You can't go back and change the beginning ... Jin-Ho & Aaron

You can't go back and change the beginning,
but you can start where you are and change the ending

tw ; none

Il a froid, Jin-Ho, malgré l’épais manteau qui recouvre ses épaules, des gants et un bonnet. Faut dire qu’elle en a déjà vu des années passer, cette veste rembourrée. Elle a beau être de qualité — coréenne, évidemment, c’est un des rares vêtements qu’il a ramené de chez lui — elle s’est usée avec le temps. Mais c’est sa soeur qui lui avait offerte… probablement pour leur dernier noël passé ensemble, alors qu’un lit de neige un peu semblable à celui d’aujourd’hui entourait leur maison à Seoul.

Mais il pourra se couvrir autant qu’il le veut, il sait que ce n’est pas l’extérieur le véritable problème. Les températures négatives, son bus qui n’arrive pas et le vent qui souffle sur Detroit et qui fait voler les flocons encore frais autour de lui ne sont pas la cause de son mal être. Etonnant ? Pas tellement en sachant que quelques jours plus tôt, il s’était pris une pluie torrentielle et glacée sur la tronche, parce qu’il avait eu la bonne idée de claquer la porte de l’appartement de Taemin.

Ca n’avait sans doute pas été leur première dispute. Que ce soit Tae ou Jin, ils avaient leur caractère et n’étaient pas toujours d’accord. Mais jusqu’ici, c’était probablement la plus violente. Et il pleuvait averse, ce soir-là. Stupide comme il était, il s’était lancé au travers des rues de Detroit sous une pluie presque solide, armé d’un simple pull, d’une colère sourde et… il n’avait pas été bien loin.

Sa destination aurait dû être 8 Miles Road. Mais finalement, il n’avait pas quitté Midtown.

Tout ça parce que Taemin était jaloux d’Aaron. Et Jin-Ho avait passé pas mal de temps avec le musicien, depuis qu’ils s’étaient rencontrés pour participer à ce petit programme de spectacle musical et travailler ensemble. Peut-être même que Taemin comprenait que Jin’ appréciait l’autre homme ? Il commençait à vraiment bien lire les micro-expressions que Jin-Ho laissait transparaître à son insu…

Il chasse ses pensées lorsque son bus arrive enfin. Il aura du retard, mais au moins cette fois, il arrivera. La pluie s’était finalement transformée en neige, plus froide mais plus légère. Sa fièvre, elle, n’avait fait qu’augmenter. Son corps avait commencé à faire mal, pour lui rappeler ces courbatures qu’il ne ressentait plus après ses séances de sport depuis bien longtemps. Et aujourd’hui, il avait froid.

Ou trop chaud. Lorsqu’il arrive enfin à l’espace communautaire où se trouve la salle de danse dans laquelle Aaron l’attend, il a déjà retiré les gants et la doudoune est ouverte sur un hoodie noir et un pantalon gris. Il garde le bonnet, mais c’est bien la seule chose qui change dans son apparence de tous les jours. Toujours trop bien apprêté, Jin-Ho. Même malade à crever.

— Good evening, Aaron, qu’il salue le musicien. Il l’a fait sursauter, malgré ou à cause de sa discrétion en entendant qu’il répétait sa musique et ne voulant pas l’interrompre trop brusquement. Raté.

A peine le temps de poser le manteau et les vêtements d’extérieur dans un coin qu’il se retrouve avec les bras étrangers autour de son torse et une main dans son dos. C’est à lui de sursauter, et de se figer en attendant que le câlin passe. C’est qu’il a chaud, Jin’. Et que c’est désagréable dans son état actuel. Et qu’il n’aime déjà pas ça en général.

— I’m okay and … you ? A surprise ? Mensonge. Puis, il n’aime pas les surprises, Jin-Ho. Mais la distraction est donnée et il la prend, tournant la tête vers le reste de la salle de musique et l’étui à guitare qu’il n’avait pas vraiment remarqué en entrant. Enfin, il n’avait pas remarqué qu’il y avait un détail différent de d’habitude.

— Oh, your raccoon. Petit regain d’énergie à l’idée de rencontrer Zelda. Aaron lui en a tellement parlé après tout, et si la race animal n’est pas totalement inconnue au coréen, il n’en a vu qu’une seule fois, et il se demande toujours comment ces bestioles peuvent devenir de véritables animaux de compagnie. Certes, il préfère les chiens, mais il reste fasciné et curieux de tout.

— Hello, Zelda. Nice to meet you. Oh. Non, il ne croit pas qu’elle le comprend. Mais imiter Aaron dans sa façon de traiter son animal de compagnie, tout comme il l’a fait avec les chiens de Taemin et Tatiana à l’époque, … c’est plus sympa. Il paraît.

Mais le sourire et le regard sont fatigués. Son anglais est plus lent et plus simple. Même ses gestes sont moins vifs alors qu’il tend doucement la main pour caresser la grosse boule de poil dans les bras d’Aaron. Il aurait sans doute dû rester à se reposer chez lui ou chez Taemin. Et malgré ses efforts, il ne trompe pas le père de Zelda.

— I am but it’s okay, I’ll survive. We already missed a meeting last time so we better work today. Et il s’était déjà excusé par SMS pour ça, évidemment.

Et puis, il ne devrait pas avoir à trop danser aujourd’hui, donc ça devrait aller.

You can't go back and change the beginning,
but you can start where you are and change the ending

tw ; none

Absorbé par l’observation de Zelda et de sa bouille qui venait renifler ses doigts, à la manière de Keiko dans Pocahontas, comme s’il pouvait cacher un biscuit sous ses ongles, Jin’ ne fait pas spécialement attention à Aaron et le regard concerné qu’il lui porte. Persuadé qu’il va bien, ou du moins que son mensonge dresse les défenses nécessaires contre l’empathie de l’américain, il sourit même un peu sous son voile de fatigue et de fièvre.

— Nah, not that different… You know that, we have raccoon’s coffee shop in Seoul ? Where you can pet raccoons and drink coffee.

Et les ratons-laveurs n’étaient qu’une espèce parmi d’autres. Chats, chiens, suricates, ratons-laveurs, lapins, poneys, et même moutons… Mais il ne se souvenait soudainement plus comment traduire la moitié de ces espèces en anglais, alors… Et puis, c’était pas comme si Aaron laissait le silence s’installer.

— I’m okay, don’t worry.

L’ordre est entendu, pas forcément suivi. Si Jin-Ho a un jour été un très bon soldat, Aaron n’a rien d’un officier. Mais Zelda est posée, et voilà que son comparse de travail se met à arpenter la pièce pour … lui créer un nid. Ce n’est que lorsqu’il lui saisit le poignet pour l’y amener qu’il comprend que le nid n’est pas pour l’animal, mais bien pour lui.

Et il est trop fatigué pour batailler.

Il s’assied et en quelques secondes à peine, se retrouve transformé en coussin à raton-laveur et confortablement installé.

Parfois, dans la vie, il ne fallait pas se poser trop de questions.

— Oh yeah ? La mention de Tia le fait sourire en général, mais il se contente de hocher la tête cette fois. Pourtant, il est content de l’apprendre. She’s already a great dancer, at her age. I hope she’ll continue… Have you seen the others ? Quatre pan de vie racontés au travers des paroles, quatre jeunes danseurs aux chorégraphies différentes pour exprimer différentes choses, c’est ce que Jin’ et Aaron avaient cherché à créer.

Il avait heureusement réussi à leur filmer les choré et à les entraîner quelques temps avant cette crève, mais il y avait encore un peu de travail avant de tout bien coordonner. Il espérait pouvoir organiser une nouvelle séance avant le spectacle.

— It’s okay, Aaron, really. I’m good and Zelda is keeping me warm, qu’il rajoute, en caressant distraitement la grosse boule de poil depuis qu’elle s’était installée.

— So… You’re okay with FourFiveSeconds ?

Question ouverte à interprétation, même si en réalité, Jin’ n’avait certainement pas en tête les débats moraux entourant certains des interprètes originaux. Histoires américaines dont il n’avait franchement pas connaissance à une époque.

You can't go back and change the beginning,
but you can start where you are and change the ending

tw ; none

Souvenirs de son pays et de ses visites dans les cafés remplis d’animaux lui reviennent en tête alors qu’il en parle en caressant la bestiole poilue. Il n’y allait pas seul, jamais, dans ces cafés. Sa soeur devait l’y traîner, mais c’était leur seule façon de rencontrer des animaux, d’avoir l’impression de pouvoir avoir un chien, un chat, ou encore un lapin. Eun-A adorait. C’était leur rendez-vous régulier, un endroit où leur père n’avait aucune influence sur eux et où ils pouvaient refaire le monde. S’imaginer une autre vie. Ca devait d’ailleurs être sur l’une de ces tables, au milieu de chiens probablement sauvés du commerce de viande, qu’ils avaient pris la décision de venir s’installer à Detroit…

Les paroles d’Aaron le sortent un peu de ses pensées, et le regard qu’il relève sur l’américain est étonnamment vide pendant un moment alors qu’il réfléchit à ce qu’il vient de dire. Trop d’informations dans une seule phrase.

— You can go for a trip and let Zelda to a friend. Just few weeks. Or … she will feel bad ? Il sait que certains chiens ne supportent pas la séparation avec leur maître. Mais il ignore presque tout des ratons-laveurs…

Il chasse finalement ces souvenirs de son esprit. Son pays ne lui manque pas, à lui. Il a tout ce qu’il lui faut ici, la mauvaise notoriété en moins, et ça l’arrange bien. Mais il imagine l’impression qu’il peut faire à des étrangers qui souhaitent le visiter. Cela dit, ce n’est pas le sujet du jour. Ils en reviennent vite à la danse et la musique. Et sous son bonnet, Jin-Ho se réveille un peu.

— I can’t play or sing like you do, qu’il réplique en haussant les épaules, avant de ramener ses manches sur ses mains pour laisser Zelda dormir tranquillement. And they are better than me at that age.

Est-ce que ça compte vraiment ? A leur âge, il était un peu occupé à d’autres choses, notamment au taekwondo et aux arts martiaux. Disciplines qui ont d’ailleurs laissé leur marque dans son style de danse.

— I am here so… we can work on what we have to, at least.

Notamment de la chanson un peu controversée, mais belle en soi. Il hausse un sourcil intéressé d’ailleurs à l’idée que Cody écrive ses propres paroles. Non pas qu’il soit réellement contre, Jin… Il ne veut juste pas que les enfants se prennent des remarques pour aimer un son en les associant injustement à des faits sur lesquels ils n’ont absolument aucun contrôle.

— Yeah, perfect, that can be great ! … Ouais, il peut vraiment passer du désintérêt complet à trop d’enthousiasme. So what’s next ? Want to look at the ... order ?.. Il est pas sûr de son anglais tout à coup, mais il s’aide un peu de ses mains pour tenter de parler de l’ordonnancement des performances.

You can't go back and change the beginning,
but you can start where you are and change the ending

tw ; none

Les animaux sont simples. Les animaux sont faciles à comprendre. Zelda qui s’étire et qui s’endort, Jin n’a pas réellement besoin de la confirmation vocale d’Aaron pour lui signifier que le raton-laveur appréciait l’expérience sur ses jambes. Dire qu’elle l’aimait déjà, lui, était peut-être présomptueux, mais au moins, elle n’était pas farouche et lui faisait assez confiance pour se laisser aller aux câlins distraits que ses doigts sur sa fourrure lui procuraient, et qui l’apaisaient malgré le tumulte de souvenirs que ça lui ramenait en passant.

— I can’t right now, but I cou… mh no, I .. would.. have.. accepted, qu’il tente, un mot à la fois en réfléchissant une seconde avant le suivant. La galère sur la grammaire lui revient. Aigooo. Too much words for one verb.

S’il avait eu son propre appartement, il n’aurait pas hésité. Mais il avait déjà assez de soucis avec sa tante et son oncle pour leur ramener une boule de poil, aussi mignonne soit-elle. Alison avait probablement sa propre conception de l’adjectif mignon, qui n’avait aucune valeur face à ce qui pouvait griffer, grignoter ou salir de quelque façon que ce soit. Maniaque et sans coeur, et c’est elle qui avait peur de lui et de sa… condition ? Parfois, il ne comprenait vraiment pas le monde.

Dans un sens, heureusement qu’il préférait la danse à toute autre forme d’expression musicale. Au moins il pouvait le pratiquer n’importe où. Dans un studio comme celui-ci, dans le salon de Taemin, ou encore au parc ou dans la rue. Pour vivre, il n’avait finalement besoin que d’un lit. Lit qui commençait à lui manquer, même s’il hoche la tête à ce que vient dire Aaron au sujet du spectacle qu’ils préparent. Lui non plus n’a aucun doute, mais pas l’énergie pour traduire cette phrase en fait.

— I won’t. Dance. Don’t worry, qu’il réplique en prenant le carnet, avant de lire ce qui y est noté en réfléchissant à la question. Un coup d’oeil est donné à l’américain lorsque sa main se glisse sur son front, et il arque un sourcil, cachant le frisson qui vient de courir le long de sa colonne vertébrale en sentant le froid sur sa peau.

— A lot of energy for the start, yeah. And… Et Aaron se met à jouer une berceuse. Et Jin, qui s’évertue à rester alerte et éveillé depuis qu’il est arrivé arque un sourcil perplexe. You really want me to sleep ?

Il s’étire, le coréen, avant de revenir à sa position un peu prostrée autour de la chaleur de Zelda, avec l’excuse d’étudier le carnet devant lui pour donner le change.

— Then we have to vary the … rhythm ? C’est pas ce mot-là qu’il cherchait mais ça semble fonctionner aussi. Unless your goal is to put everyone to sleep.