clarence duncan & leaf haynes

« Really ? You'll spend the hollyday with us ? Shit !» Le dernier mot murmuré comme il s'est élancé dans le couloir pour s'assurer que sa phrase n'a pas ete entendue à l'étage bien qu'elle fut presque criée. Puis de la paume le voila qui sèche les petites larmes qu'il avait laissé s'échapper. Le voila qui revient  près de la table où il s'apprête à reposer l'appareil s'il devait etre surpris la main dans le sac. « I... I trust you. I'm sorry if I scared you, I just... yeah it'll be great. Like a big huuuuuge family ! Like in Christmas movies and... oh my God ! Are you gonna tell us that you're pregnant just before the end of dinner like in some of those movies ? »

Plus prenant le rire, plus instinctif puisqu'il clame ce qu'elle espérait elle-même en vérité. L'entièreté de ces vacances qu'elle tient à parfaire à leurs côtés. Et ce nouvel élan qu'il s'approprie, ce nouvel élan qu'il laisse s'exprimer avant ces quelques notes, ces syllabes qui paralysent le cœur instinctivement. Frayeur et volonté mêlées. Le tout qui s'emmêle sans qu'elle ne puisse y parer. « What ? I... I don... You know what ? Yeah, we're gonna be a family, we already are. For the rest, guess we're gonna do like the other sort of films, ok ? There are good ones too ! » Parce qu'elle tremblerait presque, la demoiselle. Un peu prise de court, désorientée par ce qui vient d'être soulevé.

Une famille a-t-il dit, une famille reprend elle. Ils le sont deja. Peut-être, peut-être pas. Il n'en est pas certain, Ethan, n'ose pas l'imaginer tout à fait. Moins encore puisqu'elle semble s'etre offusquée de cette idée qu'il vient de soumettre dans cet espèce d'élan trop enjoué. « Why ? Irene and Jake have... » Oh elle s'agite, la petite tête, il recule devant cet exemple qu'il s'apprêtait à donner. Non il n'est pas question de se comparer à ces cousins qu'il affectionne trop. Non, il opte pour cette autre famille pour laquelle il n'a pas vraiment d'attache, un peu comme une banalité.« My friend Jenny at school.. her mum just married again and she's already pregnant. She'll have a sister she said. I just think it's cool even if Jenny fears that her mum'll give more attention to the baby and let her down. Dad won't do that so I'm not affraid !» Un peu, juste un peu. Parce que Jenny avait l'air convaincue de ce qu'elle disait, elle, parce que lui n'en sait rien aprés tout.

Craintes, craintes qui viennent sans qu'elle ne puisse y parer. Parce qu'elle n'a rien pour elle, la demoiselle. Trop déjantée, trop folle peut-être pour honorer ce titre qu'on aurait à lui donner. Mère, elle l'avait dit il y a un temps. Elle n'a rien de cette étoffe et maintenant que le sujet est supposé, elle craint d'être celle qui sera abandonnée puisque pas faite pour cet avenir que ce petit être déjà se met à imaginer, l'exemple qu'il sert dans la foulée. "It's just that... That decision isn't mine only, you know ? But hey, one surprise by Christmas OK? This year, I'll be there and the next one... Maybe... Maybe that." Elle essaie, elle essaie de rassurer sans vexer. Elle s'y essaie, le cœur qui continue de s'affoler.

Il écoute, tend l'oreille à ce silence et ces hésitations. Les traits plissés, le gosse, inquiet de l'entendre dire ce qu'elle pourrait avoir à dire à ce propos. Pas de son ressort, pas uniquement. Il peine à comprendre, Ethan, ne voit pas vraiment en quoi elle pourrait ne pas avoir son mot à dire avant de comprendre, du moins le croit-il. « Surprise ? But, Leaf.. you know I don't believe in Santa anymore right ? I know you adults are responsible for the surprises on Christmas ! »  Presque vexé en vérité d'être ainsi rabaissé à ce genre d'enfantillages. Oh il en soupire, petit homme qui bombe le torse comme un grand. « But that's okay... I'll wait 'till next Christmas to have a baby brother to play with and...» « What baby brother ? What are ya talking 'bout ? Wait.. are ya using ma phone ? Who's that ? »

Elle en devient pitoyable dans ce qu'elle essaie d'avancer, bravant au mieux ces quelques frayeurs qui viennent de se soulever. Brève, la respiration mais retenue, tenue au silence pour ne rien brusquer. Et il est maigre, ce rire qui lui échappe sous ce que ce petit être vient rappeler. Bien-sûr que non, il n'y croit plus - mais ce qu'elle sous-entendait était tout autre et non, non elle n'est pas sûre de pouvoir tenir ce rôle sans avoir à le gâcher. Mais le sursaut, là, suite à ce timbre qui s'élève. L'instinct qui réclame de fuir quand le cœur réclame cette attention. Prise entre deux feux, Leaf, à ne pas savoir quoi dire - ni comment réagir. Le téléphone encore levé, encore tenu ; l'appréhension qui noue la gorge dans la foulée.

Pris de court, Ethan, pris sur le fait qui  nie pourtant en silence, la tête s'agitant de droite et de gauche. Par reflexe avant que le téléphone ne passe de ses petites mains aux phalanges plus larges du paternel qui a fait son entrée.
Surpris, Clarence, inquiet le colosse qui fixe l'écran avant de se précipiter pour prendre le relais pour tenter de comprendre ce qu'il n'est pas certain de pouvoir expliquer. « Babe ? Why.. what... » Le voila qui hésite, qui toise un instant cette progéniture fouineuse qui complotait dans son dos. Le voila qui en vient à songer qu'il a peut-être mal entendu, que les mots qu'il a cru entendre n'étaient pas ceux prononcés, un autre sujet peut-être que celui qu'il a cru deviner. « Do ya.. is that... » Nouveau silence, nouvelle apnée avant que les poumons ne cèdent pour ne pas laisser l'être tout entier imploser sous cette question qu'il se doit de poser. «Whatbabywashetalkingaboutareyapregnant 'causeIthoughtyawerentreadyandIdontwantyatorushanything butyaknowIllbethereandIllrespectyardecisonright?»

Le cœur tremble sans qu'elle ne parvienne à l'apaiser. Le souffle manque jusqu'à ce que s'impose cette voix. A peine étouffée, à peine marquée par cette crainte qu'elle parvient tout de même à y déceler. Jusqu'à cette vague de syllabes qui s'emmêlent en étant prononcées. Un souffle, une inspiration manquée. Nouée, la gorge. Nouée, serrée. " Well... I'm not. " La jambe tremble, les doigts se crispent sur le téléphone. " He just through I'll say that for Christmas, that's all..."

Trop vite, trop mal. Trop brouillon ces pensées exprimées là en quelques phrases qui se sont emmêlées. C'est qu'il a paniqué, Clarence, à trop vouloir y croire, à trop craindre qu'elle puisse encore exprimer ces réticences qu'elle a deja formulées.   « Oh... » A laisser lui échapper ce soupire de déception qu'il regrette dans la foulée.   « Well... it wouldn't.. it could've been great but hey... I... » *Fuck ya Clay.. ya pathetic asshole...* Les yeux clos, l'arrete du nez pincée entre deux doigts crispés, le coeur au bord des lèvres et qui ne sait plus s'il doit s'excuser ou chercher à encourager. « Ya know how I feel 'bout that, we've got all the time in the world for that squirrel.. ya know what I want, no.. what I would like 'cause it's not "bout me but 'bout us. And .. and now ya know how he feels 'bout that too, hehe !» Ricanement gêné, pitoyable, là comme il a tendu la main pour ébouriffer la tignasse blonde et un peu le rassurer par la même occasion. Il n'a rien fait de mal, le gosse, il s'est simplement trop enjaillé sur un sujet qui le dépassait. Qui les dépassait tous les deux en vérité. « Wait.. did he said that he didn't.. Ethan, did ya said that ya didn't want any siblings ? » « What ? No I didn't say that. Leaf ! Tell him that I didn't say that !»

La déception, c'est tout ce qu'elle parvient à entendre. Elle gronde malgré que ce ne soit qu'un souffle. Elle heurte contre le palpitant jusqu'à manquer de le briser et elle, elle sans voix. Les paupières se sont closes, la jambe a cessé de trembler. Immuable la jeune femme qui ne sait plus comment réagir, comment l'encaisser. Pourtant, les mots qu'il se risque encore à prononcer pourraient rassurer. Ils pourraient l'aider, là, à parer aux quelques tourments qui se sont levés. Mais elle sait, Leaf. Elle sait ce qu'il impose, ce qu'elle est. Déception qu'elle est, qu'elle continue d'être. Le croit-elle, soumise au joug de cette folie qui s'est mise à gueuler. " No... He said it wanted that. I know you want it too, I just... I'm sorry..." Un silence, sans rien de plus. S'élève cette colère contre elle-même, ce dégoût qu'elle ne parvient pas à chasser. " I don't want to bother you and disappoint you any more. Love you... " Et elle raccroche, Leaf. Elle raccroche parce que tout s'est mis à peser, parce qu'elle peine à contenir tout ce qui, dans la gorge, s'est mis à brûler.

Elle a le cœur qui pompe, elle a cette frayeur qui s'est immiscée. Elle longe contre les veines pour tout empoisonner. Les mots résonnent qu'elle ne parvient pas à chasser. Ils sont là, ils s'amusent à défaire les stabilités qu'elle pensait pouvoir s'approprier. Ces menaces dissimulées, ces promesses silencieuses que les épaules ne parviennent pas à porter. Elle s'est réfugiée dans l'ombre des vestiaires, la petite chose crainte et tremblante qui ne sait plus comment vraiment respirer. Les tonalités sont lourdes, oppressantes. Elles s'affairent à déchirer toute cette prestance qu'elle essayait de préserver. Jusqu'à cette voix, jusqu'à ce timbre révélé. Jusqu'à ce souffle qu'elle expie non sans un presque sanglot aussitôt ravalé. « Sunny... You have to come, please. I can't stay here... Please... There... There was... » Mais les mots manquent qu'elle ne parvient pas à trouver. La gorge s'est serrée, crise de panique qui flamboie dans les profondeurs de son petit être recroquevillé.

Petit rituel qu'il s'est attribué, qu'il s'applique à faire perdurer malgré ce que ces derniers mois ont apporté de bouleversements. Parfaite occasion qu'il s'offre d'évacuer ce qui subsiste encore de frustration quant à ces plans avortés, ces années gaspillées. Là comme un rendez vous fixé, une pause indélogeable de son calendrier, ces quelques munitions sacrifiées entre les murs d'une galerie dédiée, ces cibles en papier où il parvient sans mal à imaginer ces traits qu'il a trop croisés pendant deux années. Petit rituel qui prend fin, qui laisse l'esprit plus apaisé quand les pas le ramènent à la bagnole, quand il lui faut rentrer.
Mais ce soir le retour à réalité est brutal, douloureux quand le téléphone est décroché et que la voix s'élève qui lui semble affolée. « What ? Hey ! .. Leaf... Babe listen... wait...» Panique le prend, panique s'en vient glacer le sang jusque dans les veines puisqu'elle n'en dit pas assez, puisqu'elle semble terrorisée. « Calm down babe, tell me.. tell me what happens. Where are ya ? »

Le souffle qu'elle essaie de réguler, pression sanguine qui ne fait qu'un peu plus s'accentuer. Les traits usés hantent l'esprit, attise cette frayeur soulevée. L'écho de la voix parvient à parfaire tout ce qu'elle ne sait pas maîtriser. Oh, elle fait de son mieux en l'instant. Elle s'enivre à la voix, elle essaie de tout y puiser - ces forces qui manquent pour que ces phrases puissent être énoncées. « At work... but... A man was here and... Fock, I swear I didn't tell anything. I don't know what he wanted... He... He spoke about you... no... about... Keith. He wanted me to say I don't know what but I... I didn't know what to do and he said he'll return but... » Tout est emmêlé, frayeur s'accentue contre le pauvre muscle acculé. « I... I swear... » Effroyable, cette sensation qui s'installe. Le sol qui se dérobe sous ses pieds, ces nausées qui montent jusqu'à rappeler bien des cauchemars qu'elle pensait pouvoir oublier. Tout est là à guetter - les ténèbres semblent prêtes à pouvoir de nouveau l'embrasser.

La portière malmenée, les affaires abandonnées sur le siège passager. Il s'y presse, Clarence, les tempes oppressées par ce que le coeur dans sa frayeur y pompe à s'en briser. Et cette voix encore, cette autre moitié qui  ne s'est pas calmée, qui affole l'être tout entier comme elle s'essaye à expliquer. Cette voix tremblante, apeurée. Keith. Fantôme qui revient hanter, tout menacer quand il le croyait enfin oublié. « Does he know ? » A presque gueuler, à presque ignorer un instant le reste puisque cette hypothèse là les exposerait, les métraient en danger, elle et sa progéniture, surtout, l'ensemble de leurs proches avec. Et ces foutues clefs qui refusent de trouver le contact, la bagnole qu'il peine à démarrer. « Damn' it Leaf ! What did he say exactly ? What does he know ? Who's he ? How did he find ya ? » A peine apaisé, le colosse quand le moteur se met enfin à ronronner, quand il s'apprête à s'y précipiter. A peine puisque cette autre frayeur s'est levée, cette effroyable idée. « Did.. did he touch ya ? Leaf ?  Did that fucking asshole hurt ya ? » La voix qui vacille à son tour, la gorge nouée, les poumons embrasés de cet air désormais vicié, lourd de cette ire qui remplit l'habitacle d'un trop pesant climat. Les phalanges crispées, nouées au volant où elles menacent de finalement se briser à trop y serrer. En apnée, Clarence, suspendu à cette réponse qui finirait de le faire basculer.

Vicié est l'air. Vicié celui qui s'engouffre dans les poumons serrés. Inspirées, expirées ces bouffées qu'elle tente de mieux réguler. En vain. Les phalanges se sont crispées sur le téléphone, elle en tremble encore la petite feuille qui essaie de se calmer sur cette mélodie soufflée - quoi qu'énervée, surprise, le tout, ce rien qu'elle ne sait plus comment appréhender. Les questions qui pleuvent, ce sursaut qu'elle ne parvient pas à réprimer quand il élève encore ce timbre qu'elle réclamait pour l'apaiser. « He... He doesn't know you're alive. Of that I'm sure... but... I don't know. He thought I could help him with intel but I don't... I don't know anything... » Encore apeurée, encore prise dans cette effroyable frayeur trop bien soulevée. La gorge s'est serrée qu'elle ne parvient pas à délier. L'endocarde pompe jusqu'à tout saccager. Il ne reste rien, rien de ce courage qu'elle a pu user pour faire à celui qui l'avait approché. « He said I've to see him to the casino tomorrow otherwise he'll come back to... » Les mots manquent puisque la conscience s'est renversée. « Please, don't let me here... I swear I didn't say anything... »