describe a penguin without feathers · ft. harvey

describe a penguin without feathers

humor is reason gone mad

tw ; none

Ha, parfois, Jin-Ho en faisait vraiment trop.

Personne ne lui imposait le costume de rigueur. C’est lui qui se plaisait à le porter au travail. Chemise blanche immaculée, veste et pantalon noirs et ajustés. La fine cravate anthracite qui complétait le tableau rappelait la couleur absolument pas naturelle de ses yeux. Et si les lentilles de contact colorées n’étaient pas du tout répandue dans cette contrée, il était allé encore plus loin et portait le maquillage discret et léger, jusqu’à concorder avec la nouvelle teinture de ses cheveux, un gris clair presque argenté.

Avec une colorimétrie somme toute limitée, et une tenue qui contrastait totalement avec ce qu’il portait généralement, c’était le seul moment où on pouvait enfin apercevoir les lignes de son physique, d’ordinaire noyées sous des couches trop larges de tissus épais. Mais si ses hoodies et baggies n’avaient jamais vu les néons du poste de police, il se contentait généralement d’une chemise et d’un pantalon formels. Pas de tout l’attirail.

Il avait royalement ignoré tous les regards qu’on lui avait jetés depuis son arrivée au commissariat. Et il n’avait pas compris la moitié des remarques que ses collègues lui avait lancées sur sa tenue ou son apparence non plus d’ailleurs. Non pas que celles qu’il a pu comprendre l’aient perturbé. Il avait au mieux arqué un sourcil sous le coup d’une interrogation curieuse ou parce qu’il était impressionné par l’imagination que certains pouvaient avoir, mais ça ne lui avait fait ni chaud ni froid.

Il avait continué à faire son travail.

Revues de rapports d’enquêtes, vérifications des preuves, on lui avait fourni une check-list et quelques vieux dossiers depuis longtemps clôturés. Parce qu’on n’allait pas fournir un travail aussi précieux à un gamin à peine débarqué, ce n’était que de l’archivage et de la re-re-re-vérifaction d’usage. Il n’était pas sensé y trouver quoi que ce soit qu’il doive reprendre, juste se familiariser avec le format des rapports et les procédures.

Pourtant, lorsqu’il avait posé une question à son référent, celui-ci avait arqué un sourcil et avait pris le rapport pour le relire avec lui. Avant de lui dire d’aller voir le policier qui l’avait écrit pour avoir plus d’informations sur un manque dans une description. Jin-Ho semblait avoir soulevé quelque chose. Le truc, c’est qu’il était aussi hermétique aux remarques désobligeantes et mâchistes qu’à l’humour et aux pranks absolument évidents.

Loin de s’enorgueillir d’avoir potentiellement détecté une faille ou de se douter quoi que ce soit, il avait parcouru les couloirs et cherchait à présent le bureau de l’Inspecteur Booker. On lui en désigna un, et le voilà qui approche. Minuscule et trop pâle en comparaison au policier, il le salue d’un signe de tête sans paraître le moins du monde impressionné.

— Inspecteur Booker ? Kim Jin-Ho, de la criminologie. Vous auriez quelques minutes à m’accorder ? J’ai une question sur un passage dans un de vos rapports. Une description qui manque...

Sur le rapport en question, la date de l’année dernière est clairement visible. Histoire de rappeler des souvenirs à Harvey, sans doute. Ou pas du tout. Ca sent clairement le genre d’affaire absolument pas mémorable, et vite classée, vu l’épaisseur du dossier.

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Lorsqu’il arrive dans cette salle — censée contenir le Graal que tout policier et travailleur lambda, recherche dans la vie, Jin-Ho y compris — les odeurs patibulaires viennent lui agresser les narines. Faux café, préparé par une machine probablement mal nettoyée, issu d’un presque instantané aussi efficace qu’une gorgée d’acide pour vous défoncer l’estomac, et sucre. Ah. Le sucre. Une grande histoire d’amour le lie à cette substance poison que tout le monde apprécie tant.

Véritable drogue euphorisante qui a réussi à contourner toutes les défenses de l’humanité pour la conquérir sans que la majorité ne se rende réellement compte de ce qui leur arrive, elle s’est infiltrée dans … à peu près tout ce qui se mange sur terre aujourd’hui. Mais tant qu’on ne tombe pas dans son piège, c’était plutôt facile d’y résister. Même l’odeur pouvait réussir à vous en dégoûter.

Alors il n’a pas vraiment de mal à refuser l’offre, lorsque la boîte de petites bombes de drogue lui est proposée. Un mouvement de la tête, poli, qui peut paraître hautain s’il n’ajoute la petite formule de politesse avec… voire même avec.

— Non merci.

La surprise du policier est légitime. Il a lu plein de rapports, Jin-Ho. Ceux de l’inspecteur en face de lui sont plutôt bons en général. Et il est à rappeler qu’il n’est qu’un stagiaire. Loin de s’en formaliser, il se contente de hausser les épaules, et se pare d’une grimace légère de ses traits trop fermés pour paraître… désolé, et non, pas sûr de lui. Quel étudiant serait sûr de lui sur ce coup-là ?

— Mon superviseur a confirmé et… mh. Non ? Je fais vérifier ma vue régulièrement.

Son superviseur s’est véritablement foutu de sa gueule, ouais, il l’ignore. Mais surtout, les lentilles qu’il porte sont teintées, non correctrices. Et étant donné que c’est la première fois qu’il rencontre l’inspecteur, il ne s’est sans doute pas rendu compte que la couleur de ses yeux était fausse. Pour le moment. On finit par s’en rendre compte après quelques temps, lorsqu’on fixe bien. Mais pour une première rencontre, on plonge rarement en plein dans le regard de quelqu’un qu’on ne connaît pas…

Mais Jin-Ho et le sens de l’humour, c’est une autre histoire d’amour. Et si elle est un peu plus sympathique que celle du sucre, ça ne change pas qu’il en mange avec modération lui aussi.

Et dans sa vie, on lui a rapidement fait comprendre que le sien n’était guère apprécié. Beaucoup trop sarcastique pour survivre à la violence d’une personne trop vexée.

Harvey Booker lit le rapport, et … ne voit pas la faille. Il a cette même réaction que son collègue superviseur, et Jin-Ho aura la même explication qu’il a donné quelques minutes plus tôt.

— Vous ne dites pas ce qui est advenu du suspect, seulement qu’une… brindille ? s’est brisée à la fin de la course-poursuite.

On comprend à son accent qu’il n’est pas natif de la langue, même si celui-ci s’améliore… en grande partie grâce à celui dont il squattait le canapé. Mais barrière de langage ou non, il manque simplement un lien, facile à deviner, mais qu’il n’a pas réussi à intégrer. Cela dit, le regard curieux est honnêtement innocent lorsqu’il se pose à nouveau sur Booker.

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Le refus, pourtant poli, est suivi d’un regard pesant en direction de son visage. Duel accepté, rendu l’espace de quelques secondes longues et silencieuses, agrémenté d’un haussement de sourcil interrogateur dans la direction de l’inspecteur. Pas de réponse, une simple diffusion qui se fait presque en douceur, aidée par un changement de sujet et une blague incomprise par le coréen qui reste aussi expressif qu’une cuillère.

Mais le regard revient, curieux, interrogateur, agrémenté d’une question légitime.

— Nelson Mills, qu’il répond, le gamin comparé au policier, tant en terme d’âge que de carrure.

Mills. Criminologue connu au sein des différents services, pas spécialement comme une lumière ni particulièrement rigoureux. Ce genre de rapport, il a plutôt tendance à les accepter comme tel. Pas forcément connu comme un grand comique non plus d’ailleurs. Peut-être qu’il a voulu innover, et faire une mauvaise blague, un prank, à son stagiaire. Ou bien c’est une façon pédagogique de lui faire comprendre que les procédures peuvent s’assouplir aussi. Allez savoir.

Là, pour le coup, Jin-Ho ne voit pas en quoi le nom de son superviseur est important. Il n’a pas fait d’erreur, et même Harvey Booker finit par comprendre la subtilité. Et s’il se retient de croiser les bras dans son dos comme le bon soldat qu’il a pu être pendant deux ans, il baisse quand même les yeux sur son bureau, bien droit devant en attendant qu’il ait fini d’y faire l’ajout nécessaire, en hochant simplement la tête à l’explication donnée.

Le document lui est finalement rendu. Il ouvre rapidement, lit succinctement les quelques notes ajoutées, referme le dossier. Toujours en silence et pensivement. Avant d’acquiescer.

— Vous faites régulièrement ce genre de raccourci dans vos dossiers. Je me trompe ?

C’est à son tour de reprendre le duel de regard, mais sans être dans la confrontation. Il est toujours dans l’interrogation polie du jeune qui cherche un sens à cet échange. Et qui vient probablement de comprendre une subtilité qu’il n’avait pas encore décelée.

— Et personne ne vous a jamais ennuyé avec ça.

Plus qu’une question, c’est une pré-analyse. Il commence à se dire qu’elle n’a pas beaucoup d’intérêt, cette nouvelle note, même si l’inspecteur Booker l’a lui a gracieusement offerte sans rechigner.

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Il est étonné, Jin-Ho. Non, pas par la qualité de l’humour du Lieutenant, ou encore par son étonnante capacité de comparaison dont il n’est heureusement pas conscient, mais par la facilité qu’ils ont à converser au sujet du travail. Booker lui répond tranquillement, malgré le désintérêt du coréen pour ses donuts et ses blagues. S’il s’étonne que Mills ait demandé à Kim de venir le voir pour demander des précisions, il ne rechigne malgré tout pas à les fournir, quand bien même il n’a jamais eu besoin de le faire.

Et à cela, Jin-Ho arque un sourcil pensif. Il hoche simplement la tête pour répondre à la question qui n’en est sans doute pas une, vu l’évidence. Pourquoi serait-il là, sinon ? Il a dû travail. Il ne croule pas sous les tâches, mais il est assez professionnel - trop selon certains - pour ne pas se balader dans le commissariat sans raison, pour aller importuner de pauvres policiers qui n’ont rien demandé. Et vraiment, s’il n’a rien d’autre à faire, il préfère encore étudier.

Mais il comprend, quand le lieutenant lui explique le fonctionnement et les procédures. Il hoche de nouveau la tête, le loquace petit stagiaire avant de se rappeler que le silence est souvent mal accepté en société.

— Je vois, oui.

Pensivement, il feuillette le rapport, relit la note ajoutée par le policier, et se retrouve à souffler un presque rire, entre soupir et ricanement, qui n’a rien de drôle. Déplacé ? Il s’interrompt très vite quand il s’en rend compte. Mais ça prouve au moins qu’il en aurait la capacité si l’occasion s’en présentait. Le rire ici est jaune, sans aucune notion de racisme. Amer et désabusé, il referme le dossier.

Il n’est toujours pas certain de saisir le but de tout ceci, mais ça n’a définitivement pas le sens qu’on veut lui faire croire.

— Il n’y a pas de raison à ce que vous changiez vos habitudes, Lieutenant, qu’il vient donc répliquer, poliment et respectueusement malgré sa position de stagiaire qui ne devrait pas remettre les ordres en question… Si mon responsable avait quelque chose à vous reprocher, il vous l’aurait certainement notifié depuis longtemps. Je suis sûr qu’il s’agit d’une … leçon détournée pour me faire comprendre par la pratique… ?

Mi-interrogation, mi-sarcasme poliment construit… Mills n’est peut-être qu’un couard qui a envoyé son stagiaire au casse-pipe en ayant trouvé une opportunité de faire passer un message à Booker ? Message qu’il n’a donc pas le courage de lui adresser de lui-même… Le sourire qui passe sur le visage du bouc émissaire dévoile partiellement son avis sur la question. Jin déteste être manipulé…

— Mais merci pour les précisions.