you’re never too old to set new goals · ft wesley

Début d’année difficile pour l’ancien journaliste, cœur brisé trop tôt dans une relation pourtant sans avenir mais qui eut le mérite de lui apporter du bonheur, de lui ouvrir de nouvelles perspectives, de lui donner le coup de fouet dont il avait besoin pour se réinventer. Riley resterait toujours une femme spéciale à ses yeux mais il avait fini par comprendre que passer ses journées enroulé dans un plaid à regarder des vidéos sur son téléphone ne lui rendait pas justice. Cette femme extraordinaire méritait qu’il ne se lamente pas sur sa perte.

Alors, finalement, il avait décidé de sortir. Un peu aidé, par un ami qu’il ne méritait pas. Il s’y remettait, à la vie, un pas après l’autre…

Un pas rythmé après l’autre, même. Pendant sa courte dépression post-rupture, Wesley avait découvert le monde extraordinaire de la k-pop. Les danses en rythme, les musiques entrainantes, les chorégraphies inspirées… des étoiles dans les yeux, il avait ressenti l’envie de s’y essayer lui-même. Il se disait que si Riley avait été à ses côtés, elle l’y aurait encouragé, elle l’aurait peut-être même accompagnée, parce qu’elle était ainsi ; merveilleuse, spontanée, elle ne se mettait aucun bâton dans les roues et il avait eu envie de l’imiter.

Il avait cherché des cours de danse sans trop y croire, pourtant il en trouva. Il suivit la leçon alors même qu’il était le plus âgé et que certains parents d’adolescents le regardaient d’un air soupçonneux. L’ancien journaliste ne voulait pas se laisser décourager si bien que la semaine suivante, il arriva bien à l’heure, se tenant à disposition pour répondre aux questions si quelqu’un en avait.

Du moins… c’était son plan. Quand il pénétra dans la salle en entendant de la musique depuis le couloir, il craignit d’être en retard et se précipita. Il ne s’agissait heureusement que du professeur, qui répétait.

— Comment ça, en avance ? Oh merde c’était pas 9h ?

Douce ironie, lui qui n’avait jamais été foutu d’être à l’heure de toute sa carrière de journaliste ou presque, voilà qu’en la quittant, il gagnait en ponctualité et qu’il donnait dans l’excès de zèle…

— Je suis désolé, en plus je vous ai interrompu. Ça vous embête si je regarde ? C’était sympa ce que vous faisiez. C’est quoi comme musique ? Je la connais pas celle-là.

La demande aurait pu paraître bizarre ou déplacée dans la bouche de n’importe quel autre quarantenaire mais Wesley, avec son grand sourire enthousiaste et sa bonne tête ne ressemblait pas du tout à un pervers.
Du moins, pas dans sa tête. Dans celle des autres, ça restait à prouver…

9h30, bon sang ! Wesley n’en loupait pas une question connerie. Le cours précédent, il se pointait en retard et là, une demi-heure en avance. Sans compter qu’il interrompait les répétitions de son professeur. Répétitions ? Échauffements ? Difficile à dire pour le novice. L’ancien journaliste adorait les comédies musicales et la danse de manière générale, pourtant il ne s’y connaissait pas du tout d’un point de vue technique.

Il retint le nom de la chanson dans un coin de son esprit, celui qu’il utilisait dans son ancien travail pour retenir les détails importants puis il sourit plus largement, soulagé de ne pas être renvoyé chez lui.

— Wesley ! Wes ! Enfin comme vous préférez ! Je peux vous appeler par votre prénom, ça ne vous gêne pas ?

Souvent, il vouvoyait tout le monde, question de principe. Ça lui évitait de vexer inutilement quelqu’un, question de bon sens quand la source première de son travail se trouve dans les renseignements qu’autrui pourrait (ou non) accepter de lui donner. Son capital sympathie comptait plus que tout.

— Ouais, ça l’était. Ça se voit hein ? J’ai toujours bien aimé danser mais c’est différent de danser dans un club, à une soirée, ou pour un cours. J’ai découvert la k-pop y’a pas longtemps, quand j’ai rompu avec ma copine. Et me voilà. Je voulais me consacrer à quelque chose de nouveau, qui dégage une belle énergie, vous voyez ?

Wesley racontait sa vie privée sans honte. Le mois de janvier était déjà bien avancé, il avait eu le temps de digérer la cruauté et l’injustice de sa situation. Il n’oubliait pas Riley, il ne l’oublierait jamais. Et il s’inquiétait pour elle, bien entendu, mais il ne comptait pas être le genre de mec à tenter de contrôler sa vie ni à lui poser des ultimatums.

— Je ne pensais pas trouver de cours dans une ville comme Détroit, ça a été une bonne surprise !

Petite ouverture pour l’inciter à parler….

— Oh j’ai fait ça les premiers jours, bien sûr. Mais c’est vite hors de prix, la glace !

Il rit de bon coeur, parce que c’était un peu vrai et parce qu’il valait mieux ça que de se laisser aller. Tout un paradoxe, Wesley, dans sa souffrance. Dans les prochaines semaines, il allait enchaîner les conneries et peut-être ne se tiendrait-il pas à cette nouvelle résolution. Ou peut-être que si, l’avenir le lui révèlerait… Toujours est-il que Jin accepta de se confier un peu plus, dévoilant son statut d’étudiant et le fait qu’il ne soit pas réellement un professeur. L’ancien journaliste haussa les épaules. Ça n’avait pas grande importance, pour lui, les diplômes ou ce genre de choses. Il trouvait Jin doué et ne se priva pas de le souligner.

— Vous faites ça très bien, si ce n’est pas votre métier. Étudiant en quoi ? Moi, je suis détective privé. Enfin j’étais journaliste avant mais j’ai changé de carrière il y a quelques mois. Un détective privé qui danse sur de la k-pop, ça révolutionne les clichés pas vrai ?

Wesley ne se démontait pas devant la froideur apparente de Jin. Il en avait connu son lot de timides ou simplement de gens qui ne comprenaient pas qu’on puisse être aussi expansif et dépourvu de gêne quant à sa vie privée.

Pour appuyer sa question un peu rhétorique, l’ancien journaliste essaya de répéter le seul mouvement qu’il pensait avoir bien retenu la dernière fois mais sans musique, ça ne rendait pas grand chose de cohérent ni même d’impressionnant.

— À mon avis, j’ai encore besoin de m’entrainer un peu… Vous dansez depuis quel âge ? Parce que vous gérez super bien.

Et non, il ne cherchait pas à lécher les bottes du professeur… Il le pensait sincèrement, l’admiration qui perçait dans sa voix et dans son regard n’avait rien de feinte.

Wesley rit de bon cœur à ce qu’il prit pour une plaisanterie de Jin, sans comprendre qu’il s’agissait de premier degré. Non, la glace ne coûtait pas si cher dans ce pays -encore que tout dépendait du type de glace- et oui… peut-être qu’un journaliste devenant détective privé n’était pas si anodin que cela. Le danseur répondait froidement, toutefois le sourire affiché sur son visage contredisait l’impression première, ce qui perdait un peu Wes sans qu'il ne se laisse démonter.

— La criminologie ? C’est passionnant !

Il ne mentait pas et s’enthousiasmait toujours facilement. Wesley n’avait pas étudié la criminologie, pas de manière académique, mais passer presque quinze ans en tant que journaliste judiciaire offrait certaines compétences et certaines connaissances…

La discussion revint sur la question de la danse et Jin lui apprit qu’il dansait depuis vingt ans, soit presque depuis toujours vu son âge. Il se positionna ensuite devant lui pour montrer de nouveau les mouvements de la dernière fois. Concentré, l’ancien journaliste s’appliqua à l’imiter mais avoir moins de grâce et de naturel...

— Ça a presque l’air facile quand on les regarde, pourtant… C’est hypnotique, ce sens du rythme.

Ça résonnait en lui et ç’avait quelque chose de rassurant à regarder, comme si ces danseurs apportaient une forme d’ordre dans sa vie. Il manquait de mot, Wes, pour expliquer ce que lui inspirait la k-pop. En tout cas, elle l’aidait à garder la tête hors de l’eau après Riley et lui permettait d’avoir un objectif clair vers lequel tendre.

— Pourquoi la criminologie ? questionna-t-il, curieux, afin de relancer la conversation.

Techniquement, ça ne le regardait pas mais il avait toujours été curieux. Il espérait que Jin n’allait pas mal le prendre, Wesley avait du mal à le cerner et avait l’impression de le déranger.