A stupid little mistake ft. Llewyn

@Llewyn Ledger

Le mec, il a un sweat noir avec une capuche genre énorme qui tombe devant ses yeux, un pantalon tout slim là déchiré, une dégaine pas nette. Il t’attendra dans ce coin…

Wesley avait consciencieusement noté les indications de son indicateur concernant la personne qu’il devait suivre et retrouver afin de lui poser quelques questions sur une drôle d’affaire qui avait eu lieu à 8 miles road. Le genre de quartier où on ajoutait toujours l’adjectif « drôle » ou « tragique » ou « sanglante » devant la mention d’une « affaire » si vous vouliez son avis… Quoi qu’il en soit, Wesley se trouvait dans une période d’intense motivation par rapport à son métier et était motivé à rapporter un article bien juteux afin d’écraser Eliott.

Du moins c’est ce qu’il se disait. La compétition entre eux n’existait probablement que dans son esprit à lui et par phase, en plus, quand la flemme ne gagnait pas.

Pleine nuit, dans une rue dont les lampadaires menaçaient de partir en grève en grésillant de manière aléatoire. Wes suivait son gars depuis un moment déjà et il collait parfaitement à la description, jusque dans la taille. Il n’avait pas vu son visage mais n’en avait pas besoin, il était sûr de lui. La photo que lui avait filé son indic ne servirait pas, finalement ! Restait à savoir si ça le mènerait quelque part, s’il allait découvrir quelque chose d’intéressant en parlant à ce gars ou si c’était un piège. Le type était peut-être armé et Wes avait déjà été poignardé deux fois dans sa vie. Il savait que l’adage jamais deux sans trois se vérifierait un jour, il en avait la profonde conviction, mais le plus tard serait le mieux…

N’empêche, il se demandait combien de temps la promenade allait durer. Il avait froid, lui, et regrettait de ne pas avoir enfilé des gants parce qu’il soufflait un sale vent… Laissant la distance s’amoindrir entre eux, Wes profita que le mec s’arrête enfin dans une ruelle entre deux poubelles pour s’approcher.

— Très drame policier comme décor, t’as pas prévu de me planter j’espère ? rigola-t-il d’un air un peu nerveux. Je comprends que tu sois un peu parano hein j’t’assure mais…

Le mec avait relevé la tête et, dans le mouvement, découvrit son visage. Sauf qu’il paraissait bien plus jeune, bien trop jeune par rapport à la photo. C’était pas possible ! On l’avait trompé ?

— Mais t’es qui toi putain ?

Wes observa l’individu qu’il suivait sans comprendre pourquoi celui-ci se persuadait qu’il était en train de le braquer. Il n'avait aucune arme dans sa main, pas même un téléphone portable qui pourrait prêter à confusion. Puis, est-ce qu’il ressemblait vraiment à un criminel ? L’air ahuri, le journaliste hésitait entre rire, se défendre et accepter le téléphone offert parce que quand même, cinquante dollars…

Mais non, non, ça ne lui ressemblait pas.

Alors il opta pour une simple question : Who the fuck are you dude ?! Question qui lui fut retournée sans plus de cérémonie. Légitime. Se serait-il… trompé de gars ? Mais non ! Pas moyen ! Il correspondait à la description de son indic ! Sûrement que le type se montrait prudent au cas où il aurait été un flic, ça se comprenait.

— Yeah I’m following you because we’ve an appointment. I’m not a stalker, I’m not so weird.

Mais bizarre, il l’était un peu, il devait l’avouer sauf qu'en général, on s'en rendait compte en lui parlant et là, il n'avait pas dit grand chose. Bon, ça le vexait vaguement qu’on le prenne pour un stalker. Est-ce que ça venait de la barbe ? Concerné, Wes posa la question le plus naturellement du monde, les sourcils légèrement froncés, même si, objectivement, ce n’était pas le sujet :

— It’s the beard ? Or my face ? Or… what ? No, okay, it’s not the most important but… I’m looking for you, I guess, a man with a black sweat, a hood, a slim jean with holes, and a strange face, you know, he used the word « peculiarly » and that’s a weird word I agree. And, so, you’re him right ? expliqua-t-il en agitant les mains vers son visage comme pour dire que c'était forcément évident, sans se rendre compte que ça pouvait être insultant. Don’t worry I’m not a cop, I swear, you can trust me.

Il essayait de se montrer rassurant, pas menaçant. Wes ne l’était pas, de toute façon, menaçant mais la nuit avait tendance à tout déformer, les perceptions en premier lieu alors si son témoin était déjà sur les nerfs, peut-être qu’il tombait dans la paranoïaque et cela aussi, le journaliste pouvait le comprendre. Il tendit donc la main, souriant, pour le mettre à l’aise.

— My what? Jeez. Seriously? Did I look like a guy with a… nevermind. Nevermind.

Le choc se peignit sur le visage de Wes. Un robot sexuel ? Il n’était pas réellement surpris que des gens possèdent des robots sexuels mais pourquoi ce type-là les réparait ? Il n’avait pas vraiment la gueule de l’emploi. Quoi que ? Dans quel pétrin s’était-il encore fourré… Un robot sexuel. Eliott Lloyd avait la gueule du type à posséder un robot sexuel ! Mais lui ? Pfff, vraiment.

D’un autre côté, le type semblait un peu plus calme en comprenant qu’il n’était pas le gars chelou du robot sexuel. Il alla même jusqu’à l’éclairer : ce n’était pas son apparence qui posait souci mais sa manière de suivre les gens la nuit. Bon, tant mieux ! Un petit sourire éclaira rapidement ses traits devant le compliment (il n’en avait pas tant l’habitude) avant que son cerveau n’accepte de se focaliser sur le plus important, à savoir : qui était ce gars et pourquoi agissait-il comme s’ils ne se connaissaient pas ? Combien de mecs un peu bizarres avec un pantalon déchiré et un hoodie se promenaient dans le coin ? Tant que ça ? Assez pour que Wes se plante ? Non, ce devait être une manière de le jauger, de s’assurer qu’il n’y avait aucun coup fourré.

— Wow, you repair sex robot and you quote Star Wars, what a guy. I like your style ! Listen, I understand your problem. You’re afraid about me, I don’t know what my man said to you but I swear I will never betray you, I don’t even need your name or your job, just your information for my article. Cops will never know you talk to me. Promise.

Il leva la main droite en signe de bonne foi, comme s’il s’apprêtait à jurer sur la Bible. Il en avait croisé, des témoins récalcitrants, effrayés par les conséquences d’une bonne action dans une ville aussi pourrie que Détroit. Il comprenait, Wes. Et il apprenait à faire avec, à rassurer, pour obtenir ce qu’il cherchait.

— You know, it’s about eight miles’s offender. This guy who show is euh… you know… intimate parts to strangers in the street and who run very very fast, you suppose to know where he lives.

Wesley avait manqué de dire « dick » mais il essayait de mettre son indicateur à l’aise et après avoir parlé de robot sexuel, il préférait tenter la subtilité, si toutefois il pouvait y en avoir dans cette affaire d’exhibitionnisme. Théoriquement, on pourrait croire que ça ne faisait de mal à personne mais recevoir sur le pantalon ou la veste la semence d’un individu inconnu n’avait rien d’agréable et pouvait créer des traumatismes, même s’il s’obstinait à agir ainsi uniquement contre des minorités ethniques, ce qui expliquait -selon Wes- que la police ne soit pas pressée d’agir.

Il passa sa main dans ses cheveux pour réfléchir, parce que visiblement, son indic pas si indic que ça ne comprenait pas ce dont il parlait et avait activé l’enregistreur de son téléphone, à moins qu’il n’ait déjà carrément appelé le 911. Wes avait assez de métier pour comprendre de quoi il en retournait et allait réitérer ses explications pour ne pas finir encore une fois en garde à vue suite à un malentendu quand quelqu’un arriva au bout de la rue.

De loin, on aurait pu croire à un sosie du type en face de lui si ce n’est qu’il était un peu plus grand et que le morceau de visage entraperçu dans la faible lueur d’un lampadaire montrait une peau rongée par une sorte d’eczéma, peut-être du à l’abus de drogue.

— Man, I waited for you, you said you’ll come alone, you said I can trust you but I saw this little shit with his phone, you try to fuck me, you try to fuck me when ME I try to help you.

Paranoïa, évidemment. Wes avait aussi l’habitude de gérer des cas comme celui-là. Il recula prudemment et tendit le bras pour intimer à l’autre de faire pareil, histoire de ne pas se prendre bêtement un mauvais coup. Il ne savait pas si le drogué était armé.

— It’s a stupid mistake dude, calm down.

Mais il manquait d’assurance en l’énonçant.

Wesley s’apprêtait à le reprendre, à lui expliquer qu’il savait très bien que ce n’était pas lui cet agresseur sexuel qui montrait ses parties à n’importe qui (et pas qu’à des femmes ni qu’à des adultes, d’ailleurs) quand ils furent interrompus. L’étendue du qui pro quo le percuta en pleine face alors que l’autre se fendait d’un dérivé de « je te l’avais bien dit ».

Le journaliste ignorait si son indic possédait une arme, s’il était en plein bad trip ou vraiment énervé, alors il préférait garder ses distances et encourager le gars qu’il avait vraiment stalké par accident à reculer. Celui-ci ne l’écouta pas, à moins qu’il n’ait pas compris son geste ou qu’il aime jouer les héros ? Toujours est-il qu’il s’interposa, essayant d'apaiser les choses avant qu'elles ne dégénèrent.

Coup du sort #1 :
Option 1 : le gars n'a pas d'armes.
Option 2 : le gars a une arme.

Coup du sort #2 :
Option 1 : le gars ne s'en sert pas pour le moment.
Option 2 : le gars s'en sert.

Coup du sort #3 :
Option 1 : le gars s'en sert sur Wesley.
Option 2 : le gars s'en sert sur Llewyn.

— Are you talkin' to me jackass?!

Sans crier gare, l'homme sortit un couteau. Wesley ne distinguait pas bien la lame mais elle lui semblait sale, comme si du sang avait déjà coagulé dessus. En cet instant, il ne pensait qu'à cette possibilité, la gorge nouée.

— Oh damn dude calm down I swear it's just... RUN!

Il n'allait pas risquer sa peau ni celle d'un inconnu. Bon samaritain -plus ou moins- il prit Llewyn par le bras et se mit à courir dans le sens inverse sans savoir si sa médiocre condition physique lui permettrait de tenir longtemps (vive l'adrénaline) ou s'ils ne fonçaient pas tout droit dans un cul de sac. Ou, pire, si leur agresseur, énervé, allait leur courir après pour leur faire payer leur insolence. Peut-être qu'en criant suffisamment fort, ils attireraient l'attention ? Ou qu'ils allaient réussir à le semer ? Franchement, Wesley n'en savait rien et ne réfléchissait pas davantage. Il voulait juste ne pas crever dans un endroit aussi naze.
Et n'avoir la mort de personne sur la conscience, accessoirement.

Si Wes initie la fuite, il ne la continue pas d’une manière très efficace. Très vite, c’est son qui pro quo sur patte qui prend les devants et l’entraine dans une suite de ruelles où il faut en plus s’adonner à la course d’obstacles. Le journaliste a l’impression de décéder tellement ses poumons le brûlent, tellement ses jambes réclament qu’il arrête tout de suite ses conneries. Heureusement, son cerveau est bien trop focalisé sur l’idée de survivre pour écouter les signaux désespérés du reste de son organisme.

Alors il court, Wes, il court.
Il court entrainé par ce gars qu’il a pris pour un autre en se disant que merde, ils auraient pu crever bêtement tous les deux et que, franchement, il est trop vieux pour ces conneries.

Wesley réussit à franchir la grille sans s’empaler dessus et déboule avec son nouveau pote de galère (au moins pour ce soir) dans une rue illuminée par les devantures des snacks encore ouverts à cette heure-ci. Clairement, ça pue le graillon mais son estomac ne serait pas contre une dose de gras mêlée de sucre, le sucre d’un soda par exemple, histoire de se retaper un coup.

— I… I… Im…I…

Un doigt levé en direction de son sauveur (ou de son assassin ?) Wesley indique par la présente qu’il aimerait que son interlocuteur patiente quelques secondes le temps qu’il retrouve son souffle et que des petites lumières blanches arrêtent de danser devant ses yeux. Au bout de plusieurs secondes suite auxquelles il tousse, le journaliste retrouve un peu de contenance.

— I’m sorry man next time I swear I ask for a picture with a face on it and not just clothes. Fuck this article, fuck these men with knives, fuck fuck fuck fuck.

Il se passe la main dans les cheveux un peu humides de transpiration puis palpe sa poitrine dans laquelle il sent toujours son portefeuille.

— Sure. I invite you, choose your snack and I will write you a sorry note for your euh… hot redhead.

Il hausse les épaules. Il se demande s’il s’agit d’un homme ou d’une femme et s’il est vraiment le seul con de cette ville à rentrer dans un appartement vide. Après avoir failli bêtement crever, il aurait presque envie d’envoyer un message à quelqu’un mais il sait qu’il vaut mieux se contenter de Mark ou d’Esteban dans ces cas-là. Il chasse ces sombres pensées et continue de sourire comme si ce n’était pas grand-chose, au fond, tout ça.

— Well at least you live a wonderful adventure, you’re like Bilbo Baggins!

Sans aucune exagération… Bien sûr.

— Not even, soupire-t-il, dépité.

Il n’a même pas cette excuse à brandir : je suis nouveau, je commence le métier. Vu son expérience en la matière, un truc pareil n’aurait jamais du arriver… mais la vérité, c’est que les galères sont le lot quotidien du journaliste, surtout le journaliste comme lui qui s’intéresse aux affaires criminelles. Sans parler de son don pour se foutre dans des situations pas possibles, ça en devient risible.

— Oh god so much pressure on me. Can’t have your blood on my hands. I’ll do my best I swear! promet-il d’un air trop sérieux pour être honnête.

Et les voilà partis pour leur second petit-déjeuner. Wesley rigole de bon cœur à cette référence et passe commande. De son côté, il prendra plutôt un sandwich avec un hamburger coupé en deux et des frites dedans, il a une folle envie de viande rouge après tout ces efforts. Et un deuxième coca, évidemment, parce que le sucre ne sera pas de refus. Il paie et attend leur commande avant de rejoindre son invité qui a pris place sur une chaise en plastique qui devait déjà être là l’année de sa naissance vu sa tronche. Enfin, elle soutient le poids du jeune homme et c’est ce qu’on lui demande.

Wesley pose leur nourriture, s’installe en face de lui et sourit d’un air qui se veut rassurant.

— Don’t be. Sorry, I wanna say. It was fuckin’ scary, did you see his eyes? With less luck it could turn into an horror movie. Brr ! il feint de frissonner puis enchaine : I’m Wesley, journalist since too long to fail like that so again, sorry for this adventure. Hope nobody will kill you, your hot Scottish or our crazy knife man. Did you want a sorry note or a sorry video? Or did you want me to go with you to testify? Oh god food is always good but when you nearly die it’s better.

En voilà des considerations philosophiques !

— So what did you do on this neighbourhood?