Une bonne action vire au cauchemar. {feat Daniel Stokes}

L'errance pour parer aux tourments. L'errance pour fuir la rage qui s'était mise à gronder – un orage nouveau dans le ciel sans nuage de l'esprit fatigué. L'errance, les ruelles foulées, les ruines dépassées. Il s'en remet à la misère pour se souvenir des erreurs et des avancées ; putain, il pensait bien faire en se mouillant de la sorte, les mains maculés des vices et désormais des regrets. Il a tiqué, les phalanges crispées dans les poches, l'azur des prunelles qui lorgne sur les pavés molestés. L'errance pour calmer l'impulsivité, cette colère qui corrompt l'instinct – ces petites voix qui beuglent pour qu'une visite soit orchestrée. Il pourrait y aller, Daniel, toquer à cette putain de porte et réclamé à voir ce fils qu'on l'empêche d'approcher. Il pourrait y aller, gueuler encore les raisons pour lesquels il s'est ainsi gangrené à la corruption qu'elle s'était mise à accuser. Kathleen et sa vision du monde trop naïve, trop proche d'une utopie plus que de la réalité. Elle ne voit pas les dangers qui se sont mis à rôder, ce qui ronge les veines d'une Eight Mile dont il s'est épris dès son premier cri. C'est chez lui, il ne pouvait pas sagement attendre en laissant ces quartiers s'ensanglanter. Un soupir, les pas qui persistent à mener vers nulle part. Il a seulement besoin d'air frais, d'une réflexion poussée sur la manière dont il s'est forgé. Sous les coups, sous les railleries, sous la persévérance. Le gosse trop blanc pour prospérer en ces cités, le voilà qui s'affaire à les protéger de ceux qu'il appelle « collègues » depuis maintenant des années. Les poignets sont liés à l’asphalte des routes fissurées. Les mollets portent les chaînes de l'injustice qu'il essaie de contrer. Il s'est relevé malgré les cicatrices et les réminiscences, il s'est relevé parce qu'il avait la force de tout encaisser. Et d'autres ne l'ont pas, souffrant encore des traditions qui se sont instaurés. La ville divisée, scindée en des territoires que chacun revendique comme le sien. La ville qui s'épuise à trop cracher son fiel. La ville et cette noirceur qui s'instaure, jusqu'à en cacher le bleu du ciel. Il a soufflé, Daniel, un regard sur le téléphone dans l'espoir d'un message de l'idiote quant à ce fils qu'il pourrait retrouver. Rien. Rien que le cliché qui s'illumine et date d'il y a un an déjà. Il s'est figé, à se perdre momentanément sur les souvenirs précieux qu'il essaie de faire subsister, des rires aux trémolos des voix. Des promesses aux hurlements qu'ils échangeaient. Les insultes et les menaces, puis cet autre cri qui n'appartient pas à son passé. Lumière est brève dans ces allées, les immeubles masquent le peu de clarté qui aurait à s'y instaurer. Les sourcils froncés, le téléphone rangé, les pas qui reprennent leur course – un peu plus pressés désormais. L'errance qu'on brise, l'humanité qui entre en jeu ; il a délaissé ses souvenirs pour s'en remettre à cette triste réalité.

Le poison de la colère et de la démence observé.

Il se souvient du sang qui voilait la vue, des côtes qui propageaient la douleur jusqu'au myocarde qui s'emballait. Il se souvient en avoir rigolé, Daniel, avant que le dernier coup ne soit donné – avant qu'un bref coma ne lui soit accordé. Une pause dans le temps pour lui permettre de se redresser. Il se souvient de cette perfidie qui sévit encore, même malgré toutes ces années. Et il a tiqué, l'homme, élancé sans y réfléchir pleinement comme il aperçoit la silhouette qui tente de se recroqueviller. « Hey, the fuck you're doing man ?! » Les épaules poussées, pression qu'il y exerce pour le forcer à reculer. Pauvre petite chose qui subit la chute dans la foulée, parce qu'il a refusé d'immédiatement la lâcher. Qu'importe, finalement – un mal pour un bien. Parce qu'il l'en écarte, Daniel. Il éloigne le danger, il frappe à son tour ; l'aubaine saisie au vol pour extérioriser les maux du passé, l'oppression de sa culpabilité quant à ce fils qu'il ne peut plus approcher. Il frappe, comme pour parer à l'explosion qu'il retardait ; l'ironie dans les faits, parce qu'il perd pied. « How you like that, bitch, hm ? You want more ? » Il va pour encore s'avancer, continuer sur sa lancée. « Yeah, that's why I thought ! It's easier when it's a girl, uh ? » Il crache sa haine, Stokes, à manquer de s’époumoner. Il crache sa rage, jusqu'à refuser de le suivre, crachant seulement la rouille sur les maigres coups ont imposé à ses lippes. « Fucking bitch. Une pause, le souffle qu'il se met à chercher, ses grands yeux clairs qui s'attardent sur celle qui se tient à sa portée. You're ok ? » Question conne qu'il ose poser, mais le regard qui lorgne sur les traits et les plaies qui se sont déjà mises à couler. « Want me to take you to the hospital ? Got any assurance for that ? » L'habitude, les réflexes d'un métier méprisé qui lui revienne. Il en a vu quelques unes déjà, battue dans un recoin avec la peur de rejoindre les couloirs froids des urgences. Parce qu'elles n'ont ni papiers, ni assurance. Parce qu'elles risquent bien plus qu'une note salée à s'approcher de toute forme d'autorité. « Don't worry, that fucking cunt won't come back. » L'apaisement à user, cette fois, pour qu'elle puisse se calmer – pour que les craintes puissent s'amenuiser. Et il prend sur lui, Daniel, crachant un dernier souffle avant de s'en approcher, ses mains abîmées en évidence pour ne pas la faire paniquer. « Let me take a look. » Sa propre arcade entaillée, il en ignore son propre sang sur ses traits – concentré sur celle qui lui rappelle les sombres heures de son passé. Il avait la force nécessaire pour se redresser, mais d'autres ne l'ont pas – et il œuvre encore contre ça.