wake me up when the world is... you know what forget it // Archi

« Te voir pâlir et rougir sous mes baisers, te sentir frissonner dans mes étreintes, c'est la vie, la vie authentique, c'est le rayon lumineux, c'est le souffle du paradis ! Ô mon ange, que tu es d'une beauté exquise, viens que ma bouche dépose et cueille sur la tienne ce mot qui est le plus doux des embrassades... »

BOUM
Sursaut.
Respiration précipitée.
Cœur qui bat la chamade.

L'incompréhension envahit son esprit. Ses yeux papillonnèrent pour s'adapter à l'obscurité, reprenant le contrôle d'elle-même. Elle prit conscience que tout allait bien, que tout n'était qu'un songe duquel elle avait été brusquement extirpée. Elle était en sécurité. Cependant, son cœur continuait de marteler sa poitrine, et son esprit s'efforçait de comprendre ce qui l'avait arrachée aux bras de Morphée. Qu'avait donc perturbé ce moment parfait avec l'homme mystérieux ? Elle consulta l'heure sur son téléphone posé sur la table de chevet. celle-ci indiquait cruellement les minuits déjà passé. Puis, dans un soupir, elle se réinstalla dans ses draps de soie. Ce n'était qu'un bruit, un simple bruit. Peut-être encore les facéties du chat du voisin. Elle inspira longuement avant de fermer les yeux à nouveau.

Pourtant, elle les rouvrit quelques secondes plus tard lorsqu'un nouveau bruit inquiétant émergea dans l'obscurité. Il demeurait indistinct, empreint d'effroi, possiblement inhumain. Elle le capta distinctement, la poussant à bondir hors de son lit et se précipiter vers la fenêtre pour scruter l'extérieur. La majeure partie de la lumière était dissimulée par les nuages, rendant la perception des détails difficile. Cependant, elle était certaine qu'un événement se déroulait là, sur sa parcelle.
Soudain, l'idée que son quartier n'était peut-être pas aussi sûr qu'elle le pensait l'envahit. Une perspective inquiétante, aggravée par le fait qu'elle se trouvait seule dans cette vaste maison. Sans plus attendre, elle fouilla le tiroir de sa table de chevet pour dénicher un petit revolver, prit son téléphone pour l'utiliser comme lampe de poche, puis quitta sa chambre en marchant sur la pointe des pieds.

Calliope se déplaça silencieusement dans la maison, contrôlant rapidement les fenêtres à la recherche de signes d'effraction. Aucun indice de perturbation n'était visible. Elle descendit ensuite au salon, où tout semblait en ordre. Ouvrant la porte menant au jardin, elle pointa la lumière en avant et tint son arme prudemment le long de son flanc.
Le faisceau lumineux éclaira la première moitié du jardin, révélant la serre et rien d'anormal. Cependant, en atteignant un vélo dont la roue arrière tournait toujours, elle ressentit une nouvelle vague de tristesse destiné ses pauvres orchidées écrasées. Pourtant, la découverte la plus marquante se trouva à quelques pas de celui-ci : une silhouette gisait parmi les plantes. Il ne s'agissait pas d'un monstre, peut-être même pas d'un cambrioleur, mais plutôt d'un être déchiré.

Elle s'approcha avec prudence, un doigt sur le cran de sécurité, prête à dégainer si nécessaire.

« Hé, vous êtes toujours en vie ? »

Quelle méthode originale pour vérifier si un inconnu – qui, soyons honnêtes, pouvait potentiellement être un criminel – était encore en un seul morceau et respirait toujours. Elle tenait déjà son arme entre ses mains, mais l'idée de tirer une balle pour rien n'était pas des plus séduisantes. Elle fit un pas de plus vers la voix qu'elle avait entendue, gardant l'arme prête au cas où. Le vrombissement d'une voiture passa, éclairant brièvement la silhouette étalée au sol, dévoilant sa position incongrue et les paillettes scintillant dans ses cheveux. Son sourcil se leva d'un air perplexe. Parmi toutes les possibilités, celle-là était rarement en haut de la liste. Maintenant qu'elle regardait de plus près, il ne ressemblait en rien à un méchant, ni même à un individu particulièrement menaçant. Il était bien loin du monstre qu'elle avait imaginé il y a quelques instants à peine. Elle laissa échapper un soupir de soulagement, remit la sécurité sur son arme et s'approcha davantage.

« Alors, tout va bien ? Rien de cassé ? »

Elle fit quelques pas supplémentaires, en prenant soin de ne pas endommager davantage les fleurs restantes, pour lui attraper le bras et l'aider à se relever.

« Oh, wow, vous avez bien abusé de l'alcool »

Cette constatation lui vint lorsque les effluves de ses boissons lui chatouillèrent les narines. Elle ne porta pas de jugement sur sa tenue ou sur la raison de tant de brillance sur sa personne. Cependant, pour le reste...

« Dites-moi, c'est une habitude de passer par-dessus les clôtures pour écraser les parterres de fleurs innocents ? »

Elle avait du mal à croire que l'abus d'alcool puisse justifier un tel comportement. Pourtant, c'était clairement son cas. Son jardin et ses précieuses fleurs semblaient être la dernière de ses préoccupations.

« Allez, suivez-moi. J'ai des pansements à l'intérieur. Vous n'allez pas partir dans cet état pitoyable. »

Ce n'était pas qu'elle cherchait à se donner bonne conscience en plein milieu de la nuit. Pourtant, laisser partir un jeune homme - avait-il seize, dix-sept ou peut-être vingt ans ? - qui sentait l'alcool et était blessé, ne correspondait pas vraiment à ses habitudes. De plus, elle se sentirait coupable si par malheur il décidait de passer par-dessus une autre clôture pour piétiner davantage de fleurs. Ses précieuses fleurs ne méritaient pas d'être sacrifiées par un délinquant laissé sans surveillance dans la nature. Et qui sait, s'il croisait une voiture sur son chemin, elle se blâmerait tout autant d'être la dernière à l'avoir vu "en pleine possession de ses moyens". Ce n'était peut-être qu'un kit de premiers secours pas totalement complet, mais c'était toujours mieux que rien. Puis, elle haussa légèrement les épaules à sa remarque, bien que dans l'obscurité, il était difficile de discerner son expression. Elle avait simplement accompli une bonne action après minuit passé.

« Pas aussi souvent qu’on le pense. Et j’espère que ça ne deviendra pas une habitude. »

Ouvrir sa porte à n’importe qui, pour prodiguer des soins n’était pas dans ses plans. Elle n’était pas une infirmière et ne souhaitait pas le devenir pour tous les adolescents bourrés des environs. Sa demeure n’était pas spécialement faite pour la charité et les mains tendues, à quelques exceptions près. Alors elle ouvrit la marche en direction de la maison, marchant à un rythme modéré au cas où il viendrait à tituber davantage, risquant de rencontrer non plus des plantes, mais le sol dur et ferme. Et ça, ça deviendrait un autre problème. Qui sait, s'il ne s'était pas cogné la tête également, elle devrait peut-être se tenir prête à appeler les urgences s'il voyait des étoiles et crachait du sang ? C'était peut-être un peu exagéré, mais elle n'avait pas assisté à sa chute pour évaluer les dégâts réels.

Calliope laissa échapper un petit rire alors que le coupable des fleurs cherchait à faire amende honorable. Il avait peut-être bu, mais elle appréciait tout de même la démarche, même si elle doutait que les graines puissent être retrouvées si facilement dans les prochains mois.

« C’est une espèce rare qu’on ne trouve pas dans les environs... et je ne suis pas certaine que vous ayez idée de leur prix... »

La fleur de Kadupul était inestimable, non seulement pour sa beauté, mais aussi pour son existence éphémère. Son prix avait été évalué jusqu'à 5 000 euros chacune, et rien que la graine en valait la moitié. Calliope avait dû serrer les dents et accepter de faire des concessions pour pouvoir se les procurer. Son amour pour les plantes valait bien quelques sacrifices. Elle préférait cet amour-là à celui des humains, même si cela finirait un jour par la perdre. Alors, bien sûr, il pouvait les lui rembourser, si son argent de poche le lui permettait. Elle se retenait de l'envoyer balader comme elle le devrait, car pour beaucoup, ce ne sont que des "fleurs". Un petit rire nerveux lui échappa rien que d’y penser, alors qu'elle poussa la porte vitrée pour le laisser entrer. Elle alluma la lumière et lui montra la cuisine au fond, où il put s'installer pendant qu'elle attrapait une trousse de soin dans la pièce voisine. Elle revint rapidement, déposant le revolver qu'elle avait oublié sur le bord de l'évier, attrapant un verre d'eau et le lui tendant.

« Allez, montrez-moi votre poignet. »

Avec le matériel médical étalé devant elle, Calliope observa l'état du poignet sans oser le toucher excessivement. Cependant, elle tapota délicatement une compresse désinfectante sur les quelques égratignures ici et là.

« Comme ça, votre frère vient d’emménager ? J’espère que ruiner les fleurs de son voisinage n’est pas une tradition familiale et que vous n’êtes pas nombreux à faire ça, sinon je vais avoir du mal à toutes les protéger. »

Elle doutait vraiment d'avoir assez de bandages pour tout le monde. Néanmoins, c'était une façon originale de discuter avec ses voisins et d'apprendre à les connaître. "Quel est votre passe-temps ?" "Oh, je piétine les plantes de ma voisine, c'est amusant."

« Il vient d’arriver quand ? Si ce n’est pas indiscret. »

Un voisin qu'elle avait peut-être entre-aperçu lors de ses rares sorties pour ramasser le courrier, ou peut-être pas du tout. Malgré sa longue résidence dans les environs, Calliope ne connaissait pas nécessairement tous les résidents du quartier. Elle ignorait même le nom du couple vivant en face de sa salle de bains, et c'était peut-être mieux ainsi, compte tenu du nombre de personnes qui vivaient dans le coin.

Cependant, les questions de Calliope restèrent sans réponse. En fait, à y regarder de plus près, elle remarqua qu'il semblait gesticuler beaucoup plus qu'au début. Cela rendait le nettoyage de ses plaies plus compliqué. Avait-il des échardes de verre dans le dos ou avait-il été en contact avec de l'insecticide ? En relevant la tête pour mieux l'observer, elle constata qu'il était anormalement pâle.

« ça va ? s’enquit-elle »  

Habituellement, de telles questions appellent des réponses simples comme "oui", "non", ou même des commentaires tels que "pas trop mal, merci", ou "il fait un peu chaud, n'est-ce pas ?". Calliope s'attendait à une réponse de ce genre, mais celle qu'elle reçut ne lui laissa guère de temps pour réagir, provoquant ainsi une véritable catastrophe. Difficilement, elle se retint de déglutir à la vue de tout ce qu'il avait pu boire et manger auparavant. Quelle nuit de merde, c’était peut de le dire.  

« Ça va... ce n’est pas grave... »  

Lorsqu'elle s'entendit prononcer ces deux mots, "Inspire, expire", Calliope les articula d'une manière légèrement hésitante, presque sans conviction, comme si elle devait les dire pour elle-même, pour lui, pour eux deux. Ces mots formaient un mantra qui était censé les calmer. Cependant, elle ressentit un supplice presque surhumain. Malgré cela, elle réussit à se déplacer jusqu'à la cuisine, où elle prit un morceau de papier pour se débarrasser des fragments accrochés à ses orteils. La vision et l'odeur la firent presque vomir. Décidément, c'était une série de malchances. De plus, elle avait encore un autre problème, plus urgent, à gérer après cela.

« Hé, gamin, respire. Rien de dramatique. »  

Elle se remettrait de tout ça, et sa peau aussi, un jour. C'était une anecdote amusante à raconter à son frère, en plus du massacre de ses plantes. Devait-elle ajouter ça a sa note de frais ?

« Jette un œil dans le salon, manquerait plus que tu recommences. »  

Elle se dépêcha de récupérer une éponge et un seau sous l'évier, prête à nettoyer à nouveau. C'était une corvée qu'elle n'avait pas prévue pour la journée, surtout après avoir mangé du risotto la veille, mais elle avait besoin de courage pour affronter la scène du crime sans rendre son repas.

« Tu es toujours avec moi, ou tu vas t'évanouir ? Mon kit de soin n'est pas assez grand pour ça »  

De toutes les probabilités du monde, celle-ci n’entrait pas dans la liste des situations qu’elle s’attendait à vivre au moins une fois. Nettoyer en pleine nuit du vomi et prier pour ne pas être la prochaine sur la liste. Sacrée soirée, autant pour lui que pour elle finalement. Peut-être aurait-elle dû sortir hier soir, prendre un verre et s’éloigner de la maison, cela lui aurait évité de faire face à un tel carnage. Ou pire encore, ce serait elle qui se serait vautrée dans ses propres plantes, vomissant partout.

Un soupir lui échappa des lèvres. Sûrement, s’il regardait ailleurs que sur la scène de crime aux couleurs inconnues et étranges, cela lui éviterait d’avoir des remontées et de recommencer à rendre le peu qu’il y avait dans l’estomac. Bien que l’odeur restât persistante.
Là où elle espérait qu'il se tienne tranquille, évitant soigneusement de recommencer, elle le suivit du regard alors qu'il exprimait soudain le désir de l'aider, bien qu'elle fût certaine qu'il ne tiendrait pas debout bien longtemps. Finalement, il n'était peut-être pas un cas désespéré. Du bout des doigts, elle désigna le placard à droite pour l'essuie-tout.

« La prochaine fois que vous voulez rencontrer votre voisine, passez par la porte, je vous en prie. »

"Et soyez sobre," voulut-elle ajouter, mais elle s’abstint, de peur que cela ne déclenche un nouvel accident. Il ne manquerait plus qu’il bâtisse chaque partie du sol de son passage.

« Ne m'en voulez pas trop si pour l'instant j'ai un peu de mal à croire ce que vous me dites. »  

"Mieux éduqué," un petit sourire se dessina sur le coin de ses lèvres. Sûrement, oui, cela devait être le cas. Enfin, elle l'espérait secrètement, car elle n'était pas certaine d'avoir suffisamment de papier à disposition si elle venait à les inviter à prendre un verre de vin. Et d'ailleurs, ce ne serait peut-être pas une bonne idée ; tout le monde au soda ou à l'eau, bien moins de risque que l'estomac fasse des siennes.
Calliope soupira, grinça des dents et fit de son mieux pour tenir le coup. Heureusement que ce n'était pas sur son tapis fraîchement sorti du lavage.

« Combien de verres avez-vous bu, bon sang ? Vous essayez d'oublier un chagrin d'amour ? »  

Combien de verres. Combien de litres. Il y en avait beaucoup trop à son goût. Si ce garçon avait le cœur brisé, aucun doute qu’il devait être noyé sous une montagne d’alcool depuis le temps. Calli usa de toutes ses forces possibles et inimaginables pour ne pas tourner de l’œil, pour faire abstraction de cette odeur. Elle avait l’impression que cela lui resterait coincé entre les narines jusqu’au lendemain. Quelle joie. En revanche, elle ne releva pas les petites informations qu’il laissa planer, comme le fait que son frère soit un avocat et son compagnon un homme extrêmement riche. Ces personnes-là ne vomissaient pas, ou alors il vomissait des diamants.

Elle frotta silencieusement, une oreille attentive à ses mots qui s’échappaient. Un anniversaire, ok, d’accord, c’était déjà bien mieux que sa première idée, mais ça n’empêchait pas le niveau avalé. Une grimace légère envahit son visage, suivie d’un bref petit « Oh... Désolée. » qui s’envola dans un murmure. Aucun moment n'était plaisant de se retrouver dans une fusillade. Elle ne pouvait qu’imaginer ce qu’il avait dû ressentir et, l’espace de quelques secondes, se sentit stupide de l’avoir braqué à son tour en le prenant pour un cambrioleur. Quand bien même elle n’aurait pu le savoir. Enfin, ce qui était fait était fait désormais.
Calliope hocha la tête en se débarrassant de tout cet amas dégoulinant et sortit d’un placard le balai en question.

« Je suis une femme seule dans une grande maison et j'avoue que c'est la meilleure protection que j'ai pu trouver pour le moment. »  

Un aveu capté par son attention, elle rangea soigneusement ladite arme dans le premier tiroir disponible, afin de ne pas le mettre encore plus mal à l'aise en la laissant à la vue de tous. Elle n'avait pas vraiment besoin de se justifier, mais elle le fit quand même. Elle était sur le point d'aller chercher le certificat qui attestait qu'elle pouvait légalement en posséder une, et qu'elle ne devait - sous aucun prétexte - tirer sur le premier venu. Même si cette dernière partie pouvait facilement être mise de côté en cas de grande nécessité.

« On m’a conseillé de prendre un chien, mais je n’aurais pas la patience en réalité de nettoyer ce genre d’incidents similaires... »  

Tout comme elle n’avait pas non plus envie de voir ses meubles se transformer en jouets où l’animal en question ferait ses dents. Tout sauf ça. Et puis, elle n’était pas certaine d’avoir réellement la fibre avec les animaux. C'était comme les enfants, elle insupportable à un moment.  

« Ou prendre des cours, mais jai une force assez faible. »  

Pour ne pas dire inexistante.  

« C'était...hum... un braquage ou autre ? commença-t-elle prudemment. Pas d'obligation d'en parler, simple curiosité mal placée »