Weather forecast for tonight : Dark, with widely scattered light by morning. - Eliott & Wesley

Wesley image aussitôt Lara participer à leur concours de blague. Est-elle seulement capable de se fendre d’un sourire en sa présence ? Il essaie de s’en rappeler, sans succès. L’air catastrophé qu’il affiche en dit long sur ce qu’il pense de cette idée mais il finit par rire de bon cœur et en rajouter une couche :

— Are you crazy ? She’ll beat us!

Il ne précise pas si elle les battra tout court ou dans le concours…

Entre eux, il y a quelque chose mais Wesley se persuade que tout vient de sa tête ou peut-être de son pantalon. Ce rire qui lui cause des papillons dans la poitrine, ça ne concerne que lui et il préfère fuir, fuir avant de craquer, de tout foutre en l’air. Il aurait dû l’embrasser sans réfléchir, commettre son péché pour ne plus en parler, mais il n’a pas pu s’y résoudre. Ce n’est pas dans ses valeurs que de se jeter sur quelqu’un dont le cœur est déjà occupé. Ce n’est pas ce qu’il cherche non plus. Il a envie qu’on l’aime, il en a besoin et ne pourra pas se contenter de moins.

Pourquoi y penser ? Chassant ces considérations, il propose de ramener de quoi grignoter pour accompagner leur nuit à deux, en tout bien tout honneur. Il apprend du coup qu’Eliott est végétarien mais garde ses commentaires pour lui. Chacun met bien ce qu’il veut dans son assiette.

— Crisps it’ll be, it’s on me.

Il l’annonce d’une manière qui le fait passer pour un grand seigneur alors que ça ne va pas lui coûter grand-chose. Il arque ensuite un sourcil à sa proposition et prend le temps de le détailler de manière visible. Il s’arrête un peu trop, ses yeux se perdent, un frisson le parcourt. Il déglutit et oublie de répondre avant de se faire traiter d’influenceur. Un petit rire nerveux lui échappe. Il enchaine pour essayer de faire passer le moment :

— A great power come with great responsibilities. It’s now my duty to feed you. I can’t let you come with me you’ll freeze with just this on your back.

L’excuse la plus minable du monde, il en a conscience. Mais que dire de plus si ce n’est que la nuit allait décidément être longue ? Pour le meilleur ou pour le pire.

Pour sûr, Eliott était toujours chaud et l’affirmation arrache un sourire à Wesley, un sourire en coin, approbation muette de ce qui cause quotidiennement son désespoir.

— I’m not sure if spider-man was the best deal, he’s tendentious right ? With his sticky… spider web… mh… gotta go, I promise I’ll be back.

Et il fuit, il fuit avec ses trucs qui collent, avec ses allusions pas subtiles, avec sa trique de voir Eliott ainsi allongé, presque offert, avec son envie de l’embrasser, avec son cauchemar. Il prend son temps pour trouver la machine et une fois devant, hésite sur le type de chips. Finalement, il prend un paquet au sel, un au paprika, deux au goût fromage et quelques bonbons acidulés qui pétillent sur la langue. Il hésite, Wes, à demander une bouteille d’alcool puis se dit qu’il a déjà assez de mal comme ça.

Une fois son corps relativement détendu, il remonte avec son butin qu’il déverse sur le lit.

— Great, as you can see. You’ll be pleased to know that hunting crisp isn’t an easy deal. It was an epic battle! But I win so you can eat all as you want. Just not this one, precise-t-il en piquant un des paquets de chips au fromage, ses préférés.

Il avise le téléphone d’Eliott dont l’écran vient de s’illuminer. Notification quelconque ? Message ? Celui de Wesley restera silencieux, il n’a personne à prévenir, personne à rassurer, juste des chips à manger. Ce qui n’est déjà pas si mal. Le silence s’installe. Pas longtemps mais le journaliste ressent le besoin de le combler pour ne pas laisser son esprit dériver à nouveau.

— So what do you want to do? Watch a movie? If power stays, fingers crossed. Or eh… read a book? If you eh… have a book.

Ce qui n’est pas son cas, Ô surprise. Wesley est plutôt du genre à lire des comics que des romans et encore, des comics courts, de préférence drôles.

— It depend what you pref’.
Si Eliott aimait les séries comme Star Trek, alors Redshirts sans hésiter mais il risquait de moins y accrocher sans ça. Alors il l’orienterait plutôt vers le Vieil Homme et la Guerre, il risquait d’aimer ce concept de seconde vie… La trilogie de l’Interdépendance valait aussi le détour pour sa modernité puis il restait le piège des Enfermés, sans compter son dernier titre à propos de kaijus que Wes n’avait pas encore pu lire. Oui, vraiment, il y avait de quoi faire mais leur discussion à ce sujet ne servait qu’à noyer le poisson. Le journaliste en avait conscience et peut-être que son collègue aussi vu son enthousiasme à vider le mini-bar.
Ainsi, il acceptait vraiment de jouer à action ou vérité comme s’ils étaient deux lycéens à une fête ? Est-ce que ç’avait un réel intérêt, à deux ? Wes déglutit en sentant la situation lui échapper, encore plus quand Eliott évoque Kit et le Foxes. Est-ce le moment de lui dire qu’il le connait plutôt bien, Kit ? Enfin, bien et pas bien à la fois, et à l’époque où se déroule cette scène, les deux ne se sont pas encore revus alors Cupp repousse ces pensées, ces flashbacks qui n’aident pas trop son corps à rester détendu.
Il attrape bien volontiers le mélange alcoolisé et le lève à sa santé.
— To the expert !
Il espère. Quand il porte le mélange à ses lèvres, il se dit vaguement que c’est une mauvaise idée mais… l’envie d’avoir une bonne excuse pour justifier sa faiblesse est plus forte que la raison.
Alors il boit.
Et il réfléchit.
Qu’est-ce qu’il pourrait répondre ? Action ? Vérité ? Action peut rapidement déraper mais ils n’y pensent pas, aucun des deux… Pas vrai ? Quant à vérité… Tout autant. Quel jeu de merde. Quelle idée de merde ! Wes le sait, pourtant, qu’il doit tourner sa langue sept fois dans sa bouche avant de parler. À défaut, il continue de boire et a déjà siphonné la moitié de sa boisson.
— I’m an action man but we didn’t have a lot of options here so… truth?
Son cœur bat la chamade, attendant la sentence. Si ça se trouve, ce sera une question idiote et Eliott aura donné le ton, Wes saura comment enchainer.

Quand Eliott pose sa question, Wesley s’étouffe avec son cocktail maison si bien qu’il répond en toussant pour ne pas que l’alcool mélangé au soda n’imbibe ses poumons. Il essaie à la fois d’avaler sans recracher, la main devant la bouche, et quand il réussit il a les joues rouges… parce qu’il fait chaud dans cette chambre, non ?
Heureusement, il a la bouche vide quand Eliott lui confie qu’il a déjà eu une aventure au travail. Wesley se demande avec qui et forcément, il pense à Archie, son esprit s’emballe, il ne sait plus sur quoi focaliser sa pensée. Est-il le seul homme de Détroit avec lequel Eliott Lloyd n’a pas couché ? Foutus principes.
— Waw. Okey eh… Sorry I was surprised by your question, you don’t loose time eh? Sorry but… No I never, eh…
Il s’arrête, s’humecte les lèvres, boit une autre gorgée et réfléchit sérieusement à la question. Il soupire, détourne le regard.
— In fact, years ago I think I did something but I’m not remembering details because I was pretty drunk and it was with a source who come to talk to me at night and, you know, a thing, another.
Il ne dit pas, Wesley, qu’il a entretenu une relation suivie avec cette fille pendant plusieurs semaines puis qu’elle l’a quitté parce qu’elle s’était lassée une fois l’adrénaline de l’affaire retombée.
— My best stories about the Freep are not sexual.
Puis le sexe, il le pratiquait beaucoup dans sa tête, moins dans la vie, à cause de ses foutus principes. Sauf quand il se sentait trop triste et trop seul, c’était comme ça qu’il avait croisé Kit, d’ailleurs. Trop drogué et bourré, aussi. Surtout bourré, drogué… moins. Rarement. Rien de trop fort. Il finit sa cannette et la tend à Eliott et ajoute :
— In fact I’m really boring in front of you but I’m old school you know and I’ve just my great personality to charm.
Il rigole un peu trop fort, l’alcool sur son estomac quasi vide fait déjà ressentir ses effets. Un peu.
— Are you ashamed about something you did in a sexual way?
C’est sorti tout seul, sans réfléchir. Il a peur d’entendre la réponse et en même temps, ça l’intrigue. Il le fixe, prêt à boire ses paroles.

— Can’t you carry me? geint-il exagérément, pour le faire culpabiliser.
Aucune chance que ça arrive, de toute façon… Wesley a réussi à se reprendre, à retrouver un peu de dignité. À la question suivante sur les infos juteuses récoltées, il se contente d’un hochement de tête pour approuver, sans dévoiler de nouveaux détails à ce sujet. L’affaire n’avait pas eu le retentissement espéré, ç’avait été un coup dans l’eau supplémentaire dans sa carrière après son seul éclat et il en avait conçu une grande déception. Sans doute cette indic’, Sara de son prénom, avait-elle senti l’étincelle s’éteindre et préféré s’éloigner de cet homme dont l’humour n’éclairait plus le regard, cet homme qui faisait semblant, tout dans le paraître.
À la pique d’Eliott, Wes a l’impression qu’on lui enfonce un pic à glace dans la poitrine mais il sourit et lève dans sa direction l’une des mini bouteilles rescapées du mini-bar. Il a abandonné, lui aussi, l’idée d’avoir un cocktail et préfère descendre d’une traite ce qui s’avère être une espèce de vodka vaguement dégueulasse. C’était meilleur avec le soda. Il grimace et écoute finalement la réponse à sa question. Comme il aurait dû s’en douter, Eliott n’est gêné de rien, n’a honte de rien de ce qu’il a pu faire et Wesley trouve ça… merveilleux, d’une certaine façon. Ça en dit beaucoup sur la personnalité de son collègue, qui assume ses choix, ne regarde pas en arrière, sait ce qu’il veut à l’instant T. Il aurait de quoi s’inspirer, au lieu de soupirer comme un con depuis presque deux ans en se montrant désagréable avec lui, comme s’ils étaient encore au lycée ou pire, en primaire : Eliott aurait toujours ses cheveux longs, est-ce qu’il les lui aurait tiré dans la cours de récré ? Pas loin. Wes est con, quand il est amoureux et ses sentiments d’abord refoulés ont eu le temps de grandir, de trop grandir, de prendre trop de place là où ses autres crushs s’effaçaient rapidement parce qu’il osait. Avec Eliott, il y avait l’obstacle de son fiancé et depuis ce soir, et bien…
Et bien il y a toujours cet obstacle, en réalité. Rien n’a changé. Rien, sauf que le journaliste a beaucoup plus d’alcool dans le sang et pas suffisamment de nourriture dans l’estomac pour contrebalancer. Les chips ne suffisent pas, ils n’ont jamais suffit et d’ailleurs, Wes n’en a avalé qu’une poignée ou deux.
Alors quand la suite des questions arrive, et bien…
— It’s two questions and even three. I’m supposed to answer to one, so the first in my case. Well, my type… I like both but I don’t have “a type” it’s more like a… feeling, when I met somebody. Can’t really explain with word.
Il dit ça en le regardant dans les yeux, comme s’il allait réussir à faire passer ce qu’il avait ressenti en lui parlant pour la première fois, son cœur gonflé par les battements devenus plus rapides, son désir, son envie de plaisanter. Au début, Wesley avait été sympa puis il avait compris l’ampleur de sa méprise et s’était éloigné. Comme Eliott ne comprenait pas, il avait dû se montrer désagréable, ce qu’il ne faisait jamais avec personne. Ça lui avait coûté. Et ç’avait duré si longtemps… Il s’empare d’une autre petite bouteille, prenant soin de ne pas reprendre la même. Il grimace en la débouchant, l’odeur ne lui plait pas, elle lui monte directement au cerveau.
— And you’ll know I touching myself under the shower. I’m not doing this a lot because it’s not really helping when I’m thinking about you, it’s even worst. A vicious circle. So it’s my turn! qu’il enchaine pendant que la partie encore raisonnable de lui-même se décompose petit à petit d’horreur en entendant, à retardement, ce qu’il vient d’avouer. What’s your biggest dream ? It’s a good question so I stole it from you, uh. This thing it’s disgusting, rajoute-t-il en refermant la petite bouteille pour l’écarter de lui.

Il le regarde et il a froid.
Il l’écoute et il se sent mourir à l’intérieur.
Ridicule. Ridicule. Ridicule. Le mot tourne en boucle, s’éclate d’un neurone à l’autre, effaçant à l’acide les fantasmes naissants de cette nuit à l'hôtel volée, pensant que même la Nature se rangeait à ses côtés.
Il n’y aurait pas d’aveu soufflé, pas de baiser volé, pas de plaisir interdit procuré par une main, une bouche, par une.... Eliott n’a pas besoin de s’expliquer, sa seule réaction suffit et sa volonté de noyer le poisson en partageant un morceau de lui-même le confirme. Confession qui enterre davantage le Cupp car il ne peut s’empêcher de le trouver charmant.
Vain.
Mais charmant.
Quand il parle de sa famille, en plus du ridicule, Wesley se sent crasseux. Il sait, pourtant, qu’il a un enfant, un fiancé, et il est là, à croire que des choses pourraient se passer alors même qu’il les rejette de tout son être, précisément pour cette raison. Il respecte les engagements. Il n'a jamais couché avec quelqu'un de marié. Jamais. Ou de fiancé. C'est non. Normalement, ça le rebute. Mais Eliott... est passé... au-dessus de tout ça.
Cercle vicieux dont il ne sortira jamais, encore moins si l’homme dont il est amoureux se vante de toutes ses qualités et prouesses en lui disant clairement qu’il n’en goûtera jamais aucune. Cruauté suprême. Il le sait mais l’entendre…
Les mots le percutent.
L’alcool aide à atténuer le choc. À aucun moment le sourire du journaliste ne tressaille, ne s’effondre. Il semble serein même si à l’intérieur, il meurt. Il agonise. Il n'en peut plus.
Il a mal mais il a l’habitude.
Alors il… rit. Doucement.
— It’s not a dream for me, don’t worry. I think about you sometimes but why not? You’re a gorgeous man, I also think about some celebrities if you wanna know. And when you’ll realize your dream you’ll enter in the celebrities category soooooo…it's ok na?
Un cauchemar, un espoir. Si, ç’aurait pu être un rêve. Il noie le poisson comme si c’était purement physique, comme s’il pensait à Eliott comme à n’importe quelle personne un peu séduisante croisée dans la rue, entraperçue dans un magazine, contemplée dans un film. Il ment mais il essaie de sauver la face. Il essaie aussi de ne pas l’embrasser après avoir vidé son sac, en le suppliant de l’aimer lui ou au moins de lui laisser une chance. Monstrueux égoïste deviendrait-il alors. Mieux vaut l'embobiner. Ou essayer.
— I can’t believe you still pass the door with that ego, by the way. It’s a mystery for me. So about your question, my biggest dream is…
Trouver l’amour, l’amour réciproque, mais ça fait trente-neuf ans qu’il échoue dans cette quête et il se sent déjà suffisamment minable comme ça. Il ne veut pas répondre la vérité alors il ment sans cesser de sourire. Sa face. Son masque. Il en a besoin pour ne pas se liquéfier.
— …is… eh…
Il réfléchit ou du moins il essaie, connexions cérébrales rendues difficiles par l’abus d’alcool. Il prend une autre petite bouteille et la vide d'une traite, ce qui n’arrange pas son cas. Sa gorge le brûle, son estomac se rebelle, son esprit s'échauffe, ça fait moins mal. Un peu. Moins mal.
— Act in musical.
Pourquoi cette idée plutôt qu’une autre ? Parce que penser à Sandro l’aide à contrôler ses pulsions. La voix dans sa tête qui le juge et le tance a son ton et même s’il a envie de pleurer, ça l’apaise. Il a mal agi. Il le sait. Il mérite ce qui lui arrive.

C’était plus facile de te détester.