wish you could know | seamus

Il y a cet air qui chantonne, une brise nouvelle sur les allées défaites. Les rayons s'attardent, faiblards, qui percent par delà le voile qui corrompt cette cité. Il y a un semblant de paix qui se matérialise, une bouffée d'oxygène qui s'empare des poumons longtemps compressés. Les ténèbres s'étaient avancées, elle se souvient de la saveur de ce rien, du vide qui envahissait ses songes, ses craintes, les ambitions sacrées qu'elle vouait à celui qui s'en était allé – jusqu'à ce retour, jusqu'à cette chance concédée. Jusqu'à ce renouveau, le bain de soleil que l'astre revenait lui confier. Elle se souvient des promesses, des maux qui se mélangeaient. Elle se souvient de cette perdition qui l'entraînait, des mains qu'elle parvenait à percevoir, mais qu'elle se refusait d'empoigner. Des mois et des mois à s'éloigner, à délaisser ceux qui comptaient parce qu'il lui faut préserver ce qu'elle chérit. Et pourtant ; l'air chantonne, une brise nouvelle sur les allées défaites. Elle s'est aventurée au cœur de cet enfer, pourtant loin des frontières qu'elle a déjà foulé. L'azur vogue, s'attarde sur les vitrines alentours, sur la silhouette qu'elle sait s'y cacher. Gardien de la carcasse qui en a déjà trop, gardien de la petite chose qu'elle laisse s'animer sur ses genoux – contemplant le monde qu'elle peine de trop à lui laisser observer. Parce qu'elle a vu le sang, les maux, la douleur, l'obscurité. Parce qu'elle veut l'en préserver. L'instinct animé, éveillé. L'instinct qui a tardé à s'imposer, qui prend désormais les tripes quand tout en vient à s'agiter. Elle prend sur elle, inspire l'air qui manquait. Elle prend sur elle, parvient à trouver ce regard qui apaise autant qu'il inquiète. Et s'il le voyait, et si tout s'arrêtait pour ce caprice qu'elle a tenu à honorer. Et si... ; mais silhouette se dévoile, s'avance, s'impose. La brume s'élève, révèle les anciennes attaches, ce qu'elle a délaissé de côté. Le sourire lui vient, sincère et brutal. Il s'impose de lui-même sur les traits de celle qui s'élève, qui garde le joyau de son être entre ses bras sans la laisser lui échapper. « Here he is ! Look at this focking grumpy asshole, Moira. Say hi. » La petite main que la sienne accompagne, des gestes imprécis qu'elle mime avant de venir l'enlacer ; lui, le père qu'elle s'est trouvée dans ce bordel insensé qu'est devenue Detroit et ses secrets. « I missed ye. » En un murmure sur l'épaule, en une inspiration prise à laquelle elle s'enivre. Une parcelle du passé qui s'ancre dans le présent, une parcelle de l'ancien qui se sublime au nouveau ; malgré les regrets qui persistent à s'immiscer, ceux qui auraient voulu que ces deux mondes aient à coexister. Une faille dans sa bulle de sûreté, mais les rêves ne peuvent tous devenir réalité. « Say hi to yer GrandPa. » Une étincelle de beauté, la délivrance de la terre sous ses pieds.

Tout lui semble en l'instant normal, comme si rien n'avait changé.
Comme si aucune barrière n'existait.
Comme s'ils pouvaient réellement être liés.
Ils l'ont été par le passé, elle pourrait en jurer.

« C'mon, we've already start without ye but it wasn't fun enough. » La petite table où les affaires attendent, les verres déjà commandés ; l'écart pour cette rencontre, pour cet instant privilégié. Elle guide, elle force l'aller jusqu'aux assises où trouver un semblant de stabilité. La gamine entre ses bras frêles, petite chose qui en tient une autre ; le tableau improbable qu'elle impose tout de même aux prunelles qui viennent la, les, couver. « Looks like it was yesterday the last time we spend time together. En un petit rire léger, en une excuse implicite dans ce qu'elle ose évoquer. Des mois et des mois en vérité. Les barrières qu'elle a laissé se matérialiser autour d'elle, comme par crainte de voir les profondeurs tout avaler. Mais il est lumière, Seamus, il l'a toujours été. Il était ce pilier, ce lien entre la surface et les tréfonds qui l'envahissait. Il était tout ce qu'elle avait souhaité, un père pour la gamine qu'on a tant saccagé. Sa fontaine de confiance, son puits d'assurance. Heard me mom and ye spend at lot of time together. How ye're doing ? » Le cœur pulpe, gueule sous les côtes. Le cœur fracasse le calme qu'elle se doit d'aborder ; il y a tant de choses qu'elle aurait voulu dire, tant d'excuses qu'elle aurait voulu prononcer. Le souhait que tout soit différent, qu'ils n'aient plus à s'éloigner. Qu'il puisse s'ancrer dans le bonheur qu'on lui a offert, qu'il puisse en jouir à son tour pour qu'enfin les démons soient chassés. Tout aurait dû être différent. Tout aurait dû l'être depuis longtemps. « How's Sorcha ? » Et contre la trachée, le nœud qui s'y installe. Derrière le sourire qu'elle laisse tout illuminer, il y a ce pardon qu'elle ne pourra jamais lui demander. « She must have grown since the last time, doesn't she ? Is she now as annoying as I am, I'm scared ye forgot how to deal with it. » L'air qui chantonne, les litanies remplacées par quelques douces symphonies. Il n'y a nul mal ici, rien qu'eux et ce semblant de vie qu'ils auraient à s'échanger. Le lien à parfaire, comme pour qu'il n'ait à jamais s'effacer. Prière silencieuse qu'elle ne cesse de ressasser.