EVENT ▬ Lá Phádraig

« Oublie pas t’a promis que je pourrais boire une bière.
- Oui. Une. Pas six, pas seize, une exceptionnellement pour la St-Patrick.
- On peut monter à trois ?
- Non.
- Aller. Tonton il me laisserait faire.  
- Justement, ton oncle est un vieux déchet. Ne suis pas son exemple. Tu finiras avec des neurones en moins et un début de calvitie. »  

Il suffisait de contempler le haut de son front pour anticiper l'horreur à venir. À n’en point douter, Junan terminerait chauve avant la fin de ses trente-sept ans. Au moins, à la différence de ses matières grises, ses cheveux tiendraient plus longtemps.

Un soupir las franchit ses lèvres tandis qu'elle feint d'ignorer les intentions de son aîné. Accorder cette faveur était déjà bien trop généreux, surtout considérant qu'il n'avait pas encore atteint l'âge légal pour s'adonner à des breuvages alcoolisés. Une exception pour la fête de la Saint-Patrick, une manière de marquer le coup et peut-être même de dissimuler sa propre amertume. Peut-être espérait-elle ainsi détourner son attention de la morosité qui semblait le suivre tel un fardeau. Mais en réalité, c'était une maigre consolation, une goutte d'eau dans un océan de désillusions.

Elle continue d'ignorer avec plus de fermeté son insistance, même si un semblant de sourire flotte sur ses lèvres, alors qu'elle pousse les portes pour se glisser dans la fête déjà bien animée. Jughead avait pris la sage décision de laisser leurs deux autres enfants entre les mains de la baby-sitter, une question de praticité pour éviter de les pourchasser dans la foule d'adultes éméchés. Ils étaient encore bien trop jeunes à son goût pour se mêler à ce genre de rassemblement. Seul Ambrose était l'exception, sa tête bien ancrée sur ses épaules lui permettait de s'intégrer. Et Ambrose ne tarde pas à s'éclipser dès la première occasion, se fondant parmi les autres convives pour retrouver ses semblables, les autres adolescents irlandais déjà présents.  

« Je serai du côté des boissons, déclare-t-elle d'un ton détaché, sachant qu'il est déjà trop loin pour l'entendre correctement. Si tu as besoin de moi... ce qui n'arrivera probablement pas. Espèce de sale gosse. »  

Quelques salutations en s’éloignant, quelques visages de la communauté qu’elle reconnaissait et qu’elle promit de revoir un peu plus tard dans la soirée. Quand elle aurait de quoi étancher sa soif pour la soirée et qu’elle ne guetterait plus son fils du coin de l’œil. Promesse en réalité qu’elle ne tiendrait pas avec tout le monde, moitié n’étant que des visages qu’elle préférait éviter le plus possible. Tout comme elle se demanda si elle allait croiser son frère ce soir ou si ce dernier était bien trop occupé à continuer à détruire les quelques neurones qui lui restaient à faire je-ne-sais-quoi avec je-ne-sais-qui et Dieu sait où. À tous les coups encore une brillante idée signée « Junan McNulty ».
Jug zigzagua entre les tables, elle avait repéré son objectif et elle aurait donné cher pour une bonne bière entre ses mains. Rien n’allait l’en séparer, ou l’empêcher de l’atteindre. Enfin, c’est ce qu’elle s’était dit en premier lieu.  

La brune crut entendre son nom derrière elle et se retourna un peu trop brusquement. Collision avec la serveuse du jour qui perdit maladroitement quelques verres sur son plateau. S'il eut quelques survivantes ce n’était clairement pas suffisant pour la table plus loin qui se mit à brailler. Et si elle n’avait senti que quelques gouttes sur son jean elle ne put en dire autant pour cette pauvre veste qui en récolta bien plus.

« Merde, merde ! J’suis désolée ! »  

Trop tard le mal était fait. Elle ne pouvait qu’espérer que rien de bien trop important n’avait été touché entre les poches. Ou pire encore, renversé sur cette pauvre âme qui n’avait riende demandé.

« Pardon, tu vas puer l’alcool pour le reste de la soirée. »  

Jughead s’excusa également auprès de la serveuse, qui, bien gentille, ne lui en tenait pas rigueur. Elle lui offrirait un pourboire pour ceux qu’elle venait probablement de perdre par sa faute. Et pour ce qu’il en était du propriétaire de la veste... il n’y avait pas trente-six mille solutions et s’excuser encore ne changeait guère grand-chose.

« J’offre une tournée, ça ne sauvera pas les vêtements mais... c’est déjà ça on va dire »