pov ; you're fucked | jin-ho

Des idiots et des ignorants. Des abrutis sans ambition, une marée humaine d'ombres errantes. Les dossiers s'entassent, des propositions pour l'aide réclamée – un œil extérieur qui soit à même de penser sans avoir à bafouiller. On lui a légué des profils, des écrits sur ces étudiants qui croient pouvoir s'élever. Il en a soupiré, s'en remettant aux lueurs faiblardes qui bravent les vitres sales et abîmées. Question revient, s'ancre dans l'esprit – pourquoi persister ? Pourquoi lutter quand les pavés même de cette cité ne souhaitent pas être nettoyés ? La paume aux traits, le souffle coupé. Ce sont ses espoirs qui se ternissent, l'impression que chaque effort, chaque élan n'est qu'un peu plus vain. Il en a soupiré, Lestat, avant que les dossiers ne soient lâchés, avant que les feuilles ne se détachent des couvertures pour s'éparpiller. L'inattention, la lassitude dans la gestuelle. Le rapport qui attend et les supérieurs mécontents. Ils veulent un profil, un indice, rien qu'une supposition sur ce qu'ils lui ont confié. Une histoire qui sort de sa juridiction, parce qu'il est l'élément qui manque aux collègues feignants d'une Criminelle aux résultats manquants. Fatigué, Lestat. Exténué d'avoir à tant œuvrer. Rongé par la vanité, par tout ce qui continue d'empiéter sur ce qu'il croit pouvoir instaurer. Un climat de paix, un horizon plus clair pour ceux qui ne cessent de prier – pour cette sœur adorée qu'il craint parfois de ne pas réussir à honorer. Un soupir alors. Rien qu'un souffle craché, les prunelles qui s'attardent sur ce qui s'échappait ; ces noms qui s’enchaînent et la mémoire joue son rôle, rappelle à la conscience les histoires qui ont pu être contées. Les prouesses d'un gosse qui ignore encore ô combien les ruelles sont des enfers à part entière. Les louanges pour celui qu'on refuse encore de trop laisser s'avancer ; un atout qu'ils s'imaginent, bien que sans réellement le marquer. Il en a soufflé, Lestat, une fois de plus. Le regard posé sur le siège vide de celle qui depuis peu l'accompagne. Absente pour quelques jours, incapable de pouvoir venir prêter main forte pour la fin de ces rapports à peine commencer. Elle ne lui a rien laissé, pas même une impression sur tout ce qu'elle aurait pu en tirer ; et les autres n'ont pas su s'approprier son respect pour qu'il daigne plus d'une heure les supporter. Fatigué, Lestat – plus que jamais. Fatigué, avant d'en saisir le seul qui soit digne d'un minimum d'intérêt. Le choix qu'il ne possède plus, conscience s'est abîmée à force de trop s'user. Stagiaire qu'il entend récupérer – rien que pour un temps, rien que pour s'assurer qu'il reste encore un peu d'espoir en ces tristes allées.

Et les pas claquent sur le sol. Et les prunelles sont froides qui ne lorgnent que sur les portes à portée. Il s'est avancé là où on ne l'attend pas, là où on ne l'espère pas. Les rumeurs qui virevoltent, le silence qui plane et l'attention qu'il réclame quand il s'en approche. Le dossier en main, délaissé sur le bureau de celui qui s'inquiète de sa présence en ces locaux reculés. « Kim, you're coming with me. » La voix qui porte, qui résonne – qui s'attarde sur les murs jusqu'à y laisser une empreinte. « Rosebu... Lieutenant. Why ? What happened ? » Supérieur qui suinte la crainte, les secrets, les fantômes dans les placards. L'acier froid s'y attarde un instant, méprisant, agacé. « He's the only one who doesn't listen to your miserable lessons so I assume he's the only one who can thinks by himself. » La voix est neutre, cinglante. La voix est neutre qui paralyse l'autre sur sa pathétique petite chaise. Droit, l'homme qui vient réclamer cet œil extérieur ; qui tient à s'assurer que les croyances implicites qui se soulèvent ne sont pas infondées. Il veut croire, Lestat, en ces réminiscences de justice et de valeur malgré la pourriture qui persiste à les ensevelir. Patience dont il use, patience qu'il force jusqu'à pouvoir s'éloigner, quitter l'antre des idiots et des ignorants, des abrutis sans ambition qui finiront par se mouiller, corrompus par les verts billets. Confiance s'est brisée entre l'état, son système et l'anglais qui voudrait tout sauver. « They've said you're doing great when you've to learn how someone can think, I want to know how good you are. » La prétention dans la prestance. L'arrogance dans les prunelles qui refusent encore de se poser sur l'âme à ses côtés. Il appréhende l'erreur humaine, les jugements hâtifs de ceux qui lui ont légué ces dossiers de potentielles recrues à chérir et s'approprier. Il appréhende, Roseburry, sans pour autant s'exposer.