escape everything, except life maybe | alexis

Elle a craint les accointances, avant de se souvenir de l'innocence. Il a fuit les différences, petite chose, bien avant que se rappelle cette étrange évidence. Elles se sont liées, par des destins étranges et éloignés ; à la fois tellement rapprochés, comme une histoire qui se répète bien que des détails en soient changés. La prison qu'appose la loyauté, les chaînes aux poignets pour les choix à assumer – ceux sur lesquels elles ne reviendraient pas. Leaf par cet amour trop prononcé pour celui qu'elle idolâtre plus qu'elle ne le devrait, Alexis pour sa vie confiée aux mains d'un criminel qui ne s'éloignera jamais du nid dans lequel il s'est installé. Elles sont liées, par des erreurs de parcours, par le besoin d'encore y rester. Elle aurait dû s'en tenir à l'écart, effacer le numéro, tirer un trait sur tout ce qu'elles ont déjà partagé ; mais elle n'a pas eu le cœur à s'y risquer, petite chose a le cœur trop grand, trop plein de candeur pour sa propre sécurité. Elle en a trop vu, trop vécu pour encore se terrer – il lui faut cette dose de vie, cette espèce d'innocence qui manque quand elle contemple l'adorée. Elle veut taire les litanies qui rappellent les atrocités qui ont permis ce rêve qu'elle s'est appropriée. Elle veut croire en une vie simple, sans immondice pour l'entacher. Elle veut s'en persuader, Leaf, en bravant la peur de la distance avec la petite fille qu'elle a appris à aimer et chérir. En essayant de se convaincre qu'il sera là quand elle rentrera, quand ses pas guideront à nouveau vers l'espèce de paradis qu'ils ont consolidé. Elle veut y croire, la jeune femme, d'ores et déjà lancée sur la route vers une Detroit grisonnante et pourrie jusqu'en ses tréfonds. Elle réprime les peurs qui se manifestent selon les ruelles qu'elle observe. Elle pare les souvenirs qui auraient à se manifester – vulnérable qu'elle en devient devant Griswold Street et l'impasse où l'escalier semble lentement rouiller et se briser. L'endocarde qui s'est un peu plus prononcée, qui frappe à s'en faire saigner. Elle se souvient de l'homme qu'elle a aimé malgré tout ce qu'il représentait ; elle se souvient des vérités qu'il lui concédait, de tout ce qu'elle avait d'ores et déjà deviné dans le regard dont elle s'était entichée. Et au fond d'elle, elle espèce que ces sentiments soient les mêmes que ceux qui ont porté Alexis vers celui qu'elle a marié. Petite feuille si optimiste, si prompt à croire que les choses puissent être toutes blanches à défaut d'être toutes noires ; oubliant parfois qu'il n'y a que ce gris pour régner.

Ce gris qui prend trop de place dans le paysage qu'elle observait.

La voiture crache sa fumée polluée, le moteur grogne puisqu'elle n'a pas l'habitude de conduire cette épave en fin de vie. Elle jure dessus, petite chose, s'agace avant d'arriver à destination ; l'élan trouvé, rapidement brisé. Elle ne s'approchera pas davantage de ces rues, de ces grandes allées. Elle refuse encore de mettre un pied dans ces quartiers où tous les souvenirs sont mauvais. Un battement la coupe dans sa course, en appelle à la conscience qui se contente d'un message à envoyer. Alexis qu'elle prévient de sa présence un peu plus loin, garée non très loin d'un parc bondé. Les regards qu'elle essaie d'ignorer, les présences sur lesquelles elle refuse de se concentrer. Elle s'en remet au téléphone, aux messages glanés de l'adoré, de cette inquiétude qu'il manifeste de l'avoir laissé partir seule, avec la bagnole, sans rien pour la protéger – hormis peut-être ce qu'il dit se trouver sous le siège passager. C'est un sourire qui pare les lippes avant que la silhouette de l'amie n'ait à se dévoiler. « Heeeey ye ! » Elle n'a fait que s'y précipiter, enlacer Alexis comme si elles ne s'étaient pas vues depuis des années. Il lui semble que des éternités passent depuis son paradis caché, depuis cette autre ville où elle repose maintenant que les maux se sont cicatrisés. « How ye're doing girl ?! Ready to go with me ? » Elle désigne la pauvre automobile qu'elle a conduit jusqu'ici, l'allure loin d'être rassurante – et pourtant, elle a foi en cette bagnole fatiguée. « It was hell of a war to have the right to take the car so I hope ye still want to chill somewhere else than in this shit hole. » Un coup de menton vers ces quartiers, désignant en vérité la ville dans son entièreté.