We'll write our names in blood and glory † Sebastian O'Malley

Un mois entier à devoir trouver des excuses toutes plus bidons les unes que les autres pour ne pas voir Kadeuce. Ne pas voir Bennie. Ne pas voir Erin. Pendant une trentaine de jour, Winnie avait dû se cacher de ceux qu'elle aimait pour ne pas déclencher une guerre qu'elle jugeait inutile. Si elle avait à ce moment là que la colère et la rancœur ne feraient que grossir en elle comme une bulle prête à exploser, elle aurait balancé tout ce qui lui était arrivé et elle aurait laissé les choses se faire. Elle s'en voulait de ne pas avoir mieux réagi, d'avoir privilégié la prudence, d'avoir tenté cette folie avec la lampe. La honte encore dévorante de son échec. A quoi pensait-elle ? Fierté débile qui s'était entêtée à le défier plutôt qu'à dire amen à tout ce qu'il voulait pour ensuite décider ce qu'elle ferait et s'en sortir sans une égratignure. La peur avait tout contrôlé ce jour là, et elle s'en voulait. Un an qu'il l'avait tabassé et si son corps n'avait gardé aucune séquelle, son esprit se remémorait chaque instant de cet enfer, y compris la menace de revenir. Tous les jours elle se pointait au travail avec la boule au ventre, l'angoisse de le trouver à l'accueil, la peur de devoir le suivre à nouveau dans une chambre. Et dire qu'il aurait pu arriver encore pire. Et dire que si elle avait été préparée, il serait déjà six pieds sous terre...

La première fois qu'elle le revit, il traînait autour du motel. Elle n'était pas seule ce jour là, son patron était présent et elle ne savait si c'était ça qui l'avait empêché de venir ou si c'était prévu, et puis elle s'était rendue compte qu'il venait de plus en plus régulièrement, sans jamais passer à l'action. Parfois à pieds, parfois en voiture. Toujours avec son sourire insolent. Toujours de sorte à ce qu'elle le remarque. Il jouait avec ses nerfs et si les premières fois elle avait mis les deux pieds dans le plat et s'était rapidement enfermée, elle s'était vite rendue compte que son arrogance allait mener à sa perte. Il voulait jouer ? Elle allait jouer. Wynona avait beau dire ce qu'elle voulait du BBG et de ses membres, de tous les malheurs qu'il apportait, il n'en restait pas moins une partie intégrante de sa vie, de son identité. Elle avait grandi dans son quartier, avec ses règles, sa fraternité, ses gamins. Des gamins qui avaient évolués ensemble, qui avaient partagés rires et larmes ensemble, des gamins qui ne se laissaient pas tomber, peu importe le temps qui pouvait passer entre deux rendez-vous amicaux. Ces mêmes gamins qui depuis un mois acceptaient de passer leur soirée autour du motel les soirs où Winnie travaillait, en attendant que l'enfoiré s'enlise dans sa propre arrogance.

Il était là, sur le parking, le sourire mauvais, le regard brûlant. Du moins elle le percevait comme ça. A ses yeux, il avait un visage diabolique, ses traits dégueulaient toute la toxicité de ce monde. Assise derrière le comptoir, dans la petite cabane vitrée qui servait d'accueil, elle soutenait son regard sans bouger. Ses mains étaient moites de colère. Elle se leva, lentement, attrapa la batte de baseball posée contre le mur et sortit. C'était la première fois, depuis qu'il avait commencé à la narguer, qu'elle venait lui faire face. Sortant de son abri, elle s'avança vers lui sans un mot, brisant le silence de la soirée par le seul bruit de la batte qui raclait le sol. Elle s'arrêta à cinq mètres de lui, sa poitrine se soulevant à une vitesse un peu trop rapide, mélange de peur, de haine, d'appréhension. D'ordinaire elle n'était pas violente mais pour le coup elle avait l'impression de rendre service à l'humanité. « Je te laisse une chance de repartir et de ne plus jamais revenir. » annonça-t-elle calmement, se surprenant elle-même de ne pas avoir cafouillé. « C'est maintenant ou jamais. » Après ça, elle rendrait justice à Kadeuce.