Your weirdness needs structure. | Archie & Isaac

L'idée est là qui reste ancrée. Elle s'est imprimée contre les corridors de son âme – poison létale pour la concentration qui ne parvient plus à s'en détourner. Toute l'attention tournée sur ces hypothèses que l'imagination tordue s'est risquée à créer. Il croit s'étouffer sous toutes ces syllabes qui s'enchaînent, sous ces phrases qui se sont dessinées pour parfaire le récit qu'il croit pouvoir nourrir d'absurde et d'improbabilité. La folie a laissé s'exprimer, la démence qu'il tient à mettre à profit pour parfaire l'image, malgré lui, l'image d'un homme qui persiste à s'enfoncer. Les eaux troubles et dérangées qu'il remonte pour mieux en saisir la source, pour s'abreuver au venin pur que cette dernière aurait à déverser. Assoiffé qu'il en devient, Isaac, sur ce trajet jusqu'à ces lieux qu'il peut une fois de plus déranger. Là, il s'est élancé jusqu'à l'antre du seul qui soit à même de comprendre, mais aussi de critiquer. Il veut l'entendre dire que ça ne se vendra pas – il veut entacher encore un peu ce nom avant que les curieux ne s'arrachent ces non-sens qu'il aurait eu à conter. Bon à rien ; le titre qui lui plaît trop désormais pour risquer de s'en détacher. Ainsi, les hauteurs de l'immeuble sont retrouvées, le bureau cherché. Qu'importe ces âmes qui errent encore, elles n'ont nul intérêt pour celui que l'imagination ronge jusqu'à l'entailler. Il s'est précipité, Isaac, jusqu'à ce bureau. Ce bureau vide. L'absence qui y règne et qui manque de l'agacement autant qu'elle parvient à le surprendre en vérité. Il tique, les sourcils froncés. Les prunelles trop claires s'attardent sur les alentours dans l'espoir d'apercevoir celui qu'il se doit d'accabler de ses inepties qu'il ne parviendra pas à chasser. Jusqu'à s'arrêter dans sa recherche, jusqu'à poser le regard sur celui qui s'est approché – tasse en main qu'il ne peut refuser. « Looking for someone ? » La question qui force le sourire à s'imprimer. « Ahhh, wait, I know who you are ! That guy from the weird church family, right ? That’s where I’ve seen your face. » La surprise qui ne fait que s'accroître, l'intérêt qu'il parvient à détourner de ses pensées pour l'apposer sur cette présence qui s'est risquée jusqu'à sa démence pleinement éveillée. Weird church family. Ça, ça lui plaît.

Ça lui plaît assez pour le faire rester malgré l'absence de cet ami.
Ça lui plaît assez pour le faire récupérer cette tasse, cette offrande servie.

« Glad to see I'm not the only one to find them weird after all. » Et il s'installe, Isaac, sur la première place trouvée. Il s'installe puisqu'il entend bien attendre que Eliott revienne ; plus, cette compagnie lui semble assez intéressante pour pouvoir en profiter. Puis, il a flatté l'ego, il a vanté cette reconnaissance que ses parents ont tant cherché à cacher. C'est ce qu'il retient en l'état, ses traits ne sont pas inconnus de ceux qui ont eu à s'y attarder. « Thanks by the way. » Breuvage qu'il a levé, sur lequel il s'attarde – les vapeurs humées qui le font légèrement grimacé. « Want a secret ? It's better with some whisky. » Et ce manque qui aurait pu être ajouté parvient à lui faire renoncer de s'en abreuver. Très peu pour lui le café simple en sachant la soirée si bien entamée. « Hey, do you know when he will come back ? » Le bureau qu'il désigne, cet autre qu'il était venu trouvé qui manque toujours à l'appel malgré le coup d’œil sur les alentours qui persistent à se vider.  

Les prunelles qui ont guetté ce secret qu'il aurait pu s'approprier, le sourire qui n'a fait que s'accentuer sous les syllabes susurrées. Il a laissé faire, Isaac. Qu'importe, finalement, qu'importe ce café puisque nul poison ne vient le parfumer. Il a laissé faire, la question en suspens à laquelle, cette fois, la réponse est importante qu'il ne tient pas à manquer. C'est qu'il espère pouvoir défaire les lianes de son esprit emmêlé – il veut cet avis sincère sur ce que les songes se sont mis à dessiner. Histoire improbable et ridicule qu'il tient à faire naître. Il a besoin d'entendre que ça ne se vendra pas, l'esprit de défi qui n'aura qu'à s'éveiller pour enfin faire couler les mots qui se seraient bloqués. L'attention captivée, encore, par cette présence qui devrait revenir. Demain. Et il tique, Isaac, les sourcils qui se sont froncés. La montre est levée qu'il essaie de lire au mieux, la vue encore un peu trouble malgré cette brève lucidité retrouvée. Il refuse d'y croire, laissant trahir ce simple fait dans le soupir qui fut expiré. Il s'est adossé plus confortablement dans cette chaise, volée, la carcasse qui n'entend clairement pas de bouger. Prêt à attendre, Isaac. Prêt à sacrifier sa nuit pour ce besoin qui s'est mis à gronder. L'esprit qui ne réfléchit pas encore, l'adresse qu'il pourrait tout simplement réclamer. Un simple haussement d'épaules, l'intérêt porté ailleurs jusqu'aux syllabes qui finissent par s'élever.

« Maybe I can help ?
L'azur trop clair s'élève, détaillant l'homme qui se tient face à lui.
I’m his intern. What did you need ? »
Et il s'est redressé, Wrynn.
Il retrouve ce semblant de prestance qu'il a toujours posséder.

Il a besoin de bien des choses, en vérité. Toutes les envies, toutes les volontés se sont emmêlées sous les fumées toxiques que l'âme persiste à nécessiter. « You sure about that ? » Une question, le sens qui manque. Elle tombe là sans indication, sans réelle information. Il sait, lui, encore incapable d'imaginer que tout le monde n'est pas à même de suivre ses facéties. Mais la lucidité aide, à peine, de peu. Elle revient, elle frappe légèrement contre la conscience enfumée. « You sure you want to hear what I need ? » Pour s'assurer qu'il ne perdra pas son temps – mais la ligne se dessine qu'il ne peut réellement nier. Son interne qu'il disait, la vision de Eliott qui pourrait s'être ancrée dans celle du jeune homme qui se tient à ses côtés. Plus large, le sourire. Plus vivace, presque plus loquace que cette carcasse. « Naaa, 'course not. Who would love to hear my idea of a love story between a fish and a sloth stuck in space ? » Conscient, pourtant, d'avoir déjà tout délaissé rien qu'en cette phrase prononcée. Conscient, Isaac, rien que pour s'accaparer ce qu'il pourrait avoir à en dire, tout ce qu'il pourrait lui laisser sous-entendre quant à cet esprit trop difforme, trop aliéné sous tout ce qui s'est risqué à l'infecter.   

Ailleurs, le monde s'étiole, s’agrandit – l'espace s'étire et le temps s'estompe. Il erre dans un entre-deux, Isaac. Il s'évapore, fumée à peine visible sous les lueurs d'un soleil improbable quand crépuscule tombe et s'abat sur les allées. Lui, il persiste à rayonner – de démence et d'improbabilité. Il est ailleurs, et pourtant bien là. Les prunelles qui ont guetté un instant cette présence avant de s'en détourner, l'esprit qui s'attarde sur ce qu'il vient finalement de révéler. Une idée, une possible histoire qu'il aurait à compter avec ces mots arrachés ici et là ; piètre romancier qui croit en un art qu'on désignerait très certainement décalé. À n'en plus douter, il n'est rien de plus qu'une âme perdue croyant en une magnifique œuvre mal amenée. Peut-être ; ou est-il simplement en train de trop s'enfoncer. Et finalement, cette surprise qu'il croit pouvoir déceler dans le timbre qui s'élève accentue plus que jamais toutes les volontés qu'il pouvait avoir à l'idée de cette fantaisie à conter. Elle est dérangeante – mais captivante, il le sait. Il veut pouvoir le clamer. Possibilité qu'il vient supposer ; un livre pour enfant. Non, bien-sûr que non. Son public cible est tout autre, bien plus âgé. Il veut attirer l’œil des curieux et des esprits décalés. Ainsi il toise, l'air de défi qui tient le regard qui sur lui s'est apposé. Le sourire est là qui lui revient, cette courbe taquine qui pare les lèvres pour donner ce petit air fouineur sur les traits creusés.

« 'Course not. It's for grown up. »
Les mots toujours mâchés, cette fainéantise qui se dévoile même quand il a à s'exprimer.

Là, les jambes s'offrent le luxe de se reposer sur le bureau. Il s'étire, il s'installe, il prend ces aises que personne ne semble pouvoir à même de lui donner. Il prend, Isaac, il l'a toujours fait. Il est chez lui partout, et nulle part en vérité. Le monde est un vaste terrain libre qui lui est donné d'exploiter à sa guise – à chaque jour que Dieu fait. À chaque jour que Dieu fait, il en rigole à songeant à cette simple pensée. Fait-il quoi que ce soit, celui-là, depuis les hauteurs où tous ont à l'imaginer ? « You know what ? There is a lot of guys who's gonna pay for that shit and you know why ? 'Cause they're curious. » Là, il a levé l'index pour accentuer ce qu'il vient de lui confier. Sa vérité, sa vision des choses – ses précédents écrits se sont vendus parce qu'ils étaient décalés et n'aspiraient qu'à flirter avec les curieuses orbes qui avaient à s'y attarder. Personne n'osait croire en ce synopsis, alors ils se sont juste renseignés – ainsi la boucle se refermait. Plus ils s'y risquaient, plus le manège se mettait à tourner. « In the end, I'm the winner. » Un haussement d'épaules, un soupçon d'arrogance qui lui revient – comme un déjà-vu en sachant ce nom qu'il porte et qu'il entache parfois par ignorance, parfois par volonté. Qu'importe, il se satisfait des ombres dans lesquelles on l'a caché. « If Eliott tells me it sucks, I write it. It's as simple as that. This is why I need him. »   

Il a froncé les sourcils sous cette espèce de surprise qui, sur les traits, s'est dessiné. Il guette, Isaac, essayant de comprendre les pensées qui lui échappent, celles qu'il ne peut lire, qu'il ne peut réellement interpréter. Livre qu'il ne parvient pas à empoigner – un soupir mais l'attention laissée, donnée tout de même à celui qui se tient devant lui. Il imite en partie, les bras qui manquent de se croiser mais il s'en abstient, respirant simplement et calmement en attendant ce qui semble se profiler. Là, ils viennent enfin, les mots. Comme une libération pour l'esprit qui craignait un semblant de cohérence dans ce qu'il a pu partager. Ça craint ; et ça le rassure. Le sourire plus installé, bien marqué sur les lippes qui se sont étendues sur ce faciès exténué. Néanmoins, les paroles qui lui sont données s'ancrent contre les chairs comme une lame avide, si affamée. Elle s'implante, cherche la chaleur d'un endocarde qu'on parvient trop souvent à lui ignorer. Ça s'arrêtera, à un moment donné. Ils ne tomberont plus dans le piège qu'il croit encore maîtriser. L'idée est là qui se matérialise dans l'esprit avant qu'il n'essaie de la chasser. Non, il sait l'humanité trop avide de commérages et de moqueries pour s'en passer. Ils continueront de tomber dedans, à n'en pas douter. Et il parvient presque à s'en convaincre, ignorant totalement ce qui peut être ajouté. Les mots « enfants » et « bonne conscience » s'arrêtent à peine contre l'âme du trentenaire qui, néanmoins, se voit rapidement intéressé par le terme de « drogue ». Là, ça l'interpelle. Là, ça parvient à faire scintiller cette étoile silencieuse dans le regard qui s'est relevé.

« Seriously ? »
Parce qu'il est surpris, c'est un fait.
« I mean, really ? »
Parce qu'il n'est pas sûr d'avoir bien suivi.

Les songes s'amusent à faire résonner la question – elle heurte les parois de l'encéphale pour enfin avoir un certain sens. Non, il a bien compris – et ça le surprend davantage que la question puisse avoir été posée. Il souffle, laisse un léger rire lui échapper. Il soupir à peine, Isaac, avant que les poches ne soient fouillées. Il en sort tout ce qu'il possède, téléphone, clés, cachets, sachet d'herbes, cigarettes, tiges déjà roulées. La totale, le tout offert juste sous son nez. « Guess not, did I ? » Non, loin de l'hostilité. Il ne fait que plaisanter, loin de recevoir avec violence les quelques jugements qu'on pourrait avoir à lui porter. Qu'importe, son histoire est sienne qu'ils peuvent bien critiquer – il en connaît les secrets, ces choses cachées que rien, jamais, personne ne pourrait s'approprier. « Let's get honest to each other for a sec, right ? Il s'est un peu mieux installé, l'aisance pleinement enserrée et embrassée. I do 'cause if not, I wouldn't have wrote that sort of things. Guess I wouldn't have came back here neither. » Un haussement d'épaules, le tout qui selon lui s'implante avec sens dans le récit qu'il pourrait avoir à conter. Non, il ne serait probablement pas là si les veines étaient saines, si l'esprit était sevré. Il serait ailleurs, à prêcher les paroles de ces géniteurs pour ces fidèles qu'ils persistent à choyer. Il aurait été le fils parfait – la mauvaise idée, effroyable cliché. « But here I am, taking drugs and shit just for you, journalist, you could have something to write. » La boucle est bouclée, et ses bras se sont écartés. S'il s'éloigne du sujet initial ? Très certainement. L'instabilité a ses secrets, et ses séquelles sont bien souvent sous-estimées. « You don't mind if I wait him here ? Don't worry, I already slept on desk before. » La main qui balais un peu la vision de là où ses pieds s'étaient posés, accentuant ce qu'il vient d'affirmer.    

Plenty of other things to write about. Il aurait pu s'en offusquer, la plupart de ses livres changeant de réalité, de fait, de protagonistes même puisque le reste est déjà couché sur papier. Mais rien, rien qu'un rictus qui s'est installé. Rien qu'une courbe légère pour accentuer cette folie à laquelle il aime à se soumettre. Ironique, en partie, quand il se prétend fier homme libre de toute règle, de tout fait. Un mensonge de plus à rajouter à la longue liste des croyances qu'on devrait lui arracher. L'idée reste néanmoins, même quand il a continué. Il attendra, Isaac, il méditera sur la possibilité d'écrire autre chose que tout ce qu'il s'amuse à servir à ceux qui ont le courage de s'y risquer. Et s'il savait, celui-là. S'il savait le projet de sa vie, l'immense œuvre qu'il essaie de construire et qui arpente désormais les murs de cet appartement qu'il s'est réapproprié. Réécrire le monde, réécrire la réalité – ce tout en partant des phrases les plus iconiques, arrachées ici et là pour parfaire cette narration saccadée. Non, cette œuvre est sienne qu'il ne tient pas encore à dévoiler. Loin d'être terminée, à peine entamée. « Don’t you have a home ? » L'azur qui se relève, l'attention captivée. Il fronce les sourcils, un peu décontenancé. « Eliott will be back tomorrow, just come back then. If the security guard finds you here he’ll kick you out. » Un rire, c'est tout ce qu'il parvient à répondre. Rien qu'un rire léger, comme s'il s'en moquait. Parce qu'il s'en moque, Isaac, là s'appose l'implacable vérité.

« Really ? »
Oh, la voilà qui revient, cette espèce d'arrogance.
« I don't think so. »
Sûr de lui, presque prêt à pouvoir le parier.
Il a l'avantage de l'argent ; et il croit pouvoir sincèrement pourvoir en user.

« You know, if I decided to wait, I can wait. » Un haussement d'épaules, hauteur qu'il retrouve finalement. L'attention déjà envolée, les alentours qu'il contemple un instant avant de se diriger vers la première fenêtre qui puisse être entrebâillée. Oh, plutôt libre de ses volontés mais conscient quand même de ce qu'il pourrait engendrer. Non, il ne prendra pas le risque de déclencher cette alarme avec la fumée à laquelle il compte bien s'intoxiquer. « Want one ? » Poison qu'il tend au plus jeune, roulé bien avant son apparition en ces bureaux désolés. Le briquet qu'il a déjà sorti, cette inconscience qui reprend ses droits sur l'esprit de celui qui s'impose maître de ces lieux désertés. « Tell me, how is he doing ? Eliott ? It must be a long time since I've seen him. I think so, I don't know, but the idea is there. » Le temps, saloperie qu'il ne tient plus à laisser s'immiscer dans ce petit monde qu'il s'est créé. Le temps, continuité mesurée qu'il ne tient pas à posséder ; et il ne sait plus, Isaac, des jours, des semaines, des mois même se sont probablement écoulés.     

Il s'est avancé, il s'est risqué jusqu'au poison levé. Là, le premier vice qu'il parvient à lui trouver et le sourire qui ne peut que s'accentuer. Satisfait, Isaac, de constater que toutes les moralités ne parviennent pas encore à pleinement s'ancrer – certaines voies sont encore scellées, cachées. Les sentiers d'une liberté d'esprit qui persiste à tenir la bataille loin de ses contrées. Et les paroles deviennent presque symphonie pour l'ouïe qui ne peut que s'y bercer. Il le trouble, et c'est ce qui parvient davantage à l'intéresser. Troubler, il apprécie l'idée. Perdre les âmes, les emmêler dans ce flot incessant de songes qui va et vient, qui s'égare pour revenir, plus empli de ces choses qui n'ont ni rapport, ni stabilité. Les épaules se sont haussées, relevées. Prestance qu'il retrouve, comme si ces dires avaient eu l'effet de lui injecter cette glorieuse grandeur qu'il tient parfois à réaffirmer. S'il compte attendre ? Bien-sûr que oui. Pour quelqu'un qu'il n'a pas vu depuis un certain temps ? Très certainement. Le temps. Ah, le temps. Si éphémère, si construit, si suivi – jamais oublié. Sauf par lui. Il a acquiescé, sans davantage insister. Les poumons qui réclament leur part de toxicité, celle qu'il leur accorde bien volontiers. « Eliott’s ok, his kid is teething or something so he’s not sleeping much. » Légère, la toux qui lui vient. À peine appuyée, à peine tenace puisqu'il parvient rapidement à la braver. Mais la surprise est là qui s'ancre sur les traits. His kid. Il a loupé l'information, ou peut-être ne s'y est pas intéressé. Il ne sait pas, ne sait plus. Les pensées sont floues, déjà trop embrumées.

« Sorry, what ? »
La voix qui s'élève, ce timbre teinté de doute.
« Did you just said his kid ? »
Parce qu'il aurait dû davantage se renseigner.
Ainsi, le temps s'est vraiment écoulé.
Et lui, lui n'a fait que s'enliser dans son néant avant de s'en relever.

Un sifflement, un long souffle qu'il laisse se perdre dans les quelques brises qui s'invitent là où la fenêtre s'est entrebâillée. L'azur qui s'en remet à la citée grisée, aux ruines qui s'étendent en l'instant sous leur pied. Catacombes qui suintent le péché et l'adrénaline des nouvelles tentatives d'un peu plus s'approcher d'une euphorie à effleurer. Il aurait tout imaginer pour ce vieil ami au cœur de ces tréfonds humides mais pas cet avenir, pas ce sentier-ci – d'ores et déjà emprunté. « I'm surprised. I thought he would've... No, I don't even know. » Il s'en détourne déjà, il s'en remet à ce qui flirtait avec ses doigts. Bouffée de fumée qui virevolte, qui dessine quelques formes qu'il croit pouvoir nommer avant de déjà les oublier. « Shame. Pleasure will be more difficult for him now. » Moue désolée qu'il affiche ouvertement – lui qui ne jure que par cette perdition à laquelle il semble s'être marié. « And you ? You have kids ? » Sait-on jamais, ça expliquerait bien des choses finalement – à commencer par cette volonté de rester plus tard que prévu en des locaux qui n'inspirent pourtant rien de plus qu'une solitude et une tristesse bien contagieuse. Oh, il pourrait les plaindre – mais voilà que l'idée lui échappe déjà.      

Il y a cette image qui tourne dans sa tête, ces mots qui vont, viennent, fracassent tout ce qu'il pensait savoir – mais le temps passe, s'écoule, s'émiette. Du sable entre les phalanges que rien ne peut empêcher de tomber. Pas même lui, pas même malgré cet autre monde dans lequel il s'est réfugié – le sien. Là où les contrées sont figées, là où rien ne dévie puisqu'il n'est pas en mesure de l'imaginer. Figé, un instant, Isaac. Il essaie de tout percevoir au-delà des vitres sur lesquels il s'est concentré. Grisaille des façades qu'il toise en pensant pouvoir l'apercevoir, là, quelque-part, en compagnie d'une petite vie qu'il n'aurait pas anticipé. Il doit se rendre à l'évidence, Wrynn, le monde change et ceux qui l'ont un jour approché ont continué sur leur propre sentier. Il tique, quoi qu'en silence. Il essaie de braver cette pensée, cette espèce de petite tourmente qu'il parvient à s'imposer. La conscience qui profite d'un maigre sursaut pour en revenir à cette voix qui s'élève, ce timbre qui se rappelle. Non, aucun enfant pour celui qui se tient à ses côtés. Il n'a pas fait attention aux traits, il n'a pas cherché plus loin que ce qui lui a été donné – un ami d'Eliott, et si Eliott a engendré la vie, alors tous ceux qui peuvent se trouver à ses côtés l'ont également fait. Mise à part lui, quelle idée. Il pourrait en rire, Isaac, si la question ne lui était pas rendue. Ah, les mots. Ils ont ce pouvoir sur lui, cette capacité si singulière de le faire réfléchir, de lui permettre un exil vers mille et une possibilités – en des temps troublés ou parfois salvateurs pour l'âme disloquée.

Les mots. « Do you ? » Ils lui reviennent, ils se frayent un chemin jusqu'à cet esprit embrumé. « God no. Well... I hope so. » Un doute qui parcoure l'être, qui force le frisson sur la peau du blond. Trop nombreux sont les trous noirs de la mémoire pour qu'il puisse remettre le faciès d'un gamin qui partagerait son sang, ses tares – sa malédiction, celle qu'il persiste à voir comme une bénédiction. « No. No way. Can you imagine that ? It's awful, I don't have time to waste for such things. No. » À en rire, cette fois – le temps qui revient, les expressions qui restent quand tout est encore subjectif en vérité. Plus convaincu que jamais néanmoins – son dessein déjà tracé. Il appartient aux éphémères, à ceux qui s'éteindront sans lignée à offrir ; et qu'importe, finalement, son seul lègue sera ce manifeste sur lequel il persiste à s'acharner depuis trop longtemps. Projet qui dérègle avec hargne toute l'essence de celui qui persiste à s'y accrocher pourtant. « No, no. I've bigger plan. Something more special than a child, believe me, whoever you are. » Poison qu'il tend à nouveau, partage qui tient – démence qu'il aime à distiller. Non, rien ne semble pouvoir changer – alors pourquoi les autres continuent d'avancer ?