(( eight )) prideful vibe | eliott

Ivresse lente, ivresse nouvelle – renaissance inespérée, grandiose opportunité qu'il empoigne à deux mains, sans hésiter. Ivresse lente, qui trouble de peu la vue ; qui anime la carcasse qui va et vient, qui s'attarde dans ces groupes qui se forment et se déforment. Happé, captivé par ceux qui lui sont chers, par ces présences qu'il réclamait à ses côtés pour célébrer la réanimation qu'on lui a concédé. La joie qui surplombe enfin tout ce qui aurait pu le ronger, les ombres écartées et les fardeaux délaissés. La fierté pour le faire briller, plus que ce costume dont la veste est finalement délaissée. Il va encore, vient de nouveau – les verres qui se vident et qu'il remplit dans la foulée. L'aisance, le cœur qui apprend à s'habituer ; c'est chez lui, son plus ancien rêve est exaucé. Et il vogue, porté par la marée humaine. On l'invite là, puis plus loin. On le présente à des connaissances, il se prend ses remous de compliments ; parvient à se rassurer. Un et entier, l'homme qui finit par reconnaître ce visage familier. Là, l'ami qui n'aura pas de mal à s'intégrer, qui ira très certainement d'âme en âme pour s'approprier quelques numéros, quelques noms, quelques opportunités. Le sourire aux lippes, l'approche délicate pour n'écouter que les conversations, assister ou non à quelques flirts discrets. Mais la discrétion est un concept qu'il ne possède plus, moins encore avec les chiens qui persistent à le suivre, qui bousculent quelques jambes pour ne pas le perdre ; trop fidèles et dépendants de ce maître qui a tendance à trop les choyer. « So... Go on, you came just to find something to eat tonight ? » Métaphore usée, osée. Métaphore dont il profite, Phoenix, osant un bref regard vers deux connaissances qui se sont mises à les guetter, un peu en retrait. Ça l'amuse, ça lui rappelle quelques soirées passées. Réminiscences du passé, de ces instants à ne craindre que les maux de tête qui auraient à sévir quand matinée aurait à se lever. Là, le bras qui se pose sur l'épaule, les pulpeuses qui sirotent ce qu'il emportait avec lui en lui venant. Quelques pas, le cœur de la foule qu'il leur fait quitter pour un peu de paix, un peu de sérénité – pour au moins s'installer, surtout lui, légèrement chancelant qu'il est déjà, maigrement débraillé. « It's your moment, man. What is the journalist thinking about this masterpiece ? » Les alentours qu'il désigne, le sourire accentué. Les alentours qu'il pointe d'un index rapide, avant que les coupes ne s'ancrent à la table, avant que l'attention complète ne lui soit tournée. « Hope you tried what I made already. » Le buffet désigné dans la foulée, de quoi alimenter les critiques du journaliste – de quoi rassasier l'ami qui s'est présenté. « How you're doing, by the way ? » Et le dos qui s'apaise enfin, qui rejoint le confort du dossier. L'instant qu'il lui offre, comme il a pu le faire avec tant d'autres déjà – parce qu'il y tient, parce qu'il se doit de leur souffler : « Thanks for coming, man. Really. » Sincère, instinctif merci qui s'échappe de l'endocarde pour résonner.                





   

Sourires s'échangent, sourires flamboient. Dans le regard, l'ivresse de l'euphorie. Sous les couleurs dépareillées, cette éclaircie radieuse et improbable – plus lumineuse que les sphères qui scintillent au-dessus des silhouettes emmêlées. Sourires. Sourires auxquelles il se raccroche, imprimant chaque attention dans la mémoire trop sollicitée, tremblante sous l'alcool déjà installé. L'assise, le souffle, la main au ventre avant que le verre ne tinte sur la table, avant que les places ne soient prises pour pas en bouger. Pas de suite. Pas encore. Il savoure ces attentions, ces remarques, ces mots qui font chaud au cœur à peine pansé, craintif des présences qu'il a invité puisque certaines ne devraient pas avoir à se croiser. Conscience s'effraie un instant, puis oublie les faits. Là, il sourit à ce qu'il en vient à lui confier – l'attention retenue, pour lui, pour la femme de sa vie qu'il n'a pas su faire rester. Pointe de mal sous les côtes, puis l'âme de nouveau captivée. Il se berce à la légèreté, Ledger. Il se berce à l'instant plutôt qu'à ceux qu'il vient tout juste de manquer. Il observe celui qu'on lui désigne, offre un bref geste de la main pour saluer les deux hommes éloignés. Sans honte, ce soir. Sans conscience pour l'oppresser, sans ces restes nauséabonds de ses jeunes années et des expériences qui l'ont fracassé. En paix avec lui-même, parce que l'un de ses rêves les plus chers en vient à se réaliser. Parce qu'il insiste sur ces compliments, l'ami qu'il n'espérait pas trouver il y a des années, cette épaule sacrée sur laquelle bien des mots se sont confiés. Quelques peines, fissures passées sous silence qu'ils n'oublient pas – mais qui restent, comme un lien de plus sur lequel reposer. « Meh, I don't deserve anything... » Un haussement d'épaules, l'âme s'exprime encore, plus en sécurité. Il n'a pas à prétendre, pas devant celui-là. Il ignore encore les secrets, les marques sanguines sur l'esprit malmené ; mais il sait, connaît les maux qui peuvent parfois ressurgir. « But I appreciate it, really. » Parce qu'il n'attendait rien, ne faisait que fanfaronner. Parce qu'ils sont si loyaux, ceux qui ont répondu présent à l'invitation qu'il lançait. Parce qu'il a cette chance inestimable, Phoenix, de pouvoir les compter parmi ceux qui n'auront pas à le blesser. Les émotions plus sensibles, l'alcool en accélérant sur ces sentiments d'ordinaire moins expressifs. Il l'essuie, la larme qui s'était imposée. « Fuck, sorry. I fuckin' tired with all of that. » Pour masquer la vérité, lui qui ne sait jamais réellement comment tout dévoiler. Un rire pour accompagner la gêne, l'impression d'être percée à jour pour tout ce qu'il aurait voulu depuis longtemps gueuler. Ô combien il est reconnaissant, Ledger, de tout ce qu'ils ont su lui apporter. Parce qu'il vit encore, pour ces espoirs qu'ils ont su placer en lui quand lui-même refusait d'y croire, ne serait-ce même que d'y penser. « Thanks, man... Thanks for... so much things. You know... yeah, anyway. You stay for the after later ? » Plus tard, passer les expressions de sentiments ratées. Parler de l'après, de tout ce qu'il tient à leur offrir. « Hey, did you said "future husband" ? »                  





   

Elle en devient enivrante, cette sérénité, mêlée aux effluves qui persistent à se pavaner. L'alcool flirte avec le sang et l'esprit ne peut qu'un peu plus y succomber. C'est un élan de fierté mesuré qu'il a craché, un rêve improbable auquel il cherche tant à se raccrocher. Il lutte contre ses démons, contre les voix incessantes qui rappellent les faits et les horreurs – le passé qu'il peine à oublier, qui reste ancré dans les corridors de son âme. Mais entendre ces mots, assister aux pétillements qui prennent les prunelles de ceux qui lui sont chers : ça l'apaise. Ça l'apaise plus qu'il ne l'aurait imaginé. Assez pour que conscience ne cesse de vibrer, assez pour qu'il parvienne à prendre en compte tous ces indices disséminés. Il s'emporte dans cette douce euphorie, le regard qu'il laisse traîner sur l'ami que le temps lui a donné. Là, il quémande ces nouvelles qu'il a manqué, les faits que celui-là vient de sous-entendre dans un élan presque effrayant de normalité. Fiancé, le Eliott avec qui il a tant parlé femmes et coups d'un soir quand les opportunités se présentaient. Les sourcils se sont froncés, mais le sourire n'en est pas moins sincère sur les lippes courbées. Les félicitations qu'il ne tarde pas à lui donner, cette tape sur l'épaule, cette très brève étreinte qu'il lui concède même. Heureux, Phoenix, heureux de pouvoir constater ô combien les lueurs savent précisément choisir leur cible. Le bonheur se tient à la portée de celui qui se tient à ses côtés, et il n'en espérait pas moins pour cette belle âme qui n'aspire qu'à davantage s'élever. Cette invitation, il y répondra forcément. Il l'accepte même dans la foulée, notifiant à l'intéressé qu'il compte bien se mêler aux prémices de sa nouvelle vie ; quand bien même Kit en serait en charge. Il prendra sur lui, il étouffera ses a priori et ses hontes. Il taira ses idées et ses songes le temps d'une soirée, en l'honneur d'un Eliott apprécié. Puis les prunelles finissent par se perdre, elles s'aventurent sur les silhouettes qui vont et viennent, sur ce tableau absolument parfait d'âmes chéries et adorées. La fille qu'il désigne, le sourire qui lui vient est instinctif ; loin d'être à forcer. « She was there, with her mom. And yeah... she loves it, maybe way too much. She said she wants to eat there everyday until the rest of her life. I've to be careful tho, I'm sure she could try to touch of the planets up by climbing on the tables upstair. She's... a fucking tornado, I don't know why. » Ses gênes à blamer, cette manie de trop la couver, trop la gâter aussi – précisément. Un rire pour ponctuer les faits, les prunelles bicolores qui rejoignent le ciel inventé qu'il a créé. Fier et satisfait. « I tried ma best. I wanted something like me, something on my own. And I'm glad it feels like it. » Ils sont nombreux à l'avoir dit, ils sont plusieurs à avoir noté cette partie d'âme qu'il concède à ces lieux. « So, what's next for you ? You're gonna search for a new house, a dog and shit to be the perfect family ? If it's the idea, I know someone in Chicago, he have a shelter for stray dogs. Fucker and Sucker were there before I take them. » Les chiens qui réagissent aussitôt, qui leur viennent pour réclamer les attentions prêtées. Eliott qu'ils viennent inspecter une énième fois, comme pour essayer vainement de comprendre les effluves d'une autre créature sur les vêtements de l'invité.                   





   

Grenade s'est dégoupillée, il n'a suffit que d'une histoire, d'une supposition quant à l'avenir pour que tornade puisse se déchaîner – et il écoute, Phoenix, avec toute l'attention qu'il est en mesure de lui concéder. Il lui offre cette oreille tendue, ces sourires amusés rien qu'aux images qui lui viennent en tête, cet avenir que celui-là serait à même de s'approprier. Il en a rêvé, lui, parfois. Ce n'était que des fantasmes, des parcelles d'une autre ligne temporelle, un aperçu de tout ce qu'il aurait pu s'approprier si la stupidité ne s'en était pas mêlée. Et les songes s'assombrissent, portés par le vent nauséabond des erreurs qu'il a commis, des bourdes phénoménales qu'il persiste d'orchestrer. Phoenix et son idiotie légendaire. Instinctivement, les traits s'abaissent, le cœur manque un battement. Il se concentre brièvement sur les rires, sur les conversations qui continuent de résonner – cet élan de vie qui s'immisce tout autour de lui, qui n'aspire qu'à l'enserrer. Il sait son avenir incertain, triste et teinté d'une solitude effrayante. Il sait son chemin déjà ruiné, parsemé d’embûches qu'il ne parviendra jamais à dépasser. Et pourtant, il cherche cette prestance, laisse la raison se frayer un chemin jusqu'à l'âme désorientée. Pas ce soir, pas ici – pas en sachant ce rêve qu'il est en train de réaliser. Il reviendra sur ses conneries, Ledger premier, mais il empoigne le répit qu'on est enfin à lui concéder. « You should come one day when all the animals are here, you'd love it. Your daughter too. » Une main tendue vers la réalité, l'instant présent qui se rappelle pour régner. Il a acquiescé par automatisme, Phoenix, plus qu'en ayant pris conscience de cette main encore tendue – de cette invitation qui s'est laissée réciter. Ils ont passé la frontière des connaissances, les deux hommes, et il croit l'avoir toujours eu à ses côtés – comme si cette dernière année durait déjà depuis une éternité. Il se sent en confiance, le tatoué, assez pour ne pas regretter d'avoir tout accepté. « Love the names. must be hilarious to hear Willow call them in public. Please record other people reactions next time. I'd pay to see this. » Légèreté reprend ses droits, elle instaure sa gouvernance sur l'entièreté de son être. L'encéphale s'y noie, plongé dans cette brume tendre qui serpente jusqu'à pleinement le conquérir. C'est un rire qui brave les lippes, un tintement un peu plus serein que par le passé. « I'll do that, you're gonna love it. The old ones are hilarous most of the time, they've got that look, you know, like if they were offended ; it's like she was talking to them instead of the dogs. Oh man... I was run out of idea but now, I think it's fucking perfect. » Le regard y dévie, sur ces chiens qui persistent à le suivre comme s'ils n'étaient que des ombres. Ils sont ce tout qui constitue désormais son quotidien, chacun d'eux devenant une part de lui. Fier, Phoenix, d'avoir pu offrir une vie décente à ces petites âmes là, à défaut de parvenir à sauver la sienne. « I've her every weeks end, I'll tell you when we can do that if you want. Une courbe aux pulpeuses, mais un songe de tristesse qui se dévoile au regard. Il regrette, Phoenix. Il regrette tant ce qu'il commençait à s'approprier, cette vie rangée dans cet appartement ordonné et coloré ; aux côtés d'une fille curieuse et pleine de vie, aux côtés d'une femme que le cœur refuse de laisser s'échapper. Yeah, we're gonna do that. » Une main à l'épaule, il feint la prestance pour parer aux interrogations. Il feint cette jovialité totale, Phoenix, pour taire la noirceur qui parvient encore à le guetter. « Your friends who got all these animals, they're... ? You know ? With men too... ? » Phoenix et son idiotie, le grand retour – l'éternelle remontée vers le tact maladroit et dérangé.                    





   

Bombe lâchée, le rappel de cet esprit encore dérangé – la honte qui perle du regard, en un éclat brisé. C'est une lueur sombre, malmenée, fissurée de toute part ; un halo où traîne encore quelques images que les nuits sans sommeil s'amusent à rappeler. Le dégoût aux tripes, l'infamie de cette intolérance qu'il ne parvient pas encore à chasser ; il a tant perdu, Phoenix, dans cette perdition qui condamnait jusqu'à sa conscience et l'accalmie qu'il a tant prié. Il a accepté, pourtant. Il a pris la décision de s'y risquer, d'avancer un peu plus au devant de ce qui l'effraie – la peur d'être vu tel qu'il fut malgré lui, quand la conscience s'asphyxiait. Il a tiqué, discrètement, sans se faire remarquer. Il essaie de laisser les réflexions se faire, mais l'alcool dépose sa brume sur les lignes de ses songes. Il n'y a plus que l'instinct qui règne encore, rien que cette impulsivité – les volontés et l'amitié qui gagnent la bataille, le reste qu'on relègue aux tréfonds de l'être embrumé. Il a accepté, Phoenix, parce qu'il tient à entretenir ce lien qu'un jour hasardeux lui proposait. Il a accepté, s'y tiendra, même avec tout ce que celui-là en vient à lui concéder. Ces connaissances, ce cercle bien à lui qui reflète l'ouverture d'esprit dans laquelle il se baigne avec aisance et fierté. Puis le nom du frère, l'intérêt qui ne peut qu'un peu plus s'y porter. Sosthene qu'il suppose et c'est le frère qui dépose son attention sur l'ami qui se tient à ses côtés. L'instinct protecteur, le besoin de tout savoir, tout voir, tout appréhender en ce qui concerne celui qu'il croit être le plus à protéger. Puis l'autre prénom qu'il en vient à prononcer. Llewyn sur qui il enchaîne, la surprise qui se teinte sur les traits comme il ignorait la relation de ces deux hommes qui lui sont, à chacun leur degré, bien trop importants. Surpris, rassuré en partie. Rassuré d'imaginer Llewyn aussi bien entouré, conscient de la bonté dont celui-là peut être doté. Rassuré, le grand frère qui s'abstient mille et une questions aussi ravalées. Amusé, enfin. Amusé par cet élan poétique qui s'impose – cette magnificence qui guide une nouvelle fois à ce monde qu'il a souhaité leur dévoiler. « That was so smooth. » Pour moquer, pour remercier en une note implicite plus qu'appuyée. « Mate I’m so glad we met each other. You’re such a fucking beautiful soul. I’m lucky you’re my friend. » Un sourire, la rougeur aux joues déjà bien embrasées – rongées à l'alcool qui flirte avec le sang et les sens. Un sourire, avant que la main n'ait à se lever. « Ah... C'mon. » Dieu qu'il voudrait y croire, Ledger premier. Dieu qu'il voudrait pouvoir prétendre à ces mots, mais la vérité est plus froide, plus dérangeante. Elle saccage la balance entre bien et mal. « Don't try that with me, it won't work. I don't want to try anything with you. » Légèreté dont il use pour parer à tout ce que le cœur aurait alors à confier de remerciement, d'effluves étranges de reconnaissance ; les mots manquent pour s'y risquer, l'endocarde est trop plein, trop endommagé pour parvenir à se stabiliser. « Just, do me a favor. Don't change. You're the one with the best soul here, end of the story. » Le verre qu'il lève dans la foulée, qu'il finit d'une traite encore ; essayant de ne rien laisser percevoir quant à ce qu'il peut bien y ressentir. Vérité qu'il vient de lui dresser, parce qu'il est trop rongé aux secrets qu'il ne peut réellement partager. Il ne le qualifierait pas ainsi s'il savait ; mais il refuse de prendre le risque de tout gâcher. Parce qu'il l'a accepté, Eliott. Il lui a tendu la main, lui aussi, malgré les a priori du tatoué sur bien des choses qu'ils ne partagent pas spécialement. Il l'a accepté, lui dans son entièreté. « And keep an eye on my brothers then, as you know them two. I know I can trust you so... when I can't, do it for me. »