She's got Bette Davis Eyes — ft. William

Tamsin se souvenait très bien de sa première rencontre avec Howard, c’était dans un petit pub de sud de Londres, ce dernier avait quitté son Michigan natal pour découvrir l’Angleterre avec ses meilleurs amis de lycée, il était rapidement venu l’aborder avec son accent de petit gars de Détroit et cette assurance proche de l’arrogance qui caractérise les américains, d’abord réticente, la native de Blackpool fut rapidement charmée par l’humour et la gentillesse du gaillard… Cette rencontre fut sans doute la plus importante de la vie de la jeune femme qui par amour quitta son île et son petit milieu universitaire et mondain pour s’installer dans la « Motown »  sa violence, ses grattes-ciels et ses immenses usines abandonnées symboles d’une grandeur aujourd’hui revolue. Après la mort tragique de son mari, l’institutrice se demanda si elle n’avait pas fait une erreur en quittant le Royaume Uni pour les USA… mais après de longues semaines que dis-je de nombreux mois elle réalisa qu’elle n’était pas arrivée là par hasard et qu’elle avait son rôle à jouer dans tout ce marasme et cette misère.

L’européenne se demanda également si à l’image d’une Mélinée Manouchian elle resterait une veuve éplorée mais courageuse jusqu’à la fin de ses jours, mais n’ayant pas « la vertu des femmes de marins », la trentenaire se dit assez rapidement et peut-être un peu naïvement que son défunt époux n’aurait pas aimé la voir seule et malheureuse… Voilà pourquoi elle s’était investie corps et âme dans la création de l'association « UP! » et pourquoi elle acceptait de rencontrer les pauvres gaillards avec lesquels les anciens collègues d’Howard essayaient de la caser… la plupart du temps, ces premiers rendez-vous n’avaient rien de galants et étaient rarement suivis d’un deuxième. De fait William Duncan fut une exception, un îlot dans un océan de bras cassés.

Le lieutenant de l’anti-gang avait un petit quelque chose que les autres n’avaient pas et de fait il ne laissait pas la mère célibataire totalement insensible. Cependant cette dernière n’arrivait pas à savoir si cette attirance était amicale ou… sentimentale ? C’est peut-être pour trouver des réponses à ces questions - ou peut-être aussi pour tuer l’ennui - que l’enseignante proposa au lieutenant de l’anti-gang d’aller boire un verre en tête à tête. Après un bref échange de SMS, celui qu’elle aimait surnommé « Mr. Law and Order » lui proposa de se retrouver dans un petit bar près de la Marina d’Estside… Une fois le rendez-vous posé, elle prit un bon moment à se préparer et se pomponner…  coquette de nature, cette fois-ci un petit  quelque chose la poussa à l’excès.

Les yeux rivés sur son téléphone et plus précisément sur Google Map, vêtue d’un joli petit ensemble noir et blanc (Ici), Tamsin tenta tant bien que mal de ne pas se perdre dans ce quartier qu’elle connaissait beaucoup moins que Southwest. Une fois devant ce Pub proche de la rivière de Détroit, elle aperçut son compagnon de soirée accoudé à une table, elle s’approcha de lui et posa une main sur son dos avant de lever les yeux - le gaillard mesurait près d’un mètre quatre-vingt-dix soit plusieurs têtes de plus qu’elle - et d’adresser un grand sourire chaleureux - et un peu charmeur - au gardien de la paix.

« Good evening Mr. Law and Order, I'm glad you accepted my invitation. How are you ? Your day went well, not too tired? Sorry to drag you out after work but I was a little bored on my own. » dit-elle avant de lui donner une tape aux allures de caresses sur le dos, de s’installer en face de lui et de commander une petite bière… blonde… comme sa nouvelle couleur de cheveux…

Tamsin n’était pas de ces gens incapables de rester célibataires, de ces personnes capables de se mettre en couple avec le premier venu simplement pour ne pas être seuls. Et même si elle avait fait son deuil et qu’elle ne comptait pas passer le reste de sa vie célibataire, l’institutrice n’était pas en manque d’affection, elle ne recherchait donc pas un ou une partenaire déséspérement. Néanmoins, il y a quelques mois, les anciens collègues de son défunt mari lui avaient présenté William et en l'occurrence ce dernier ne la laissa pas totalement insensible. Au-delà d’une attirance physique non-négligeable, le feeling était bien passé entre eux, le garçon était à la fois simple, pas trop bête et même plutôt drôle. La britannique n’arrivait cependant pas à savoir si cet attrait était mutuel ou non… Elle comptait donc profiter de cette soirée en tête à tête pour envoyer des signes et pourquoi pas essayer d’en recevoir quelques-uns.

Ainsi assise en face du policier, la trentenaire ne put s'empêcher de sourire et de laisser s’échapper un petit gloussement flatté lorsque son interlocuteur la complimenta sur cette nouvelle couleur de cheveux que tout le monde complimentait, mais à laquelle elle avait bien du mal à s’habituer. En glissant une mèche de cheveux derrière son oreille comme une jeune fille candide, elle se sentit un brin ridicule et profita que le serveur lui amène sa commande pour avaler quelques gorgées de bière. Après cela elle esquissa un petit sourire taquin et détailla le Duncan - non sans intérêt - le pauvre bougre n’avait même pas eu le temps de rentrer se changer, il était nature peinture, mais ça ne lui allait pas trop mal.

« I'm still a little sorry, you might have preferred to go home and take a shower before watching the football match while drinking a good beer. Well, maybe what I'm saying is a bit cliché. » dit la native de Blackpool d’un ton reconnaissant et un peu gêné sur la fin. En effet, elle espérait que William ne la trouve pas trop réductrice et caricaturale. Mais il s’agit là des habitudes qu’avait feu Howard après une bonne journée de travail et que devaient sans doute partager un certain nombre de gardiens de la paix… à l’exception de Lestat qui était un cas particulier. « Anyway, thank you for being here. Like I told you, I needed to go out for a bit to clear my mind. I'm flattered that you accepted the invitation. »

Puis la petite blonde pris une mine faussement dépitée quand William commença à lui parler de la rentrée scolaire. Pour certains conservateurs sans cervelles les enseignants avaient trop de vacances, mais dans la réalité, la directrice de l’école élémentaire de Southwest avait l’impression que ses congés étaient trop courts… et ce tout en ayant conscience de ses privilèges. Après avoir vu un peu de bière elle se redressa et plongea ses grands yeux bruns dans ceux noisette de son partenaire de soirée.

« Like the scouts, I'm always ready! However, going back to school is not always easy. Southwest is a neglected neighborhood, I know that as soon as my students return, I will have to fight so that all children have access to school supplies. This is my back-to-school can of worms. I want all children to have their school supplies; for me, guaranteeing equality at school is essential. »

En parlant de son travail et en développant sur les défis et soucis que celui-ci engendrait, elle réalisa qu’elle était en train de dérouler son discours habituel de syndicaliste et de militante associative en colère et que tout cela risquait peut-être de faire fuir ce garçon qui lui plaisait beaucoup… les policiers n’étant pas connus pour être de grands progressistes. « Sorry, I'm always a little passionate when I talk about my job. But I never asked you the question, do you have children? A woman ? » Demanda-t-elle curieuse et dans une démarche totalement intéressée. Les amis de son pauvre mari avaient beau lui dire que Will était célibataire, elle voulait en avoir le coeur net et souhaitait profiter de l’occasion pour envoyer un signe - pas vraiment discret - au jeune homme… qui n’était plus si jeune d’ailleurs…

Tamsin venait d’une famille d’intellectuels britanniques qui avaient toujours fait passer le sport après la culture, de fait elle avait passé sa jeunesse dans les bibliothèques et les librairies plutôt que sur les terrains de sports. Et si elle s’était mis au Yoga ainsi qu’au Pilate et qu’il lui arrivait d’aller marcher en montagne, la jeune femme ne se considérait pas comme sportive pour autant, elle faisait juste le nécessaire pour s’entretenir… contrairement à beaucoup et notamment à son défunt marin elle voyait le sport plutôt comme une contrainte plutôt que comme un moment d’évasion. L’institutrice était plutôt du genre à s’évader en lisant un bon bouquin plutôt qu’en faisant un footing à 5 heures du matin… mais contrairement à ses parents, elle ne méprisait pas les aficionados du sport, au contraire même puisqu’à l’image de William ces derniers avaient plutôt tendance à l’attirer. Pendant quelques secondes, l’européenne écouta donc son compagnon de soirée lui parler de baseball tout en avalant quelques gorgées de sa bière…

« Baseball is really an American thing, as an English expatriate, I must admit that I absolutely don't understand this sport! And yet my daughter tried to explain to me... but there was nothing she could do! Finally... Maybe I'm just missing your expert explanations on the subject? »

Elle dû se retenir de lever les yeux au ciel en repensant à sa dernière phrase. D’ordinaire fière et sûre d’elle, devant le gardien de la paix, la veuve avait l’impression de redevenir une adolescente… mais comme celui-ci ne semblait pas vraiment réceptif aux signaux qu’elle daignait lui envoyer, l’institutrice ne s’inquiéta pas vraiment. Miss Giles prit cependant du plomb dans l’aile quand le policier évoqua sa liberté et le fait qu’il ne voulait pas d’enfants… tentait-il de faire passer un message à la mère célibataire qu’elle était ? Tout en avalant une ou deux gorgées de bières, la trentenaire tout sourire prit quelques secondes pour réfléchir et repenser sa stratégie… Puis ni une, ni deux, la demoiselle passa une main dans ses cheveux blonds comme pour ôter tout doute de son esprit et repartir de plus belle.

« I understand. Becoming a parent comes with a lot of responsibilities. I became a mother while I was a student, Howard had only been a police officer for a few years... some would say that I missed out on my youth, but I have no regrets. But, today I sometimes have the impression of being a mother and not a woman... Well, it's a very feminine thought, I don't know if you understand what I mean...  »

Dit-elle tout en esquissant un petit sourire compatissant. A ses yeux il s’agissait d’une réflexion de bonne femme à laquelle les gaillards comme William étaient complètement hermétiques. Néanmoins Tamsin n’avait pas dit tout cela pour faire pleurer dans les chaumières, mais parce qu’elle était sincère et tout simplement incapable de ne pas dire la vérité sur ses états d’âmes… puis sans trop qu’elle sache pourquoi, elle se sentait à l’aise avec l’ancien militaire.  « Oh, with the start of the school year and my daughter growing up, I really needed to clear my mind... to feel like a woman rather than a mother… » Rajouta la directrice de l’école élémentaire de Southwest quand Will lui demanda ce qui l’avait poussé à vouloir sortir boire un verre… Puis en voyant que sa bière était terminée, elle fit signe au serveur de lui servir la même et sortit une cigarette vogue de son sac à main et l’alluma avant d’en tirer quelques taffes… elle avait arrêté la clope au moment de sa grossesse et avait repris de façon occasionnelle après la mort d’Howard… Là, comme boostée par la nicotine ou par la blonde qu’elle venait de terminer, la demoiselle d’un mètre cinquante sept fut comme prise par un élan de sincérité…  « Because hey, I'm not going to beat around the bush, you are a handsome man and I find you very attractive.. » Bim… voilà… réalisant qu’elle venait de balancer une petite bombe, la native de Blackpool ne put s'empêcher de rire et de se gratter l’arrière de la tête. C'était de nature peinture, tout à fait à son image… Au fond, elle n’avait pas vraiment peur de se prendre un rateau, certes son égo en prendrait un coup, mais elle avait vécu tellement pire… Elle ne craignait plus ce genre de petites contrariétés depuis un bail…

« But don't worry haha, even if I'm not looking for a husband or a father for my daughter… I understood the message clearly haha, no women, no children, I'm not some crazy person, I have the feeling that you are a good person and I can just drinking a beer and chilling with you. » Ajouta la désormais blonde, comme pour préciser qu’elle n’avait rien d’une mort de faim hystérique et qu’elle serait prête à passer à autre chose sans aucun problème en cas de refus de son partenaire de soirée…