It's no use going back to yesterday, because I was a different person then.| Isaac & Kit

C'est l'instinct qui s'est manifesté. La raison qui a poussé la conscience à s'y risquer. Triste route qu'il a emprunté, comme une dernière ligne droite pour conclure cette étrange soirée. La folie qui rôde, la mort à ses côtés. Il pensait pouvoir les apercevoir, vieilles compagnes trop priées. Mais il n'a régné dans l'habitacle que ce silence écrasant, cette absence de tout et rien – ce blanc oppressant. Ne résonnait que le ronronnement d'un moteur trop sollicité, que les pneus qui parfois ont crissé sur le bitume mal entretenu, sur ces chaos creusés. Chaos. Un terme qui revient, qui s'implante pour parfaitement décrire la manière dont bien des choses se sont déroulées. Detroit est pleine de vices, pleine de dangers, pleine de ce hasard qui persiste encore à le marquer. Detroit et sa sombreur, la peine qu'elle porte en son cœur. Avide qu'elle est des bonheurs à engendrer, affamée pourtant des âmes qu'elle pourrait s'approprier. Ils sont nombreux, les spectres qui peuvent y errer – mais celui de cet ami n'aura à rejoindre la lamentable danse de ces fantômes oubliés. Il les a laissé faire, Isaac. Il s'est reculé, l'a soutenu jusqu'à être écarté. Et le silence, encore, la nuit noire qu'il rejoignait dans la foulée. Le souffle court et les poumons presque gonflées. Le sang trop chaud pour être impacté, la peau pourtant bien pâle jusqu'aux phalanges qui s'étaient levées pour que cigarette puisse s'embraser. Il a attendu, hors du monde et hors du temps. Il a attendu, jusqu'à s'oublier – jusqu'à finir par rentrer puisque des nouvelles lui seront donnés quand la situation sera stabilisée.
Les heures qui ont suivi sont floues, embrumées. Une douche qu'il a pris avant de s'effondrer, les draps défaits qu'il a rejoint pour y sombrer. Crépuscule sans rêve, sans cauchemar. Rien que ce néant habituel, rien que ce trou noir pour matérialiser l'être et ce qu'il peut dévoilé. Des profondeurs infinies où tout est perdu, où rien ne peut être sauvé. Il est déjà damné, celui qui par conscience à l'éveil s'est tout de même rendu à ce chevet.
Il a guetté, toisé. On a manqué de le virer pour cette cigarette allumée malgré les murs qui l'encerclaient. Il a juré, menacé de ce nom que beaucoup parviennent tout de même à replacer. Mais il s'est plié à cette seule règle, Wrynn, jusqu'à percevoir ce mouvement qui l'a forcé à s'animer. À peine, en vérité, les pieds déplacés de ce bord de lit sur lesquels ils étaient posés. « Looks like someone wants my title. Y'deserve it, friend. Means you're not dead yet. » Un sourire, une courbe sur les pulpeuses pour appuyer ce qu'il s'est mis à supposer. Immortel qu'il le proclamait – une gloire qu'il peut accepter de partager. « Don't worry, everything'll be alright. Y'just have to rest. »                           

Les paroles se veulent rassurantes quand elles ne font finalement que la promesse d'un après à venir, d'une suite potentiellement plus violente que tout ce qui pourrait s'être déjà acté. Il a tenté, mais les traits trahissent aisément la perdition, la décadence. La déchéance. Tourbillon infâme qu'il peut être, un alliage nauséabond de flammes et de vices, de douleurs mêlées aux tourments, d'un ensemble indompté qui gangrène et fait céder toute stabilité. Il est l'envers du décor, Isaac, le prince des nuits désolées. Et quand les places sont désignées, quand elles se renversent pour le renvoyer à ce lit dans lequel il s'était éveillé, il peine à tenir ce rictus qui s'était illuminé. Parce que le cœur manque un battement, parce qu'il y a cette impression d'émotion qui en vient à trop vibrer. Elle l'avait presque aliéné, cette lucidité qu'on l'a forcé à expérimenter. Ça ne lui avait pas réussi, c'est un fait – il n'avait fait que s'égarer davantage pour palier aux souvenirs qu'il avait pu ressasser. Il ne tient plus à la fouler, cette ignoble et terrible réalité. Il prend sur lui de tout ignorer, se contente simplement de l'observer. Quand bien même il persiste à la mépriser, sur une âme autre que la sienne la réalité à ce goût de nouveauté – elle captive autant qu'elle peut charmer. Elle lui paraît si irréelle à mesure qu'il essaie de s'y concentrer. Jusqu'à ce rappel, jusqu'à cette requête formulée. Téléphone qu'il réclame et qu'il se lève pour lui donner. Curiosité oblige, l'écran verrouillé qu'il observe tout de même pour ces notifications sur lesquelles elle pourrait se rassasier. Privilège de courte durée quand l'objet est tendu au propriétaire désorienté. « How long have I been out… ? » Un soupir, les prunelles trop claires qui se lèvent comme s'il réfléchissait. Une pause dans ces retrouvailles prévisibles avant que la voix ne parvienne de nouveau à résonner. « I'll say... two years ? Zombies' awake, government's down. Apocalypse's here and I managed to keep you safe. You owe me this new life. La main qui vient légèrement tapoter la sienne avant que l'assise ne soit récupérée, avant que tentation ne se rappelle à l'âme pour ces cigarettes qu'il voudrait pouvoir consumer. Mais la trachée seule se serre et volonté parvient à se faire tenace pour ne pas s’éclipser. « It's my fault, by the way. Because of my last book. » Un haussement d'épaules, lui qui continue sur sa lancée. Mais rapidement, il s'en lasse, s'en remet à cet esprit qu'on lui a dit de ne pas trop brusqué – parce qu'ils ont pu voir ô combien celui-là pouvait être intenable, presque oppressant quand l'opportunité lui est laissé. « Na. I don't know, not that much, don't worry. They said you'll get better soon, that you just need to rest. Lazy bastard... » Les dernières notes soufflées, provocation osée bien que sans la moindre once de méchanceté ; le voilà qui essaie seulement de lui tirer un rictus pour parfaire la fin d'une démence partagée. Folie qui est allée trop loin sans qu'il ne puisse réellement prendre conscience des risques encourus, des tristes issues qu'elle aurait pu avoir. Trop enfoncé dans son propre monde, celui qui est tout de même resté à son chevet. « I've heard it's was miracle you don't break you anything. Hope you'll thanks God. » Il pouffe cette fois, sans réellement s'en cacher.                             

Le sourire s'est imposé, marqué sur les traits comme ce compliment, dont il ne doutait pas, en vient à se prononcer. Il l'imagine d'ici, ce chaos qui aurait à régner – cette déchéance humaine qui irait polluer jusqu'aux rues en bas des baies vitrées. Amusé à cette vision, Isaac, quand la détresse peut-être aurait à s'étendre jusqu'à la conscience malmenée. Différent qu'il est, sur bien des points. Différent à songer qu'il n'aurait rien à apporter à cette situation, finalement, jusqu'à contempler les cieux en essayant de deviner le dessein que Dieu lui aurait alors une fois de plus confié. Mais l'avenir n'est pas aussi animé, il le prédit sans mal. Les jours se répéteront, la banalité continuera son œuvre et rien ne changera, jamais – ou peut-être que les mots qu'il orchestre en secret auront l'effet de tout faire exploser. Croyances chéries qu'il couve, les espoirs silencieux qu'il conserve en ces limbes adorés. L'attention rendue à l'homme alité, à celui qui ne semble l'écouter désormais qu'à moitié. Le téléphone qu'il contemple et lui, il en soupire brièvement jusqu'à pleinement s'adosser – chercher un confort que ces lieux ne peuvent lui apporter. Dieu qu'il a désigné, encore. Dieu qui reste, qui hante les songes quand il s'en prétend si fermement éloigné. Oh, il n'a jamais cessé de se mentir, Isaac, trop bien empoisonné aux paroles de ses géniteurs. « Sure, I’ll thank him, you can take me to church or something, or you can tell him I said hi next time he saves your life. » Là encore, ce rictus qui s'appose sur les lippes. Là, cet air amusé qu'il ne peut réprimer comme l'évidence est actée. Il continuera de le sauver, parce qu'il est l'un de ses enfants préférés. Il aime à y croire, Isaac, comme son chaos doit lui rappeler celui qu'il a déchu – la nostalgie d'un père devant la copie du fils perdu. « Will you help me escape this place ? I don’t want them to try and get me into rehab or something… » Le rire cette fois tandis qu'il se lève, lui qui ne tient pas tellement en place. L'énergie infectée circule dans les veines comme il n'a de cesse de l'accentuer. Il va jusqu'aux fenêtres qu'il entrouvre, jaugeant la distance qu'impose cette hauteur de chambre dans laquelle ils l'ont transféré. Les bras croisés, le dos qui repose sur l'encadrement quand les prunelles, quant à elles, s'attardent sur la silhouette allongée. « I don't know... » La moue qui feint l'hésitation, un haussement d'épaules qu'il vient manifesté pour parfaire ce piètre jeu d'acteur puisqu'il n'ira, de toute évidence, pas lui refuser cette liberté. Lui qui n'a de cesse de l'encenser, qui clame que les chaînes sont à briser, les lois à violer. « You sure you don't want to spend hours having to explain how you're doing and take advantage of the free searches to verify that you didn't put anything in your butt ? Just asking. » L'attention captivée, malin qui s'amuse de ces choses qui pourraient pourtant tant l'attendre, presque l'appeler. Frère qui se chargerait bien de l'y coller, rien que pour s'assurer qu'il n'irait pas trop profondément encore s'échouer. Mais la liberté, elle est glorieuse qu'il chérit encore et dont il profite, Isaac qui s'avance, les vêtements séchés, lavés, récupérés qu'il dépose au pied du lit comme il revient à ses côtés. « As I said before, you're free to do whatever y'want, friend, you just have to do it. You want to leave this place ? Do it. » Simplicité effroyable qu'il en vient à supposer, quand pourtant bien des âmes pourraient avoir à l'en empêcher. Mais il est maître de son destin, et si des fils sont tirés pour chacun d'eux, c'est la volonté d'au-dessus qui réclame à ce qu'il puisse échapper aux conventions des faibles êtres qui, ici, peuvent se fatiguer. « My car isn't that far. It's up to you now. »