clarence duncan & leaf haynes

A l'arrêt, la bagnole, à l'arrêt sur ce parking désert puisqu'il n'ose plus s'avancer, puisqu'il reste suspendu à cette réponse qui ne vient pas. Et cette voix au bout du fil qui suffoque encore, qui revient sur ces autres questions capitales mais qui lui semblent en l'instant bien dérisoires. Il ne sait rien, l'inconnu, la belle affaire. Qu'importe, ils auraient trouvé à fuir. Il veut des informations, l'intru, elle n'en a pas à donner. Qu'importe, elle ne dirait rien de toute manière. Il le sait, confiance accordée, pleine et entière à cette autre moitié qu'elle est devenue. Et elle poursuit, élude encore ce que l'etre tout entier s'est mis à réclamer pour pleinement se rassurer. Elle le laisse agoniser, s'essouffler puisque les poumons peinent à s'emplir, puisque le coeur s'est trop affolé. Oh il s'efforce, le colosse tétanisé, il cherche à poser la voix malgré la terreur, malgré la colere. « The casino.. okay... *the italians* le peu de raison encore en etant de s'y concentrer et qui là s'emploie à ne rien perdre de ces informations... I know ya didn't say shit babe.. I know... Il sait, n'en a pas douté... but ya... ya didn't answer.. did... did he... are ya... » Crispé encore sur ce volant où le front a rejoint les phalanges, tremblant en vérité. Le sang bouillonnant deja de sombres envies, de terribles pulsions, le coeur balançant entre le besoin de la rejoindre et celui d'aller régler ce probleme avant qu'il ne prenne de l'ampleur.

Vérité qu'elle se doit de faire entendre. Vérité qu'elle tient à faire valoir puisqu'elle était pétrifiée, parce qu'elle n'a su rien dire de toute manière - les sens s'étaient éteints, les instincts paralysés. Elle veut qu'il entende, elle veut pouvoir s'y rassurer. Elle essaie de parer aux craintes qui ont encore à s'élever, elle essaie de dépasser cette nausée qui s'implante avec plus de férocité. Il sait, c'est ce qu'il vient répéter. Il sait et elle acquiesce, l'idiote, derrière son téléphone trop fermement empoigné. Et elle s'anime encore pour essayer d'offrir un semblant d'air aux poumons, elle s'anime quand cette question est suspendue, sous-entendue dans ces syllabes à peine prononcées. « No... No, there was everyone around but he said he'll if I don't tell him... what I know but I focking know anything ! » À presque en hurler, cette fois. Prise de terreur quant à ce que l'esprit est en mesure de supposer, là les vieilles menaces qui résonnent comme pour pleinement tout annihiler.  

La nuque en arrière, la tête qui bascule, l'être tout entier qui s'est redressé dans un soupire soulagé. Saine et sauve, sa moitié, en partie, le corps préservé quoi que l'esprit ait besoin de temps pour s'apaiser. Saine et sauve et lui qui se met en demeure d'y veiller. Il n'y reviendra pas, l'italien, pas s'il a son mot à dire, pas s'il prend les devants. Un soupire encore, pour rassembler les forces, pour expier ce qu'il reste de doute et laisser la rage et l'instinct reprendre le dessus. Un soupire et le moteur resonne à nouveau. « Ya stay where ya are, I'm on ma way squirrel. » Pas un mensonge, pas tout à fait puisqu'il est en chemin, puisque la destination n'est pas précisée. La voix faussement posée, le timbre plus calme malgré les nerfs prêts à céder. « Talk to me  please. Stay focus babe, hum ? » Les rues défilent deja qu'il regarde à peine, le regard glissant ça et là sur le sac à ses cotés où traine l'arme qu'il a passé la soirée à faire parler.   « Ya said one of the options he gave ya was to meet him, rigth ? At the casino ? Who were ya supposed to ask for ? Or tell the hostess  down the hall or... anything that could help me find out who that fucker is babe ?» Déterminé, Clarence, à la devancer, à être l'interlocuteur de cet inconnu qu'il tient à garder à l'écart qu'importe la méthode.

C'est la peur qui bloque encore l'air jusqu'aux poumons calcinés. C'est cette sourde frayeur qui obstrue encore la gorge qui ne parvient plus à se délier. Les mots manquent mais elle acquiesce sous ces mots donnés, ceux qu'il prononce pour s'assurer qu'elle ne bougera pas. Comment le pourrait-elle ? Pétrifiée qu'elle est dans un recoin de vestiaire, les ombres qui rongent la carcasse qui s'est recroquevillée. Et elle essaie de s'y concentrer, sur ce merveilleux timbre qui s'élève encore pour l'apaiser. Elle fait de son mieux désormais - avant que tout n'ait à se précipiter, avant que ces craintes n'aient à davantage s'amplifier. Parce qu'elle a compris, parce qu'elle sait ce qu'il compte faire avant que cette silhouette ne soit relevée. Elle sait - et la folie l'emporte sur cette retenue qu'elle essayait de préserver. « No ! No ! Don't do that, don't go there. Please don't... » Elle supplie, à presque en gueuler. Elle supplie puisque l'endocarde manque de s'y fracasser. « Clarence, you can't do that ! » Rares sont ces fois où le prénom est utilisé mais c'est l'instinct qui s'exprime, celui-ci même qui force les syllabes à se suivre, à s'élever. « I... I can't lose you again... I can't... I CAN'T ! »  

Les rues qui défilent, la vitesse au compteur à peine surveillée, à peine lorgnée puisque la vue s'est brouillée. La rage qui tambourine jusqu'aux tempes, jusqu'aux prunelles qu'il croit sentir bruler. Et cette idiote trop futée qui a deja deviné qu'il n'était pas en route pour venir la chercher. Cette petite flamme qu'il peut sans mal imaginer, prise entre deux frayeurs, deux terreurs qu'il est encore à lui imposer. Maigre culpabilité qui ne parvient qu'à peine à frayer son chemin entre les pensées déchainées. Elle supplie, elle implore, elle braille et lui a deja rejoint le centre ville où l'instinct l' a guidé. Elle réclame à ce que soit osé cette infime instant de raison, en vain, elle perd son temps quoi que les mots aient su parvenir à marquer un peu la conscience, à heurter ce qui sous les cotes s'acharne à s'embraser dans cette nouvelle colere trop mal maitrisée.  « I know ya can't. That's the point babe. Neither can I. He's a treat, I'll deal with it.» Plus la moindre tendresse, plus la moindre retenue dans cette voix, dans ce timbre emporté deja en ces quelques élans trop secs, trop déterminés. «Call for Hazel or Owen, go home. Wait for me. Ya ain't gonna lose me. Promise. Love ya.» Vaines paroles puisqu'il n'en sait rien. Vaine promesse à laquelle il ne lui laisse pas le temps de répondre puisqu'il raccroche deja. Puisqu'il a deja en vue la tanière de cette vermine qu'il lui faut confronter.