Now you're counting on me ● Caleb Morgan

Now you're counting on me

† I swear these walls are upside down, swear the roof is on the ground. Demons don't sleep at night. I try to turn off my mind, say I'm doing just fine but I'm screaming inside like say these words on repeat while I'm trying to breathe.

ft. @Caleb Morgan
Août 2023.

Le salon était rangé, les documents d'Alexis organisés, ils n'avaient pas bougé de leur classeurs, l'ordinateur était posé sur son meuble, les stores à moitié fermé et aucun paquet de chips n'avait été ouvert. Pas parce qu'elle avait pris le temps de descendre jusqu'aux bennes à ordure en bas pour planquer l'arme du crime -il achetait double ration de pommes depuis quelques temps sinon elle s'enfilait des cochonneries à longueur de temps- comme elle le faisait d'habtiude pour pas se faire engueuler, mais parce qu'elle n'avait, pour une fois, pas ouvert les placards. Pourtant, ça faisait un petit moment qu'elle était là. Le matin, elle avait suivit son petit rituel habituel, café, oréos -ça il pouvait pas lui enlever, sinon elle mordait-, un petit tour devant le miroir, et elle était partie travailler. Sauf que, seule dans son laboratoire -le vrai, pas celui qui puait le poisson-, elle tournait en rond. Sa concentration allait de mal en pis, elle voyait heureusement ses erreurs de calculs avant d'aller plus loin dans le processus mais elle faisait ces erreurs et ce n'était pas normal, et il était de plus en plus difficile de rester coincée dans le déni. Elle n'arrivait à rien. Il était à peine onze heures quand elle décida de quitter son travail, informant son maître de thèse qu'elle se sentait mal. L'équipe était compréhensive, elle n'avait jamais eu de problème, alors leur annoncer qu'elle allait partir pour ne pas revenir de la journée avait été au moins un stresse en moins à gérer. A onze heure et demi, elle était dans une pharmacie et elle achetait quatre tests de grossesse. A midi, elle était à la maison.

Le bruit de la clé dans la serrure serra son coeur. Caleb rentra et elle mordit nerveusement l'ongle de son pouce, fixant le vide avec angoisse. Quand, enfin, il arriva dans le salon, elle tourna la tête vers lui. Et ça se voyait sur sa tronche qu'il y avait un truc qui n'allait pas, ou qu'elle avait un truc à dire, ou quelque chose dans le genre. « Salut. Assis toi s'teuplait. Faut que je te dise un truc. » Elle se remit à mordiller son ongle, attendit qu'il obéisse, le regarda, regarda ailleurs le temps de réfléchir. Depuis midi elle était là, à tourner en rond, à chercher la meilleure des formulations, à y mettre les formes, puis moins, plus plus du tout, et à chaque fois elle avait le même scénario en tête. Il allait gueuler, c'était sûr. Elle finit par se lever, décidant sur le tas que, finalement, les mots, c'était surfaits. Elle alla chercher les tests de grossesses et retourna s'asseoir, avant de les poser, tous les quatre, positifs, devant lui sur la petite table de salon. Et tandis qu'elle se mordillait toujours l'ongle, elle releva les yeux vers lui pour analyser chaque expression qui allait lui passer sur le visage, sans un mot.

(c) AMIANTE

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Start of time

Oh today I'm just a drop of water ☽ and I'm running down a mountainside. Come tomorrow I'll be in the ocean I'll be rising with the morning tide.

Il avait pas passé ce qu'on pourrait appeler une bonne journée ; une réunion houleuse au Shamrock avec l'équipe, le manque de thune qui attisait les tensions chez le gang, un mec qui lui avait pris la tête un peu trop longtemps, bref, Caleb était plutôt content de rentrer chez lui. D'ailleurs il n'avait pas fait de détour par le pub, et il ne comptait pas non plus ressortir plus tard pour aller picoler. Non, il avait juste envie de retrouver Alexis, de profiter de sa présence et de passer la soirée avec elle. Du coup, quand il entra dans l'appart, il se sentait plutôt soulagé de laisser son putain de taf dehors pour quelques heures, et il lui fallut quelques instants (le temps de balancer ses chaussures dans l'entrée et de retirer sa veste trempée par la pluie de Detroit) avant de rejoindre sa femme dans le salon. Il lui suffit de poser les yeux sur elle pour comprendre que les complications n'avaient pas fini de s'ajouter les unes aux autres, et il sentit son estomac se serrer quand la jeune femme lui dit qu'elle devait lui parler. Cette phrase n'annonçait jamais rien de bien. Immédiatement, Caleb lista mentalement toutes les choses qui auraient effectivement mérité une annonce aussi lugubre : elle avait appris qu'il avait dragué cette nana dans un bar, quelques jours plus tôt, elle avait découvert qu'il avait dépensé des milliers de dollars chez les prostituées les années précédentes (et encore quelques temps après qu'ils se soient rencontrés), elle avait eu vent de détails écœurants sur ce qu'il faisait de ses journées et elle avait compris qu'elle ne pourrait pas le supporter ?... Les sources d'inquiétude ne manquaient pas, en soi, et Caleb s'assit en silence sans protester sur le bord du canapé, alors que son instinct lui criait de remettre ses chaussures et de se barrer en courant. Mais il ne le fit pas, se surprenant un peu lui-même, trop inquiet à l'idée de perdre Alexis s'il se risquait à faire un truc pareil. Elle avait du caractère, cette fille.

Il attendit qu'elle revienne, stressé, en remuant un peu comme si il y avait eu des aiguilles plantées dans les coussins du canapé, et quand elle revint et posa les tests de grossesse sur la table basse, il les regarda avec une pure incompréhension sur le visage. « … T'as le covid ? » demanda-t-il alors après une poignée de secondes, mais au fond, ouais, au fond il avait compris, il savait que c'était pas des putain de tests pour le Covid, il savait bien qu'elle était pas malade, il savait bien que ça finirait par arriver un jour, qu'elle lui balancerait ça, qu'il devrait vivre ce moment, mais bordel, il aurait donné n'importe quoi pour lui la réalité.

Sa bouche lui parut soudainement très sèche, comme si sa langue était en papier de verre, et il recula au fond du canapé jusqu'à ce que son dos s'écrase contre le dossier, comme pour chercher à s'éloigner physiquement des quatre tests sur la table. « … Oh putain... » Une pensée stupide lui effleura l'esprit (quatre tests égal à quatre fœtus?) et il secoua légèrement la tête avant de se relever brusquement pour marcher jusqu'à la cuisine qui meublait l'autre côté de la pièce, et de faire demi-tour pour revenir tout aussi vivement vers sa femme. « C'est pas possible, putain ! C'est pas... Non mais tu m'as bien regardé ?! On peut pas avoir un enfant, bordel ! » Il ne réfléchissait plus, et balançait tout ce qui lui passait par la tête sans réfléchir. La panique dominait le reste, en tout cas, c'était rien de le dire.

« … Tu vas pas le garder ? »

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† I swear these walls are upside down, swear the roof is on the ground. Demons don't sleep at night. I try to turn off my mind, say I'm doing just fine but I'm screaming inside like say these words on repeat while I'm trying to breathe.

ft. @Caleb Morgan
Août 2023.

Les yeux d'Alexis auraient pu se décrocher de leur orbite tant elle fixait Caleb. Elle osait à peine respirer, le temps semblait s'être arrêté, une tension palpable plombait la pièce comme un gaz asphyxiant. Elle avait l'impression que son coeur allait s'arrêter de battre à tout moment et ce con, tout ce qu'il trouva à demander, c'était si il avait le covid ? Un souffle retenu bien trop longtemps s'échappa des lèvres d'Alexis dont les épaules s'affaissèrent en même temps que son visage, dépité. Elle fit preuve d'une patience et d'un calme dont elle ne se serait jamais sentie capable lorsqu'elle lui répondit « Ce ne sont pas des tests covid. » mais au fond d'elle un mélange de rage et de panique grouillait dans son ventre. Elle avait l'impression qu'il pouvait exploser à tout moment, mais en réalité elle n'avait aucune idée de la réaction qu'il allait avoir. Ils n'avaient jamais discuté de ça avec lui, parce que leur relation n'était pas si vieille que ça, parce qu'elle était encore étudiante, parce qu'il ne faisait rien de légal dans sa vie, elle n'était même pas sûre que leur mariage tiendrait longtemps une fois ses études terminées. Mais elle savait une chose. Elle l'aimait plus que tout. Elle était prête à tout affronter avec lui. Alors forcément, quand sa réaction éclata, elle fut inondée par un goût amer de déception.

A l'instar de Caleb quelques minutes plus tôt, elle se laissa retomber en arrière pour s'enfoncer dans le canapé avec l'envie profonde de s'enfoncer dedans et de disparaître. Elle avait imaginé beaucoup de réactions, dont celle là, mais la vivre était bien plus violent que le scénario dans son esprit. Son regard changea pour afficher une profonde tristesse et elle commença à mordiller l'ongle de son pouce, nerveusement. Un vague haussement d'épaules comme argument, à ce stade elle n'excluait pas l'idée d'avorter, mais ce n'était clairement pas la première chose qui lui était passé par la tête. « Je ne sais pas... » Elle relâcha son pouce pour mordiller sa lèvre, cette fois. Si elle avait pu se dévorer vivante et ne pas avoir à vivre ça. « Je me suis dis qu'on pouvait en parler ? » Une teinte d'espoir résonnait dans sa voix, elle savait qu'elle comptait sur une capacité de patience que Caleb n'avait pas mais elle avait déjà des arguments en béton. « Je gagne bien ma vie avec mon travail, je vais même gagner encore plus quand j'aurai terminé mon doctorat, c'est pas un soucis d'argent. On pourrait même trouver un appartement plus grand, plus... » Salubre ? Il lui manquait du vocabulaire. « ... mieux ? Et toi, tu pourrais trouver un truc aussi, autre chose que de taper sur des gens ? Je sais qu'on a pas eu le temps d'en parler avant mais moi j'ai toujours voulu avoir un enfant et bon ok, ça arrive trop tôt, mais on est pas dans une mauvaise situation non plus, et ça serait arrivé à un moment, non ? » Elle avait presque envie de pleurer, de peur qu'il s'en prenne à elle surtout, alors qu'ils étaient deux à être responsables de ça. Mais à mesure qu'elle en parlait, elle comprenait qu'elle n'était pas capable d'en arriver à ce qu'il attendait d'elle. Les larmes lui montaient aux yeux, c'était plus fort qu'elle. « Je... Les avortements, c'est une grosse différence dans le corps d'une femme, et... T'es pas obligé d'être son papa si tu veux pas, si je le garde, je te forcerai pas. »

(c) AMIANTE

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Il avait pâlit, ce qui était quelque chose de franchement rare chez lui, et d'assez étrange à voir du coup. En voyant sa femme se ratatiner sur elle-même dans le canapé, il sentit son estomac se resserer encore davantage. Merde, il avait bien pigé qu'il avait dit des trucs limites, mais il n'arrivait pas à réfléchir clairement. Blesser Alexis était le dernier truc qu'il souhaitait, mais Caleb était aussi subtil et délicat qu'un rhinocéros et ça arrivait quand même régulièrement – sans doute bien trop. Parfois, il se laissait aller à penser qu'elle était trop bien pour lui, et qu'elle finirait par s'en rendre compte, elle aussi. Ce jour-là il ne pourrait pas lui donner tort, mais putain, qu'est-ce qu'il aurait mal. « Je... » Il se racla la gorge, tentant de reprendre son air bourru habituel – minimiser l'importance de la situation pour mieux la régler, c'était ce que son instinct le poussait à faire, sauf que c'était une situation étonnement inédite pour lui. Très étonnement, même, vu qu'il refusait de porter des préservatifs, au prétexte que ça l'empêchait de profiter pleinement de leurs moments intimes. « T'es pas sensée prendre la pilule ? »

C'était vicieux, ben sûr que ça l'était, une réflexion pareille, mais il aurait été incapable de comprendre pourquoi. Le féminisme était plus une insulte qu'autre chose, à ses yeux. Son manque de connaissance sur le sujet était abyssal, sa misogynie tout autant, alors évidement la contraception, ce n'était pas à lui de s'en charger. Il serra un peu les dents, se demandant si elle aurait pu le faire exprès. Ça arrivait, non ? Oui, mais non. Pas Alexis. Ils s'étaient mariés, elle avait eu ses papiers. Il ne pourrait rien lui apporter de plus.

Troublé, Caleb s'assit sur l'accoudoir du canapé, à quelques dizaines de centimètres d'elle. Il écouta tout son plaidoyer sans rien dire, les yeux fixés sur les mains de la jeune femme comme s'il n'osait pas la regarder directement. Tout cela lui semblait complètement irréel – il ne s'était jamais senti concerné par tout ça, et l'atterrissage était douloureux. Quand elle eu fini, il resta silencieux encore un instant, comme s'il essayait d'assimiler tout ça. Elle voulait le garder. Elle voulait le fucking garder – et en même temps, c'était si évident. Bien sûr qu'elle voulait le garder. Il la connaissait bien, maintenant, et il n'aurait jamais imaginé autre chose. « Je vais pas te laisser, putain. T'es à moi. »

C'était une déclaration aussi puérile qu'indiscutable, si on se fiait au ton implacable qu'il avait employé. Aucun putain d'être humain, fusse-t-il un bébé, n'allait lui prendre Alexis. C'était hors de question. Il la regarda durement, pour qu'elle pige bien qu'il plaisantait pas. « Je vais pas changer de taf. » Ça aussi, c'était aussi implacable que le reste. S'il y avait un truc qu'elle n'obtiendrait pas de lui ainsi, c'était ça. Pour le reste...

Maladroitement, il leva alors une main pour la poser sur l'épaule de la jeune femme, laissant ensuite glisser ses doigts sur sa nuque. Il était toujours aussi pâle, mais il ne criait pas. Il n'avait pas crié du tout.

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ft. @Caleb Morgan
Août 2023.

Elle s'attendait presque à ce qu'il hurle, l'insulte, la foute dehors, demande le divorce ou la menace de la dénoncer, bien que ce soit complètement con puisque ça le rendrait complice, et au lieu de ça il faisait preuve d'un calme qu'elle n'avait pas l'habitude de voir chez lui. « Je prends pas la pilule mais j'ai une contraception. Mais la seule contraception fiable à 100% c'est le préservatif. Ou la vasectomie. » souligna-t-elle sans pour autant prendre le petit ton condescendant qu'elle avait habituellement lorsqu'ils abordaient ce sujet. Ses grands yeux bleus le suivirent jusqu'à l'accoudoir du canapé, le souffle discret, à peine osé, comme si une respiration trop remarquée pouvait le faire exploser. Pourtant, à cet instant, son cœur menaçait d'exploser. Son état d'ordinaire optimiste avait quitté le navire, elle se sentait au bord du gouffre, se voyait déjà prendre une rupture dans la tronche, regretté d'avoir perdu du temps en amour, calculait les choses qu'elle avait pu acheter pour l'appartement et qu'elle pourrait reprendre, et puis... « Je vais pas te laisser, putain. T'es à moi. » Un frisson désagréable et bien trop gros pour échapper à l'attention de Caleb traversa tout son coeur au moment où la boule d'angoisse dans son ventre s'envolait. Il n'allait pas la laisser. Il n'allait pas la quitter. Elle n'aimait pas qu'il parle d'elle comme d'une chose qui lui appartenait mais ce n'était pas le moment pour une leçon de féminisme. Du moment qu'il ne la jetait pas, tout allait bien. Elle était réellement une chose. Faible et manipulable. Elle se détestait. Elle avait peur de le perdre, une peur irradiante qui lui rongeait les intestins, mais elle ne pouvait pas juste ignorer ce qui se passait. Ce n'était plus elle qui était en jeu. Un petit être humain, qui allait peut-être naître, être sous sa responsabilité. « Caleb... Je dois être honnête avec toi. Je dis "si" mais cet enfant, je compte bien le garder. Parce que je le peux, parce que j'en ai envie, parce que je me sens prête, parce que je n'ai pas envie de vivre quelque chose comme un avortement. Mais son père ne peut pas juste être un membre de gang qui tape sur des inconnus pour récupérer du fric et qui peut aller en prison ou mourir du jour au lendemain. » Le flot de mots qui sortait de sa bouche lui paraissait lointain, comme si c'était quelqu'un d'autre qui les prononçait, et elle les regrettait à mesure qu'elle les crachait, mais elle sentait qu'elle n'avait pas d'autre choix, que rien ne pourrait être mieux que cette vision qu'elle avait pour cette grossesse. Aussi, en sentant les doigts sur sa nuque, elle se leva pour s'écarter un peu de lui, commençant à marcher un peu dans la pièce, avant de s'arrêter pour le regarder. « Si tu ne veux pas le reconnaître, très bien, je m'en occuperai seule. Mais si tu assumes cet enfant, tu devras le faire jusqu'au bout. Et... Je ne te demande pas d'arrêter complètement, de ne plus voir tes... Collègues... Ou je sais pas, mais tu dois trouver quelque chose d'autre. Quelque chose de normal. Au moins pour te couvrir. Au moins pour que ce soit moins suspect. C'est pas un travail que tu fais, c'est... Je ne sais pas le mot. C'est pas légal, c'est dangereux. » Elle sautillait un peu sur place, comme si la nervosité de son corps avait besoin de sortir d'une façon ou d'une autre pour ne pas éclater. « Il aura la meilleure vie que je pourrai lui donner, t'entends ? »

(c) AMIANTE

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‡ ▬ BEYOND THE VEIL ▬ ⚖