qu’elle coince contre sa joue droite. “Y’en a toujours autant, la seule différence, c’est qu’y’en a qui sortent sans caution parce qu’y’en a qui qu’est dans l’anti-gang là, du coup il passe il dit d’les libérer. Mais c’tout. Et c’est pour du deal.” Elle lève l’index pour reprendre la mastication de son poulet. “Mais l’reste, ils peuvent rien faire. Et puis merde, on bosse pas avec les flics putain !” C’est ce qui l’énerve plus que tout, parce qu’elle a eu trop de fois affaire à eux, et même récemment. Elle se souvient encore du contact de la taule de la voiture sur son visage lorsqu’il avait agrippé ses cheveux avec trop d’entrain, des pleurs de DeeDee la petite soeur de Goldie, du regard de ce dernier qui se vidait de tout raisonnement, et puis de ces mains qui ont parcouru son corps avec trop d’insistance à la recherche d’une bonne raison de les emmener avec lui ou pire, de justifier la violence dont il voulait faire preuve. Elle ne l’a pas raconté à Travis, elle ne lui racontera pas. La rue le fera peut-être, mais elle ne veut pas en reparler de ce soir-là où, encore une fois, la police lui a démontré qu’il n’y avait rien à garder dans ses rangs. Et si Banks l’a fait sortir après quelques heures d’enfermement, elle ne l'accepte pas pour autant dans la famille du b-bang. Non, aucun flic ne trouve grâce à ses yeux. Elle les déteste tous. “Et ta cousine, bah, elle vend un peu, mais ça va, elle est super vénère contre son père. D’un côté, c’pas plus mal, ça lui évite de faire des conneries.” Mais ils sont bien mal placés tous les deux pour faire la morale à la jeune Dawkins. "Puis elle s'occupe beaucoup de votre grand-mère."
(c) DΛNDELION

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Evidently, it's elementary, they want us all gone eventually. Troopin' out of state for a plate of knowledge. If coke was cooked without the garbage, we'd all have the top dollars. Nas
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Travis Foster
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24. ▬ Bennie Empty
▬ Ven 15 Sep - 12:51 ▬

« Elle sait, avec son petit sourire en coin, elle sait bien que de ce petit jeu, elle maîtrise les règles et les ficelles. Ça lui plaît pas trop, mais il a fait depuis longtemps le deuil de pouvoir lui dire de rester tranquille... et espérer qu'elle s'y tienne. Il comprend pas ce qu'elle ressent, pour lui c'est normal que les hommes et les femmes aient des places et des responsabilités différentes au sein du bbg. Il ne s'est jamais imaginé que Bennie aurait vraiment une véritable place... Et pourtant, ses informations – bien qu'évidemment filtrées – ont été précieuses. Ses visites ont été vitales parce qu'elle était une sorte de fil rouge tous les mois. Il a eu besoin de ce fil rouge, depuis le premier rouge il a eu besoin de ce fil rouge et la pensée qu'elle viendrait dans trente, dans vingt, dans dix jours, ça faisait que les jours passaient quand même plus rapidement. Vingt trois heures par jour. Il lui lance une oeillade en coin, observe ses petites manières alors qu'elle se camoufle maladroitement derrière sa fourchette et une feuille de salade.

« Elle sait, elle a compris les choses. Elle a beau être grande gueule – et c'est pas peu dire – elle sait bien comment ça marche.
▬ Dis rien pour les flics. Parce que s’tu dis un truc, il va direct capter qu’tout vient d’moi. Là il s’le dit p’têtre, mais il a pas de preuves. Il balance la tête en arrière en la fixant. Tu m'as pas sérieusement raconté ça pour me demander de pas demander des comptes ? Les lèvres scellées, Travis sait garder les secrets. Il l'a toujours fait depuis gamin quand il sortait, apercevait les ombres se mouvoir dans des transactions interdites, quand les mains plus ou moins matures maniaient le fer qui crachait le feu, quand la police ralentissait de temps à autres en leur demandant par quel côté était parti ce mec noir qui courait à toutes allures ? Il savait depuis des années garder des secrets, les enfouir si profondément qu'ils ne lui venaient jamais sur le bord des lèvres. Les accès de colère, les crises d'égo ou l'envie d'en découdre lui faisaient pas avoir un mot plus haut que l'autre. Et ça ne changerait pas. En onze ans, il  en a croisé une paire, des co-détenus et parfois, dans une sorte d'élan paranoïaque, il se demandait si l'un d'entre eux pouvait pas être un flic qui se trouvait pas là pour entendre chanter celui qui attend.

« Elle sait. Et lui aussi. Au début, il a répondu comme quand il était gosse, à coups de « je sais pas », « jamais vu », « jamais entendu ». Mais avec les années, s'il a gagné en patience concernant les petites provocations de ceux qui viennent d'arriver – pour s'éviter l'isolement principalement – il a pas su en faire autant avec ceux qui pensaient que le mec au trou aurait envie de raconter sa vie. Parfois, un sourire un peu benêt sur le bord des lèvres, il annonçait légèrement « pose-moi encore une question et jvais te briser la mâchoire » puis se couchait, serein. Alors il sait garder les secrets, mais celui-là ça le fait carrément chier de le garder. Il pince les lèvres, contrarié par la demande puis hausse des épaules et lâche finalement :
▬ Jamais vu un seul flic avec le b-bang, puis prend une gorgée de son verre. Curtis est pas chargé de lui faire un compte-rendu, ni personne d'ailleurs. Il saura bien se présenter quand le moment sera venu.

« Elle sait, Bennie. Alors il continue de lui poser quelques questions et frotte de nouveau ses doigts avant de tenter de poser une main contre sa cuisse, au risque de l'entendre jacter qu'il a les mains sales ou que c'est jenesaisquelletenuetropprecieuse.
▬ Tu parles que ça a changé quelque chose. Y’en a toujours autant, la seule différence, c’est qu’y’en a qui sortent sans caution parce qu’y’en a qui qu’est dans l’anti-gang là, du coup il passe il dit d’les libérer. Mais c’tout. Et c’est pour du deal.
▬ C'est quoi, leurs noms ? qu'il demande avant de lancer une nouvelle oeillade à la salle, offrant un sourire à Jenny qui surveille que ses mets soient consommés et appréciés à leur juste valeur !
▬ Mais l’reste, ils peuvent rien faire. Et puis merde, on bosse pas avec les flics putain !
▬ Tu bosses avec qui, toi ? qu'il lui demande, avec un peu de provocation. Il aime bien aussi, quand même, son regard outré. Il aime bien quand elle s'énerve, quand elle se fait plus grande, plus puissante et plus explosive qu'elle n'est en réalité. Il accentue son contact sur la cuisse de Bennie, comme pour l'amener davantage contre lui.

« De sa seconde main, il saisit sans forcer le menton de Bennie pour être bien sûr de tourner son visage dans sa direction. Il laisse passer une seconde puis passe le pouce contre la joue de la jeune femme, passe la langue contre sa lèvre inférieure. Le ton de la voix plus basse, il lui intime :
▬ Toi tu bosses avec personne. Il ne mesure pas encore tous les changements du gang, et ça lui fout  un peu le mort de se sentir ainsi perdu. Il est patient, il vient de sortir, tout se dit pas sur une lettre ou au téléphone, même pas au parloir, forcément. Mais il a besoin de quelques jours pour retomber sur ses pieds pour savoir ce qu'il en est, et en attendant Bennie doit pas faire de vagues, du moins arrêter d'en faire. Il relâche le menton de Bennie puis cale finalement son dos contre le siège, laissant glisser ses pieds sur le sol.

▬ Et ta cousine, bah, elle vend un peu, mais ça va, elle est super vénère contre son père. D’un côté, c’pas plus mal, ça lui évite de faire des conneries. Puis elle s'occupe beaucoup de votre grand-mère.
▬ Ouais, répondit-il juste en hochant de la tête. C'est normal qu'elle soit en colère, finalement. Il se demande comment Bennie a fait pour tenir toutes ces années sans lui exploser à la gueule ou juste disparaître d'ailleurs. Quand il était à l'hôpital suite à l'histoire de Crowe, il s'attendait à la voir débarquer avec un sèche-cheveux pour lui latter la tronche avec. Il esquisse un sourire, conscient du temps passé et confie : Faith m'a écrit une carte, d'anniversaire. Cet hiver. Il hausse des épaules, il avait deux putain de semaines à chercher un message caché pour abdiquer et reconnaître en fin de compte que c'était juste une des « excentricités » de leur grand-mère, dont il n'avait pas pleinement conscience, ayant pas le détail de son état de santé. Wynona était une bonne « gamine », il doutait pas qu'elle s'en occupait bien. Qu'elle soit occupée, ouais, et en colère. Et toi, qui s'est occupé de toi ? lui lance-t-il en feintant de reporter son attention sur le reste de poulet dans son assiette. Il doute pas de la fidélité de Bennie, sa question est toute autre. Il lève une main pour lui signifier. Et son esprit vagabonde des frères du bbg jusqu'à cet instant. Il a besoin d'argent. Il a besoin de savoir où ses affaires ont été foutues après son arrestation. Il passe une main dans sa nuque. J'irai voir ma mère, après. Et il ira aussi au cimetière, voir si y'a besoin de s'occuper de la tombe de Terrence, même s'il doute pas que Kadeuce l'a sans doute pas laissée tomber en ruines en son absence.

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Bennie Kelly
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ombres et névroses : Un tatouage sur le majeur qu'elle brandit souvent. On ne sait pas vraiment s'il s'agit du chiffre romain deux ou du signe des gémeaux. Mieux vaut ne pas trop la provoquer, la violence coule dans ses veines et chante souvent à son oreille.
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▬ Sam 16 Sep - 12:46 ▬

24.

“Y’en a un c’est Banks, c’lui qu’est à l’anti-gang. J’crois il m’aime bien mais moi j’l’aime pas. Après t’as Duncan, lui c’est l’ancien pote à RJ, et RJ il dit c’est un traître parce qu’il a grandi ici et après il a été chez les flics. Il est au SWAT. Et l’dernier, c’est Hanson, grosse baraque dans le centre ville, mais comme c’est un pote à Kad, personne dit rien. Et il organise des soirées chez lui, du coup, y’a quelques gamins ça marche sur eux t’vois.” Elle secoue la tête en mâchant un bout de poulet, ça la désole de voir les convictions de la flamme de son quartier étouffées par ce qu’ils détestent le plus au monde. Et quelque part, elle est rassurée de voir que les convictions de l’homme de sa vie n’ont pas été ébranlées par l’enfermement subit. Les questions s’enchaînent dans la bouche de Travis, comme s’il cherchait à rattraper onze ans de censure. C’est qu’il y a des choses qu’elle avait préféré taire pour être certaine de le retrouver un jour.

Ses yeux se baissent alors lentement sur cette main qui se pose un peu sur le tissu de sa robe, un peu sur sa jambe. Elle imagine les résidus de graisse s’incruster dans le textile bon marché. Autrefois, elle aurait repoussé sa main d’une légère claque de la sienne, elle se serait mise à gueuler sur les tâches à venir et lui aurait dit de garder ses distances en public. Il y a de la pudeur en Bennie malgré ses vêtements qui ne laissent souvent aucune place à l’imagination et ses airs insupportables de diva. Elle garde les tendresses loin des regards indiscrets, pour ne pas faillir à l’image qu’elle donne. Elle n’est pas vraiment ce qu’elle prétend être. Elle fixe un moment sa main, mais elle ne dit rien, parce que finalement, elle se rend compte de ces détails qui lui avaient manqué. Il avait toujours ce besoin d’avoir un contact avec elle. Et ça la faisait râler parfois de pas pouvoir manger en paix, de l’avoir toujours au-dessus de son épaule ou contre elle alors qu’il y avait largement de la place pour deux autour. Mais onze années sans se toucher, ça fait réfléchir, ça fait relativiser, ça fait se dire que c’était pas si mal. Alors elle dit rien, jusqu’au jour où ça la gonflera à nouveau. Travis provoque, cherche à piquer l’ego de la coiffeuse qui ne supporte pas qu’on la remette à sa place. Lui aussi, il l’écarte de ce qui ne la regarde pas. Pourtant, elle n’est pas d’humeur à lui offrir son énervement aussi facilement. Peut-être parce que ça fait longtemps, peut-être parce qu’elle s’est un peu assagie avec les années et qu’elle a appris de ses erreurs passées. Elle lui sourit en retour, provocation assumée alors qu’elle s’approche un peu plus de lui sans le quitter des yeux. “Ah ouais ?” Elle rit, ou plutôt, elle glousse à quelques centimètres de son visage à peine. Il y a l’impertinence qui se fraye un chemin jusqu’à ses yeux, jusqu’au sourire qu’elle étire sur le coin de ses lèvres. “Alors j’les ferai bosser pour moi.” Il pourra bien tenter de la retenir, elle ne l’écoutera pas. Elle aime trop ça, Bennie, flirter avec l’interdit, ça a quelque chose de grisant.

Faith. Elle détourne le regard pour s’en remettre à son plat. Elle n’a jamais réussi à lui parler d’elle. A lui en parler réellement. Elle restait évasive, disant qu’elle allait bien, que Wynona s’en occupait beaucoup. Bennie avait un peu caché la réalité, parce qu’elle avait jugé bon de ne pas tout lui dire. Il n’avait pas besoin de ça, il n’avait pas besoin de s’enfermer avec ses pensées. Elle évitait toujours les mauvaises nouvelles en général. Ce n’était pas ce dont il avait besoin. Et puis c’était une sale manie chez les Kelly ça, de ne pas trop parler de ce qui ne va pas. “Ah ?” Qu’elle interroge faussement avant de coincer la paille de son coca entre ses dents pour en prendre quelques gorgées pendant qu’il continue sur sa lancée. Qui s’est occupé d’elle ? Personne et tout le monde à la fois. Au début, il y a eu du monde. On avait facilement de la peine pour cette gamine d’à peine vingt ans qui avaient décidé de sacrifier sa jeunesse pour un début d’histoire d’amour. Les amis ont voulu lui changer les idées, lui ont proposé de sortir, mais elle, elle refusait. Elle s’était enfermée dans un autre monde, celui qui était rythmé par son travail, les appels à la prison et puis les visites. Elle s’est engueulée avec beaucoup, certains lui ont tourné le dos et elle a resserré son cercle à seulement quelques personnes, et à sa famille surtout. Personne ne s’est occupé d’elle, parce qu’elle n’a jamais rien demandé. Il y a bien Desmond qui restait accroché à la vipère qu’elle était, quand pourtant elle ne l’a jamais épargné. Il y a eu Goldie aussi, ce gamin qui était bien trop souvent dans son sillage, elle avait fait semblant de ne pas voir qu’il espérait bien plus que l’amitié qu’elle lui avait accordé. Kadeuce a tenté à sa manière aussi, ne s’attirant que les foudres de l’insupportable fille Kelly. Mais ils ne se sont pas occupés d’elle comme il l’entend, pas comme lui il l’aurait fait. Elle a toujours fait comme si tout allait bien, s’accrochant à l’espoir du moment qu’elle est maintenant en train de vivre. Et c’est là qu’elle se dit que ce n’était pas vain, que celles et ceux qui lui ont dit que c’était complètement idiot d’attendre un mec qu’elle a connu que huit mois, que à son âge, c’était pas sérieux, et bien c’est qu’ils ne savent pas ce que c’est d’aimer comme ils s’aiment. En dehors de sa famille aussi bancale que la maison familiale, Bennie n’avait que lui. Dans un léger soupir, elle pose un coude contre la table et laisse reposer sa tête à l'intérieur de sa main en se tournant vers Travis, l’air soudain un peu trop sérieux. “Tu sais … “ Doucement, Bennie vient poser sa main sur celle de Travis en lui souriant. Elle aimerait lui parler un peu de Faith, mais elle ne sait pas comment le lui dire. Et surtout quoi dire. Égoïstement, elle ne veut pas assombrir leur moment. “J’avais pas besoin qu’on s’occupe de moi.” Alors, elle passe à autre chose. Summer avait toujours inculqué à ses rejetons qu’ils ne devaient compter que sur eux-mêmes, et Bennie mettait beaucoup d’entrain à appliquer à la lettre la doctrine de sa mère. Chez les Kelly, seuls les bons alimentaires étaient tolérés pour aider les fins de mois difficiles. Le reste, c’était de la débrouille, des vols de RJ aux combines des jumeaux. Les enfants Kelly avaient su, chacun à leur manière, développer une compétence particulière dans l’illégalité. Sauf Billy. Billy, il n’avait jamais su s’adapter, certainement trop couvé par Summer. Mais jamais aucun n’ira admettre avoir besoin d’aide, on en parle pas, c’est comme ça. Question de fierté, question d’honneur. “J’sais me débrouiller.”
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Travis Foster
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24. ▬ Bennie Empty
▬ Lun 18 Sep - 12:56 ▬


▬ Y’en a un c’est Banks, c’lui qu’est à l’anti-gang.
▬ Banks, anti-gang, qu'il se répète en levant brièvement les yeux au ciel. S'abandonner aux heures qui passent, c'est un peu se laisser mourir. Après quelques années, Travis a repris les cours après avoir longuement patienté – parce qu'elle est putain de longue cette liste d'attente pour avoir quelques heures – et surtout après avoir pu montrer « patte blanche » parce que les gars qui sortent de l'isolement, on ne les fout pas à une table avec un crayon et d'autres détenus. Et puis, il y avait cette sorte d'orgueil mal placé qui le faisait se dire que ça ne sert à rien, il a jamais eu besoin de ça. Il allait se pointer là comme un abruti et dire quoi ? Qu'il était comme les gosses ? Finalement, quelques discussions et beaucoup de temps l'avaient aidé à franchir le cap. Les flics, c'est en quelque sorte sa leçon du jour ? Même s'il peut paraître peu attentif, il écoute. Il enregistre ce qu'on lui dit, il ferme sa gueule mais il est attentif.
▬ J’crois il m’aime bien mais moi j’l’aime pas. Après t’as Duncan, lui c’est l’ancien pote à RJ, et RJ il dit c’est un traître parce qu’il a grandi ici et après il a été chez les flics. Il est au SWAT.
▬ Duncan, le SWAT, qu'il marmonne ensuite, se demandant quel type de coopération ont adoptée ces deux équipes là. Il a aussi besoin d'un téléphone, d'ailleurs. Banks à l'anti-gang, et Duncan au SWAT. D'accord. Il ne dit rien sur le fait que Duncan semble apprécier Bennie mais il lui glisse une petite oeillade de biais pour voir comment elle dit ça. Bennie, elle aime plaire, c'est une femme de l'extérieur, ça ne lui ressemble pas de simplement être sans paraître. Elle a une sorte d'image à tenir, et Travis sait pas ce qu'un flic peut lui vouloir et il veut pas le savoir : que ce soit une indic, le frisson de baiser une Kelly ou les grands yeux de sa chick à lui, il aura rien de tout ça.
▬ Et l’dernier, c’est Hanson, grosse baraque dans le centre ville, mais comme c’est un pote à Kad, personne dit rien. Et il organise des soirées chez lui, du coup, y’a quelques gamins ça marche sur eux t’vois.

« Kad choisit bien ses amis, apparemment. Bennie précise pas le service auquel Hanson est affecté, et ça peut pas être un petit flic du coin de la rue, s'il a cette fameuse grosse baraque dans le centre-ville. Il hoche de la tête et se demande à quoi aspire Kadeuce ? Et surtout qu'est-ce que pense Curtis de tout ça ? Travis, il n'aspire pas à réformer quoi que ce soit, il n'a jamais vraiment vu les choses à long terme, enfin concernant le bbg. Pour « elle » c'est une autre histoire... Enfin Travis n'est pas un romantique, il sait simplement ce qu'il veut.

▬ Ah ouais ? qu'elle lui lance, une flamme de défi dans le regard. Alors j'les ferai bosser pour moi, finit-elle fièrement. Travis pose son front contre celui de Bennie et la repousse légèrement avant de ricaner, elle ne manque vraiment pas d'air, elle ! Même si une petite voix dans sa tête se dit que quelque part, elle pourrait même être sérieuse.
▬ Ouais, ouais fais ça, surenchérit-il, amusé par son aplomb aussi intact que dans son souvenir. Finalement, ce serait pas un peu lui le garde-fou de ce duo ? Il espère juste qu'elle n'a pas eu ce genre de discours en son absence. Il termine son verre qu'il reclaque sans trop de douceur sur la table.

« Mettant de côté le gang pour parler de la famille, Travis confie cette étrangeté de la carte d'anniversaire qui surgit n'importe quand, elle se repenche sur son plat et il hausse vaguement des épaules. Il n'y a rien à tirer de ça, sinon que c'était une sorte d'entorse aux cartes de noël que sa mère lui envoyait tous les ans, avec de préférence un message au sujet de Jésus. Si elle avait pu, probable qu'elle lui aurait fait parvenir une crèche au premier noël. Elle a l'air étonnée, il rebondit pas.

▬ Tu sais… J’avais pas besoin qu’on s’occupe de moi.
Il se dit que probablement que si, elle qui s'affaire toujours à s'occuper de tout le monde. Elle pourrait mettre des coups de pied au cul, des baffes ou cracher son venin qu'elle serait toujours présente pour les siens. Elle veille à ce que les choses soient à leur place, et que sa famille soit en sécurité, l'énergie qu'elle a déployée pour Billy le montre bien. Travis n'en a pas voulu à Billy... enfin l'absence de Bennie le faisait chier. Un mois c'est long. Deux mois, c'est interminable. Trois mois une éternité. Mais il connaît sa dévotion envers les siens, il pouvait pas lui faire la morale. Son regard se balade dans le restaurant alors qu'il lui dit qu'il va s'occuper d'elle. Pas dans une allusion lubrique – même s'il pourrait – mais comme un engagement qu'elle a sans doute longtemps attendu. Si Bennie fournissait des informations souvent plus sérieuses, la mère de Travis, elle, éprouvait une sorte de fascination pour les détails. Ses copines qui devenaient grand-mères avaient tendance à revenir régulièrement. Un jour, il s'était énervé au téléphone, elle avait arrêté d'en parler. S'énerver au téléphone, il avait eu que ça. J’sais me débrouiller.
▬ Alors débrouille-toi pour me trouver un téléphone, annonce-t-il un peu plus froidement qu'il ne l'aurait voulu. Il se met à verbaliser le fil de ses idées : Faut que je voie Curtis. Avant sa mère, elle n'était pas à un jour près, maintenant... Il passe une main dans sa nuque, il se sent épuisé. Épuisé et il sait qu'il pourra pas dormir ce soir, ça c'est clair. Il attend quelques instants puis lui demande en se levant : 'Ont été longs, ces huits mois, uh ?

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Bennie Kelly
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24. ▬ Bennie Empty
▬ Ven 22 Sep - 21:16 ▬

24.

Il va s’occuper d’elle. Ça la fait presque sourire, et pourtant, c’est dans la logique des choses. Mais au fond d’elle, il y a son indépendance et sa fierté qui se battent pour exister. C’est long onze années à ne compter que sur soi-même, ça laisse de mauvaises habitudes. Alors elle lui sourit, mais si elle veut être honnête envers elle-même, elle sait qu’elle n’en a pas vraiment envie. Elle a trop pris l’habitude de s’occuper des autres et aussi de lui. Il ne peut pas lui demander d’inverser les rôles comme ça du jour au lendemain. Mais elle ne lui dit rien, dans une espèce de volonté de ménager son ego, et aussi de préserver la paix retrouvée.

Pourtant, lui ne se gêne pas. Le sang de la jeune femme ne fait qu’un tour lorsqu’elle l’entend lui parler, elle dirige alors son regard vers Travis, prête à le foudroyer sur place. Une fois, Stevie a dit qu’il valait mieux pas que les yeux de Bennie soient des armes. Elle était gamine, elle n’avait pas vraiment compris. Mais c’est vrai que lorsqu’elle est contrariée, son regard prend les teintes sombres de la colère. “Pardon ?” C’est pas tant la demande qui la dérange, c’est le ton. Et ce n’est certainement pas onze ans de séparation qui ont passé l’envie à la Kelly de se faire respecter. Mais Travis, ça ne semble pas le perturber plus que ça, il continue sur sa lancée, part sur un autre sujet comme s’il était en train d’énoncer tout ce qui lui passait par la tête, comme s’il avait oublié le caractère imprévisible de celle qui se trouvait à ses côtés. Lui aussi, il aime le danger. Il n’en faut pas plus pour échauffer l’esprit de la jeune femme. Il manquait juste cette étincelle pour allumer la colère dans son regard. Elle n’a plus envie de l’écouter, occupée à tenter de calmer les ardeurs belliqueuses qui s’emparent d’elle. Elle tourne la tête et se met à fixer son assiette avec insistance, la voix de son frère en tête. Respire, qu’il lui disait toujours Louie. Ben’ respire, ça vaut pas la peine. Alors elle inspire et elle expire doucement tout en plaçant ses mains sous ses cuisses pour les retenir d’attraper le visage de Travis. Parce que sur le moment, elle ne rêve que de ça; attraper sa tête entre ses mains, le regarder droit dans les yeux et lui dire qu’il n’a pas à lui parler comme ça, qu’elle l’a pas attendu onze ans pour qu’il lui parle comme on parle à une chick qui vient de débarquer dans la pièce. Quand ça chante trop à ses oreilles, elle devient incontrôlable. Mais elle prend sur elle, parce qu’elle a pour principe de garder les histoires de son couple derrière les portes de la maison. Elle a beau gueuler pour tout et n’importe quoi, quand il s’agit de Travis, les choses sont différentes. Elle sait que ça va vite. Et elle ne veut pas que ça traîne dans les vilaines bouche d’eight mile que la Kelly a hurlé sur son mec alors qu’il venait juste de sortir de prison. Elle garde un temps les lèvres scellées de vexation avant de redresser la tête pour attraper son sac à main. Elle ne relève pas sa dernière phrase, persuadée qu’il s’agit encore d’un affront de sa part, et puis parce qu’elle ne voit pas trop où il veut en venir avec son histoire de huit mois. Il n’y a pas que les huit mois qui ont été longs. Elle a trop laissé sa colère prendre le dessus ces derniers temps.

Elle reste en boucle sur le premier sujet. Bien sûr qu’elle lui a pris un téléphone, elle a demandé à Louie de lui en trouver un dès qu’elle a su sa date de sortie. Elle avait même passé une soirée à rentrer tous ses contacts. Et puis surtout, elle avait mis sa plus belle photo d’elle en fond d’écran, le choix n’avait pas été simple, car elle avait du mal à faire le tri parmi tant de qualité. Mais maintenant, elle est bien décidée à réinitialiser le téléphone et à le laisser se débrouiller avec les paramétrages de la reconnaissance faciale. Ca allait lui faire tout drôle de passer du BlackBerry Bold 9900 à l’Iphone 13. Et quelque part, ça la console un peu de l’imaginer galérer, ça l’aide à ne pas tout envoyer valser. “Tu devrais aller voir Kad d’abord, il cherche quelqu’un.” Le ton est sec, parfaitement maîtrisé alors qu’elle entend encore son cœur battre contre ses tempes. Elle est énervée, et ça se voit à la façon qu’elle a de fouiller dans son sac. Ses ongles en plastique cognent à plusieurs reprises les différents gloss qu’elle laisse dans son sac, puis ses clés de maison, jusqu’à enfin trouver sa mauvaise contrefaçon de portefeuille Louis-Vuitton. Agacée, elle pose quelques billets sur la table avant de se lever sans un regard pour Travis : “Va payer j’t’attends dehors.” Elle est peut-être en colère contre lui, ou contre ses mots, elle ne sait plus vraiment, mais elle sait l’importance de ce geste ici. Elle n’a jamais bataillé pour payer à sa place du temps où il était encore dehors. Une femme qui paye ici, c’est parce qu’elle n’est pas accompagnée, ça peut très vite devenir un signe de faiblesse aux yeux des autres même. Alors, elle lui laisse la charge de payer, sans rien ajouter de plus, parce que c’est la norme. Bientôt, elle n’aura plus à faire ça, parce qu’il l’a dit : il va s’occuper d’elle. Mais elle est toujours en colère, alors elle va vers la sortie de l’établissement sans lui accorder un seul regard, saluant au passage Jenny en la gratifiant de son plus beau sourire. C’est facile de faire semblant quand ça ne va pas, ça fait onze ans qu’elle le fait. Pourtant, si on tend bien l’oreille, on reconnaît au bruit de ses talons sur le carrelage usé qu’elle est en train de bouillir de l’intérieur. Elle marche trop vite.

Sur le parking, elle l’attend, le cul collé contre la tôle brûlante de la voiture de son frère. Elle l’attend les bras croisés, les yeux rivés sur son téléphone. Elle fait défiler de manière intempestive toutes les story qui apparaissent. A travers ces bouts d’histoires, elle peut s’imaginer la vie des gens de son quartier. Il y a des jours où ça la rendait particulièrement aigrie, parce qu’elle n’avait pas grand-chose à partager. Le contact irrégulier de ses ongles contre l’écran rendrait fou n’importe quelle personne saine d’esprit. De temps à autre, son téléphone vibre des messages qu’elle n’a pas encore voulu ouvrir. Elle répond dans l’immédiat d’habitude, mais elle n’a pas envie de répondre à la stupide question que tout le monde pose : alors, tu l’as récupéré ? Bah non, je leur ai dit de le garder encore un peu. Les gens sont d’une idiotie sans nom parfois, avec leur rhétorique idiote. Bennie avait simplement prévenu Simone, parce que c’est pas les autres, une mère a le droit de poser ce genre de question.

Quand Travis arrive à sa hauteur, elle relève la tête pour enfin accorder un regard qui n’a rien de celui auquel elle a pu l’habituer depuis qu’ils se sont retrouvés. “Hé, tu t’es pris pour qui en fait toi ? T’as cru j’étais qui ?” Les yeux de la coiffeuse détaillent le visage de son homme alors qu’elle hausse les sourcils à mi-chemin entre l'exaspération et la surprise. “T’es un ouf toi hein. Tu m’parles encore une fois comme t’as fait, j’te jure t’vas le regretter.”
(c) DΛNDELION

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Evidently, it's elementary, they want us all gone eventually. Troopin' out of state for a plate of knowledge. If coke was cooked without the garbage, we'd all have the top dollars. Nas
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Travis Foster
Travis Foster
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▬ Lun 25 Sep - 0:28 ▬


▬ Pardon ?

« Oh non. Il voit bien la façon dont ses traits se parent d'une nouvelle émotion, que tout le monde dans l'entourage de Bennie connaît bien. Elle a écarquillé les yeux, tourné la tête comme s'il venait de lui poignarder un putain de couteau dans le bide. Il arque un sourcil, conscient qu'elle l'a mal pris, mais il s'y arrête pas. Ils vont pas s'expliquer ici, et surtout pour quelques mots lâchés comme ça... Ça fait un moment qu'il ne prend plus de gants, après tout. Ce n'est pas la petite crise caractérielle de Bennie qui va le changer aujourd'hui. Et en quelques sortes, il ne comprend pas pourquoi elle s'énerverait, il est de son côté, lui.

« Murée dans le silence, elle se décide à attraper son sac à main, il soupire en essayant de lancer un mot pour essayer de la raisonner mais elle n'en fait qu'à sa tête. Il croise les bras et la laisse passer après qu'elle ait la bonne idée de lui laisser l'argent pour payer.
▬ Va payer j’t’attends dehors. Il pourrait la retenir, facilement mais il veut pas établir un rapport de force, pas avec elle en tout cas. Il la laisse passer devant et prend quelques minutes pour aller payer, échanger quelques mots avec la propriétaire des lieux pour laisser le temps à sa femme de prendre l'air et se calmer un peu. Peut-être même réaliser qu'elle fait des caisses pour rien.

« Elle a le regard rivé sur son téléphone, faisant danser son index sur l'écran comme si elle pouvait trouver un trésor à tout moment, il lui lance quelques œillades à travers la porte vitrée et se fige là. Une seconde. Son poing se serre et il sent son corps se tendre, ses narines se dilater et ses lèvres se pincer alors qu'il l'aperçoit, elle, mêlée de son propre reflet. Il demeure immobile, jusqu'à ce que la réalité se rappelle à lui et il pousse brutalement la porte qui s'ouvre sans résistance. À l'extérieur, il la rejoint en souhaitant qu'elle n'en rajoute pas encore une couche, mais elle a manifestement décidé de montrer qu'elle n'accepte pas.
▬ Hé, tu t’es pris pour qui en fait toi ? T’as cru j’étais qui ?

« Il secoue la tête et lève la main, pour lui notifier silencieusement d'en rester là. Il n'a pas envie de s'énerver, pas envie de se prendre la tête avec elle alors qu'il vient seulement de sortir. Mais Bennie ne connaît pas la mesure et elle reste bien campée contre la voiture, à essayer de faire une démonstration de force. Vas-y, se dit-il, je sais bien qu'on doit pas te manquer de respect. Mais lui, elle n'a rien à lui prouver et elle n'a rien à craindre de sa part, alors pourquoi fait-elle semblant de ne pas comprendre ? Il fronce les sourcils.
▬ T’es un ouf toi hein. Tu m’parles encore une fois comme t’as fait, j’te jure t’vas le regretter.

« Son regard exaspéré quitte le ciel pour se reposer sur Bennie. Un silence, il la fixe. Son pouce caresse ses index et majeur dans le vide et sa langue passe contre sa lèvre inférieure. Faussement incrédule, il lui demande tout de même :
▬ Répète ? Redis-moi ça ? Travis n'a jamais été un mauvais gars, finalement. Il aidait Simone de son mieux quand il était encore à la maison. Avec les années, ils avaient connu des éclats de voix mais ça n'allait pas plus loin. Il pouvait se montrer impulsif, rarement colérique, engrangeant assez de rancœur pour finalement ne plus pouvoir la retenir à un moment donné. À cet instant, alors qu'il a le regard baissé sur Bennie, dissimulée dans son ombre mais grandie de ses manières et de son assurance, il essaie de se dire qu'elle ne mesure pas ce qu'elle dit. C'est d'ailleurs l'écho que tout le monde propage à son contact : elle parle trop. Elle dit des choses qu'elle ne devrait pas dire. Et la menace, même si ça n'en est pas vraiment une, a un écho particulier aux oreilles de l'ex-détenu. Tu vas le regretter. Vraiment ?

« C'est terminé, le temps des contacts réduits. Elle ne pourra plus se cacher après avoir raccroché. Et il ne pourra plus se cacher après avoir raccroché. Ils sont désormais condamnés à devoir redécouvrir les qualités de l'autre, et accepter tout ce qui les a changés. Et les mots ont un sens, les mots ont un sens. Finalement, il inspire profondément par le nez et lui dit d'une voix basse :
▬ T'as rien à m'prouver. Je suis de ton côté, pourrait-il ajouter. Mais elle a pris l'habitude, pris l'habitude de devoir se défendre de ceux qui la bousculent, qui lui marchent dessus, qui ne s'arrêtent pas pour elle. Elle avait déjà son caractère et il est coupable d'avoir été ailleurs. Son orgueil ne lui permet pas de dire à Bennie de laisser tomber, ou pire qu'il s'excuse pour la dureté de son ton, et parce qu'il n'estime pas avoir été vraiment rude avec elle. Il lève l'index près de son visage. Ne vas pas trop loin, ma jolie... Jte le dis, même à Livonia, ça dit que tu l'ouvres beaucoup. Calme-toi. Ou c'est toi qui vas regretter. Il soupire. Ça va le faire. Il pose sa main contre la joue de Bennie. Jcomprends tu sais, t'as été toute seule, t'as tout géré... mais faut que tu t'calmes maintenant.

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