(( three )) prideful vibe | sosthene

Aller retour. Les mains qui s'enchaînent, les sourires qu'il n'en peut plus de servir – les joues qui font mal à force d'euphorie. Bien heureux, l'homme d'ordinaire tourmenté. Il observe l'assemblée, à s'émerveiller devant ces faciès adorés. L'assise trouvée, un soupçon de paix qu'il cherche à glaner – toutes ses idées à rassembler, l'instant à savourer. Aux mains, les chiens qui profitent enfin de l'attention qu'il peut donner ; les œillades qu'il échange, les sourires satisfaits – apaisés. En paix. Pour la soirée, pour un instant hors de la réalité. Sous ces planètes alignées, sous la magnificence d'un monde qu'il s'est approprié. En paix, plus qu'il ne l'a été – moins que lorsque sa vie commençait à avoir ce sens toujours espéré. Il a failli, de moitié. Le rêve exaucé, mais la vie qui stagne, qui se base sur des souvenirs à ressasser. Les conquêtes qu'il enchaîne pour se perdre, la nécessité que de se noyer dans l'ivresse momentanée pour ne pas songer à tout ce qu'il a manqué. Une vie parfaite, une seconde chance honorée. La femme de sa vie et de ses rêves, sa fille avec elle, toutes deux à ses côtés ; d'autres rires enfantins, les promesses d'un foyer où d'autres âmes auraient eu à naître d'un amour assuré. Il a soupiré, Phoenix, s'en remettant aux chiens pour glaner ce soutien dont il manque affreusement comme il refuse de s'ouvrir, il refuse d'en parler. Mais l'attention captivée, la silhouette qu'il en vient à observer. Le plus jeune frère qui serpente entre les invités, les repères encore manquants, mais qu'il est certain de le voir chercher. Llewyn accaparé, sûrement, aussi il s'est levé, Ledger premier. Son verre à la main, un regard bref sur le buffet dont tous profitent avant de s'en détourner. « You find what you like in all that shit ? » Parce qu'il a essayé de faire au mieux, s'est épuisé sur des heures et des heures à tout préparer. Seul, par lui-même, pour que fierté n'est pas à s'anémier. « Thanks for coming... Means a lot for me. » Plus qu'il ne pourrait l'imaginer, plus qu'il parviendrait à l'exprimer. Penaud quand il s'agit de laisser le cœur parader, gêné de ne pas savoir s'exprimer ; mais les actes ont cette puissance à tout insuffler. Le bras autour des épaules, la tape contre celle à sa portée. Il en soupire d'aisance, Phoenix, à quitter ses songes qui s’obscurcissaient. « Sorry I didn't come to you before, there's a lot of assholes asking to talk to me, feel like someone way to important. Not that I don't like that, but still. » Il feint l'arrogance, n'y parvient que de moitié – moquant ses propres mots dans une posture idiote rapidement abandonnée. « You have no idea... how grateful I'm to see you here today. » Parce qu'il n'avait pas envisagé que sa vie prenne autant de tournant, parce qu'il n'espérait plus pouvoir les avoir à ses côtés. Parce qu'ils étaient une cause perdue, lui et Llewyn, avant que les liens n'aient à se renforcer, avant que son existence ne reprenne ce sens depuis longtemps délaissé.            





   

Le cœur à l'ouvrage. Le cœur qui peine à suivre ce rythme qu'on lui impose, ces battements violents qui prennent de l'ampleur à chaque regard croisé. Il y a cette fierté qui suinte, ce bonheur qui se propage et se partage. Un semblant de calme, une paix qu'il n'a jamais mérité, une caresse sur les songes qui ne peuvent que s'apaiser. Il en frissonne, Phoenix, de ces attentions qu'on lui concède, de cette importance qu'on parvient à lui faire remarquer. Il s'imaginait perdu, brisé, esseulé. On en vient à distiller cette chaleur qui manquait, cette appartenance à quelque chose de plus grand que ce qu'il vient de créer. C'est au-delà du matériel, au-delà du réel. Ce sont des liens invisibles qui pansent les plaies, qui embaument les marques que ses choix et erreurs ont laissé. Le sourire qui prend possession des lippes, les battements se font un peu plus lourds, un peu plus puissants. Il écoute, Phoenix, il s'imprègne de cette situation. Là, aux côtés de ce petit frère qu'on lui arrachait, il y a cette normalité qui reprend ses droits pour taire le vacarme des malins qui se moquaient. Compliments et pensées profondes qui se confondent. Compliments et sentiments qui se mêlent, s'emmêlent, tous partagés dans ces mots qui lui sont confiés. Bien des choses ont changé, c'est un fait – et si on lui offrait la possibilité de revenir sur cette dernière année, il ne changerait rien à tout ce qui fut fait. Rien, ou presque, mais l'intéressée est ailleurs qui vogue avec la prunelle de ses yeux, sa fille adorée. « Hey, it's ok. Don't worry... » Un rire un peu gêné, quoi que sincère. Un tintement dans cette immensité, aussi lumineux que les paillettes sur la veste où le bras de son frère s'est installé. « Yeah, you've got no idea how much I love you too. Never forget it, alright ? » Il dépasse cette zone de confort, il s'aventure là il craint toujours de s'aventurer. L'impression tenace que malédiction rôde, patiente pour s'approprier tout ce qui peut compter – il craint parfois de voir leur sentier de nouveau se séparer, rien que parce qu'il s'est exprimé. Terreur de l'abandon et du rejet qui stagne encore dans les tréfonds de son être voué à se relever. « You've part of all of this, you know ? Be with you two after all these years, made me realise that everything could be better than I thought. Yeah, you saved me... in a way. » Là, elle se trahie encore, cette espèce de gêne qu'il tente au mieux de combattre, lutte acharnée comme ces mots sont à dire, à pleinement faire résonner. Il devait l'entendre, Sosthene, autant que Llewyn aura à le savoir quand l'opportunité lui sera donnée. « Anyway... yeah... so ! » La gorge qui s’éclaircit, l'assemblée qu'il guette brièvement. Amis et connaissances, les merveilles des uns qui deviennent étoiles dans ce ciel dégagé. Il désigne ces chaises à portée, vient aussitôt s'y installer comme il n'en peut plus d'errer. Les chiens qui suivent, le regard dépareillé qui s'appose sur le plus jeune de cette fratrie reconstituée. « You came alone ? » Non pas qu'il soit prêt à pleinement faire face à ce qu'il sait, mais il ne peut nier d'être rassuré de le savoir heureux, aimer pour ce qu'il est devenu. Il a encore beaucoup a assimilé, Phoenix, se sait à même de faire au mieux. Parce qu'il n'est pas n'importe qui, celui qui se tient à ses côtés – parce qu'il permet cet élan improbable pour l'oiseau qui verrait au-delà de tout ce qui lui a été inculqué.             





   

Il a en mémoire ces instants manqués, ces échecs et ces réussites auxquels ils n'ont pas assisté. Il a en tête tous ces projets qui alimentaient les fantasmes, les rêves improbables. Il se souvient de cette solitude qui pesait, du poids qui s'accentuait sur ses épaules à mesure que le temps passait, des anniversaires passés dans le noir, entre un gâteau raté, une bougie volée, le cliché de ces frères qu'on lui a arraché. Il y avait l'anxiété, la honte, la culpabilité de perdre la netteté de leurs traits dans les images qu'il s'inventait. Il essayait d'imaginer quelle serait leur vie désormais, comment les choses auraient pu se passer. Il a en mémoire les maux et les petites joies, ces grandes nouvelles et cette démence qu'il aurait de toute évidence voulu leur épargner. Des tares qui restent, qui cicatrisent autant qu'elles peuvent continuer de saigner. Il y avait ces prières formulées pour celui qui n'écoute plus, ces souhaits étouffés pour qu'ils puissent vivre tel qu'ils le méritent, loin de cette noirceur, loin de cette folie, de tout ce qui corrompt cette lignée depuis le début – depuis toujours et à jamais. Alors les mots ont coulé, comme un baume sur les fissures que les chairs peinent à faire disparaître. Il s'est exprimé, Phoenix, jusqu'à en rougir, jusqu'à manquer de s'y fracasser. Derrière ses grands airs, cette espèce de stabilité qu'il parvient à feindre depuis le début de la soirée – il y a la peur, l'appréhension des futurs encore cachés. Il y a cet inconnu qui l'effraie, ces doutes qui ravagent l'accalmie de son âme quant à tout ce qu'il parvient à s'approprier. Ce sont des chances qui lui sont données, des chances qu'il n'a pas mérité – Dieu qu'il est prêt à s'y blesser pour les conserver. Là, en une main qui s'était serrée sur l'épaule, en un regard appuyé sur le plus jeune de cette fratrie autrefois brisée, aujourd'hui réunifiée. C'est sur lui qu'il se concentre, c'est sur lui qu'il dresse les mille et une lueurs qui flamboient en cette glorieuse soirée. Il en oublie l'intérêt porté, les célébrations qui portent sur le fruit de son labeur, sur ce rêve qu'il vient de réaliser. Il importe peu, ce projet – ce n'est rien comparé au bonheur de ceux qu'il doit encore apprendre à connaître. Les spectres du passé. Les ancres du présent. « Yeah, I think it's better like that ! I'll come to eat with them one day, but not tonight. » Et il a acquiescé, Phoenix, prompt à laisser le temps décidé de ces instants. Ils ont encore à s'habituer, ils ont encore tant à partager – eux, sans ces à-côté. Eux, sans que cette gêne n'ait à venir tout enrailler. Il a acquiescé, Phoenix, parce qu'ils ont tout à s'apprendre, tout à s'apporter, et cette soirée commence ces chapitres qui ont tardé à s'écrire et se remplir. « It'll be the place to be of the summer ! Count on me to come with my parents too ! They are very curious to see your restaurant ! » Un éclat soudain, une chaleur improbable sur les chairs du myocarde. Le rouge aux joues, les traits qui s'abaissent – les émotions s'emmêlent et deviennent brasier, une douceur inimaginable sur tous les maux qu'il continue de traîner. Sous les côtes, les battements deviennent tambours assourdissants, une symphonie unique qui rappelle l'appel de la vie sur la carcasse tuméfiée. « Anytime you want ! You're home here, alright ? It belongs to you the same way it belongs to me. » Une prière en une promesse – un fait qu'il refusera de dénouer, ces lieux sont liés à ces existences qui portent Ledger premier en cette nouvelle chance qui lui a été accordé. « But your mom's gonna be jealous I think. Don't forget to tell her the place ain't to sell. » Un verre récupéré, la cure par l'alcool pour apaiser le cœur qui tremble encore des élans qui lui était infligé. Il cherche à apaiser le cocktail étrange de culpabilité et de fierté, Phoenix qui cherche encore comment se comporter pour parfaire ce rôle retrouvé. « You... You don't need anything, right ? Is there anything that I can do for you ? » À en ignorer un instant ses invités, les lieux qui scintillent de toute part, reflétés sur le costume porté. À en ignorer les raisons même de cette soirée organisée, Phoenix, parce qu'il n'a plus de conscience que pour ce bien-être des frères à veiller.              





   

Brille l'éclat de l'inquiétude. Il s'immisce, parvient à se hisser sur les prunelles dépareillées. Elle jaillie des ombres pour flamboyer, une lueur singulière sur la folie qu'il insufflait avant que les sentiments n'aient à se faire plus oppressants, plus présents – singuliers, parfaits. Brille l'instinct qui s'en mêle, la dorure sur le titre qu'on le laisse récupérer. Aîné. Il s'inquiète, réclame à tout savoir – la moindre angoisse, le moindre mal, la moindre remarque. Il s'inquiète, Phoenix, à en perdre les raisons qui ont poussé toutes ces silhouettes à se retrouver. C'était sa nuit, mais son univers n'est plus composé que de lui. Ils sont trois. Trois à porter le nom et les malédictions. Trois à devoir endurer la perfidie d'une descendance saccagée. Trois pour mieux se relever, les épaules des uns et des autres sur lesquelles s'appuyer. Il sacrifie les siennes, Ledger premier, parce qu'il parviendra à tenir ; parce qu'il l'a toujours fait. Quoi qu'il puisse en dire, qu'importe les discours que certains ont déjà écouté. Il ne flanche pas, il ne flanche jamais vraiment. Derrière l'apparence fébrile et tremblante qui se révèle encore quelques fois, il y a cette force qui le maintient redressé. Pilier qui s'ignore dans cet univers saccagé. Mais il rassure, il appose cette caresse sur l'âme qui vacillait. Il rassure, Sosthene, celui qui se laisse encore ronger à sa culpabilité. Phoenix qui acquiesce, Phoenix qui laisse son sourire renaître ; sorti des cendres pour davantage se courber. « It'll be many occasions for us to see each other, don't be afraid to let me with the buffet, it's soo good anyway ! » Le rire qui lui revient à son tour, la fierté dans l'océan et les terres qui s'affrontent au regard levé. Il remercie, l'hôte, d'une main sur le cœur, d'un geste de la tête comme les mots commencent à manquer. « Thanks, man. Means a lot to me, really. » Parce qu'il y a mis son âme à tout préparer, parce qu'il s'est perdu dans ces préparatifs, jusqu'à parfois délaisser Morphée. Il a tant œuvré pour que ce rêve puisse se réaliser, pour que chaque pion de sa petite et misérable existence puisse enfin avoir la place qui lui était destiné. « You sure ? Llewyn's right there if you want. » Il désigne celui qu'il nomme, la silhouette qu'il aperçoit dans la marée qui s'active, qui s'anime, qui vibre sous les rires, les conversations, la musique qui chantonne au-dessus de l'accalmie proclamée. « I'll be around too, don't hesitate to come if you want to, alright ? » Parce qu'il en voit déjà qui s'affaire à le saluer, à jouer des bras pour s'approcher. Il l'a dit, il est celui qu'on tient à s'approprier pour la soirée. Il le disait, il doit être partout, nulle part ; ne parvient plus réellement à correctement réfléchir. L'ego enflammé, le cœur embrasé. Dans l'encéphale, il y a ces brumes d'euphorie qui s'entremêlent et s'accentuent jusqu'à tout surplomber. L'endocarde voudrait pourtant rester encore un peu, les obligations forcent néanmoins sur la conscience pour la faire plier en leur faveur.