sanctuaire : eight mile road | elle vit avec Kad et leurs filles dans une maison qu'elle a acheté délabrée mais que ce dernier a rénové avec parfois (rarement) son aide (absolument pas précieuse). Il manque encore quelques finitions.
ombres et névroses : grosse fumeuse | de nombreux tatouages sur des coups de tête
L’hiver traîne encore dans le Michigan, le froid s’accroche aux rues crasseuses d’une ville à l’abandon. Erin n’y fait plus attention, elle aime bien trop les rares fois où elle s’accorde une marche autour de sa maison. Et la jeune mère n’est pas sortie pour simplement se balader. Elle n’avait pas apprécié d’apprendre que Ayren Hawkins avait cessé de fréquenter Young and Up depuis plusieurs semaines. Erin ne pouvait plus passer comme elle le voulait au local de l’association, forcée au repos par un médecin préoccupé par l’hyperactivité de la trentenaire en fin de course. Elle avait l’impression de toujours manqué quelque chose, de ne pas être assez présente pour le peu de jeunes qu’ils tentaient d’aider en les sortant de la misère de leur quartier. Ayren était prometteur, plein d’ambition et intelligent. Erin avait de l’espoir pour lui, comme elle en avait pour tous les jeunes qui franchissaient les portes de l’association de quartier. Il avait au fond des yeux cette étincelle qu’elle se plaisait à retrouver dans la jeunesse du quartier. L’étincelle qui indiquait que tout était encore possible.
Et encore une fois, la gangrène qui se répandait dans eight mile avait tout avalé sur son passage. Les yeux d’Ayren s’étaient éteint sous l'appât d’un gain facile, billets verts qu’il enfonçait dans sa poche pour remplir les estomacs vides des membres de sa famille. Car c’est ainsi ici-bas, du côté d’un quartier que l’on étouffe. Les hommes, peu importe leur âge, prennent avec sérieux la survie de leurs proches. Ils s’inscrivent dans ce schéma répétitif depuis tant d’années, oubliant le danger et les barreaux qui guettaient leur avenir trop incertain. Ils embrassaient alors cette vie, et ni Erin, ni les autres bénévoles ne pouvaient rien y faire.
En colère, d’une de ces colères sourde et froide qu’elle couve parfois, Erin arpente les rues froides du quartier de son enfance. Elle avance lentement, au rythme imposé par l’enfant à naître. Elle avance lentement, mais déterminée à retrouver la cause de l’éloignement de Ayren. Et Erin sait très bien à qui s’adresser. Eight mile a des oreilles, mais surtout des yeux. Et elle n’a pas envie de déverser sa frustration de femme enceinte irritée par la fin de sa grossesse à Kadeuce. Elle ne veut pas avoir à parler du gang avec lui. C’est un principe qu’ils ont mis entre eux, sans en avoir réellement parlé ouvertement. Erin évitait de se frotter à la réalité de ses problèmes de conscience. La mère de famille avait tendance à fuir les discussions de ce genre, à être dans un déni doublé de mauvaise foi lorsque l’on tentait de la renvoyer à son couple. Elle trouvait même le moyen de trouver milles excuses au père de ses enfants afin de justifier son appartenance à la hiérarchie chaotique du b-bang.
C’est donc armée de sa mauvaise foi qu’elle prend place sur un banc dans le parc où ils se réunissent tous en fin de journée. Ils traînent, les jeunes d’eight mile. Ils ne font que ça : traîner et attendre. Alors, elle aussi, elle va faire la même chose. Erin les fixe, Jaydee particulièrement, car elle sait très bien l’influence qu’il a sur les jeunes qu’elle tente de faire sortir du mauvais chemin tracé par les trafics du gang. Elle a tenté de l’aider lui aussi, mais il était déjà trop tard, le jeune King était déjà trop enfoncé parmi ses frères de misère. Quand enfin, il tourne la tête, Erin lui adresse un signe de la main, affichant un large sourire qu’elle tient jusqu’à ce qu’il arrive à sa hauteur. « Jaydee ! Ça faisait longtemps ! Tu vas bien ?» Le ton est faussement chaleureux, facile à reconnaître chez une femme qui n’avait pas l’habitude du sarcasme. Doucement, elle se décale pour lui faire de la place à côté d’elle. « Bah tu vas pas rester debout ! » Erin lui sourit à nouveau, tapotant le banc abîmé du plat de la main. Il ne s’en sortira pas comme ça.
sanctuaire : 8 Mile Road, un appart avec balcon, à l'étage d'une petite maison, en collocation
ombres et névroses : - 1m80 - Cheveux noirs, coupés courts, parfois teints - Yeux sombres et perçants - Cicatrices discrètes témoignant de son passé tumultueux - Porte souvent des vêtements sombres et décontractés - Tatouages cryptiques sur le visage et sur le corps il est le seul à en connaître la signification. -- Consommation régulière de drogues et dépendance au sexe pour échapper à ses difficultés - Croyance en son incapacité à aimer profondément et à établir des connexions émotionnelles durables
cicatrices : 64
crédits : ava : space corgi, profil : tee reuanthai
⚖
▬ Jeu 21 Mar - 20:04 ▬
YOU WON'T ESCAPE
Erin & Jay
«And even if they shoot me down, there'll be another nigga bigger from the mutha-fuckin' underground
Le 15 février 2024 – Début de soirée à 8 Mile Road.
Le soleil couchant caresse les façades décrépies des immeubles qui ceinturent le parc, projetant des ombres menaçantes sur les terrains de jeux délabrés. Le vacarme familier du quartier s'estompe peu à peu, laissant place à une mélodie discordante de cris d'enfants et d'aboiements lointains. Adossé à un panneau de basket rouillé, je savoure ce calme précaire, une cigarette fumant entre mes doigts. Le froid mordant de l'hiver à Detroit n'a jamais vraiment réussi à me refroidir. En tout cas, pas autant que le regard des flics quand ils patrouillent dans le coin, cherchant des noises. Ce soir, on est six au rendez-vous et nos bandanas ne laissent aucun doute sur notre identité. On attend la dernière recrue, mon pote Ayren, un mec très vif pour son âge qui traîne avec moi depuis quelques semaines. J'espère juste que son aïeule le maintiendra pas trop longtemps à son chevet ce soir, la grand mère a beau être mourante, on a besoin de lui sur le terrain. La lumière d'un lampadaire défectueux éclaire nos gueules renfrognées, les regards durs et les corps gainés de sweat-shirts à capuche et de doudounes épaisses.
On est là, chillin' dans notre coin habituel. Les gars sont en train de balancer des insultes en jouant aux dés, et moi, j'observe, l'air détaché. Et puis, je la sens contre ma nuque, cette sensation que quelqu'un te fixe. Mon regard distrait dérive vers la silhouette immobile qui se découpe sur le fond orange du crépuscule. Erin. La vache, c'est bien elle, son ventre arrondi trahissant une grossesse avancée. La meuf est un genre d'idéaliste, une illuminée, persuadée que sa mission est de sauver les âmes perdues du quartier. Je le crois pas, elle me fait signe. Un soupir las s'échappe de mes lèvres. Faut pas croire, je tiens pas à me fritter avec une femme enceinte. C'est sans me presser que je la rejoins d'un pas désinvolte. Elle m'offre un large sourire qui ne me trompe pas ; la fureur dans ses yeux est assez éloquente. En arrivant à sa hauteur, je maintient mon flegme, mince rictus et clin d’œil amusé, digne d'un renard à une poule en train de couver. La chaleur de son invitation me parait tellement décalée que j'ai envie d'exploser de rire. Ma méfiance est trop solide pour qu'on puisse me baratiner. Visiblement, elle tient à me parler entre quatre yeux et je suis pas du genre à esquiver alors autant crever l’abcès.
« Salut Erin. Ouais, ça va, tu sais, même vieille routine, même vieux quartier. Et toi, comment ça se passe ? T'as très bonne mine, un vrai visage d'ange.»
Un coup d’œil vers son ventre. Je tire une dernière bouffée de ma cigarette, laissant la lueur incandescente illuminer fugacement mon visage tatoué. Puis, d'un geste assuré, je lance ma clope au loin, observant la trajectoire de la volute de fumée qui s'évapore dans l'air glacial. Mon attitude est placide, résigné à lui offrir l'écoute qu'elle demande. Je me pose à côté d'elle avec une étrange combinaison de défiance et de curiosité dans le regard.
« Bon, et alors ? » , je demande, mon ton toujours empreint de scepticisme mais teinté d'une pointe d'intérêt. « J'imagine que t'es pas venue ici pour prendre l'air, vu comme ça caille. C'est pas trop sage, dans ton état. Ton mec sait que t'es là ?»
Mon sourire s'étire plus largement. Peut-être que je me soucie d'elle, peut-être pas. Peut-être que j'ai juste envie de la titiller pour vérifier la solidité de ses sourires.
