When the future is hopeless, the present takes on a vile bitterness ♱ Wesley Cupp

♱ When the future is hopeless, the present takes on a vile bitterness ♱

dum spiro, spero

Un soleil brûlant s’étendait sur Détroit en ce matin pourtant frais. La ville s’activait progressivement. les habitants traversaient les rues pour se rendre à leur travail, policiers et médecins se hâtaient pour rejoindre leurs bâtiments. Les trafiquants cachés dans les recoins du cimetière sur Eight mile road devaient rentrer chez eux après une nuit, sûrement, fructueuse. Si Détroit avait un aspect chaleureux tôt le matin, ce n’était pas le cas. Une façade. Voilà ce qu’était réellement cet endroit. Son masque finissait pas tomber lorsqu'on commençait à s'acclimater à celle-ci ou plutôt lorsqu'on comprenait qu'elle avait pour but de tout vous prendre.

En attendant, la chaleur qui se répandait sur le visage de Lola était agréable. On en oubliait presque que cette ville était une peine perdue torturant les âmes en son sein. Un café à la main et une cigarette dans la bouche, Lola admirait le paysage devant elle, assise sur son banc. Admirer était un bien grand mot. Elle était perdue dans ses pensée. Les images de la veille tourner en boucle dans sa tête. Elle savait que travailler dans un bar, surtout ici, n’était pas une partie de plaisir. Après plusieurs semaines, elle avait pris ses marques, mais l’imprévisible rôdait toujours, prêt à sortir ses griffes. Elle avala une gorgée de son café alors qu’elle grimaçait de douleur.

Une coupure de quelques centimètres arpentait sa lèvre supérieure. Elle pouvait encore goûter le sang dans sa bouche, métallique et salé. Comme un brin d'amertume amer et acide. Ce n’était qu’une petite entaille et pourtant elle la faisait plus souffrir que le bleu qui entourait son œil gauche. Et dire que cette fois-ci, elle n’était pas l’instigatrice de la bagarre. Elle avait tout de même pris cher. Elle avait l’impression que son cœur battait dans son visage. Ressenti assez désagréable, mais elle était trop bien installée sur son banc pour se lever et acheter de quoi se soigner à la pharmacie. Bizarrement, le soleil aidait un peu.

Elle vivait la nuit, donc elle en oubliait presque les sensations que procurait la lumière du jour. Elle s’était transformée en animal de nuit. Vivant peu, insomnie sur insomnie. En regardant les gens passés devant elle, elle avait cette impression de vivre au ralenti. Tout le monde avait l’air pressé et tendu. Elle était étonnamment calme comparée à eux. Calme pour quelqu’un qui avait été passer à tabac, plus ou moins. Ça aurait pu être pire. Quelque part, elle était chanceuse. Mais, ce matin-là, elle se sentait en vie. Le sang qui pulsait dans son visage accentué le fait qu’elle était bel et bien vivante. Un doux sentiment. Alors qu’elle expulsait la fumée de sa bouche, elle pensa à voix haute.

« Détroit, t’es une sacrée connasse. »

by delirium

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Divine violence

Ce matin-là, Wesley se rendait à un rendez-vous professionnel, interroger un témoin pour un article. Plus le temps passait et plus cette sensation de vacuité lui tenaillait le corps. Il repensait sans arrêt au tirage des cartes de Riley, à leur discussion ensuite, et l’idée d’évoluer, d’aller voir ailleurs, de changer radicalement de vie le titillait de plus en plus.
Il pensait à tout cela en coupant à travers un parc, ce que son téléphone affirmait être un raccourci vers le lieu de rendez-vous. Sauf qu’une fois au milieu des arbres, sur ce sentier bordé par des bancs tagués, des poubelles qui débordent et des déjections canines, il perdit le signal.
— Saloperie de…
Commença alors la danse de l’utilisateur frustré, qui consiste d’abord à secouer l’appareil puis à le lever, le déplacer autour de soi d’une manière ridicule, afin d’essayer de retrouver un peu de connexion 4G. Tout ce manège, Wesley s’y adonne devant un banc sur lequel se trouve une femme qu’il ne remarque pas tout de suite.
Passent une minute, deux peut-être, avant qu’il n’abandonne et ne soupire, frustré. Son bras s’abaisse, se laisse tomber le long de son corps. Alors seulement il l’avise et se dit qu’il pourrait lui demander quelques indications, ça ne coûte rien et…
Et il remarque sa lèvre fendue, son visage gonflé.
Son cœur loupe un battement dans sa poitrine. La plupart des gens passeraient leurs chemins mais même si elle parait calme, Wesley n’est pas du genre à ne pas proposer son aide. Il déglutit et approche en essayant de ne pas paraître menaçant. Est-ce qu’elle s’est faite agresser par un homme ? Peut-être. On peut tout imaginer.
— Bonjour. Je m’excuse de vous déranger, je… me suis perdu et enfin, bon on s’en fout, ce que je veux dire c’est que… est-ce que tout va bien ? Vous avez besoin d’aide ?
Parfois, une main tendue suffit. Elle ne semblait pas en détresse mais elle intériorisait peut-être juste bien ses émotions.

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But it’s no use, it’s a dream to be broken. I run and run, but I’m not getting anywhere. Just burn me out, yes keep pushing me away. This is a fool, crazy in love, chasing in circles

--- Sweet smiles, while dominoes keep falling.

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@wesleycupp

dum spiro, spero

Les matinées à Détroit n’avait rien de bien excitantes. Mais Lola prenait un malin plaisir à observer les êtres courir dans les rues du eight mile road. On ne pouvait pas parler de réel plaisir, mais plutôt d’un passe-temps. Une maman qui hurlait après son enfant, un chien qui échappait à son maître et.... et un homme qui pétait un câble avec son téléphone. Il y avait de tout dans ce Détroit en feu. Même si Lola avait l’attention d’un poisson rouge, elle ne pouvait s’empêcher de regarder le spectacle de l’homme en face d’elle. C'était parfois passionant et rassurant d'imaginer la vie des autres. Dans ce cas-là, Lola se nourrissait de la misère de cet humain, de ce personnage qui lui cachait allègrement le soleil.

Tout en buvant son café, maintenant froid, elle contemplait le rituel du gratte papier. Elle voyait en lui un travailleur de bureau. Il n’avait rien d’un médecin ou encore d’un policier. Ou alors il le dissimulait bien. La scène durait encore et encore. Les secondes passées alors que ce dernier s’adonnait à une danse assez ridicule. Mais ce fit rire Lola. Alors qu’elle appréciait les mouvements rythmiques de la personne face à elle et peut être un peu le désespoir qui prenait petit à petit place, voilà qu’il se tournait vers elle. Elle haussa les sourcils, se demandant pourquoi il la regardait comme ça. Elle avait quelque chose sur le visage ou quoi ?
« De l’aide ? »

D’un geste presque automatique, elle porta ses doigts à ses lèvres, ressentant à nouveau la douleur de cette fine coupure. Merde. Elle avait déjà oublié les péripéties de la veille. Elle ne pensait pas qu’une personne allait s’arrêter et lui demander.
« Oh non, ne vous en faites pas, ça a tendance à arriver dans les bars quand deux gars se battent. Ils n’ont pas peur de taper sur tout ce qui bouge. »

Disons qu’arrêter une bagarre ne faisait pas parti de ses tâches, mais s’il venait à casser la propriété du bâtiment, il risquait de fermer le lieu pendant un certain temps et elle avait besoin d’un salaire stable. Apparemment, un bleu et une coupure étaient le prix à payer.
« Par contre, vous avez l’air d’avoir plus besoin d'aide que moi ! »

by delirium

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Divine violence

La femme sur le banc semble surprise qu’il lui propose de l’aide. Wesley se retient d’utiliser le mode miroir de son téléphone afin de la mettre face à son reflet, qu’elle comprenne pour quelle raison il en vient à l’interpeler à ce sujet. Il a suffisamment assisté à des bagarres ou encaissé quelques coups pour reconnaitre des blessures fraiches quand il en voit.
Ce qu’elle lui explique ne le rassure pas trop. Inquiet, il fronce les sourcils en comprenant qu’elle avait été impliquée dans quelque chose de plus grand qu’elle.
— Une bagarre de bar ?
Un coup perdu, ça arrive mais là, il doutait que ça se réduise à un seul coup. Soit elle avait participé, soit quelqu’un l’avait tabassée et elle n’osait pas en parler. Wes aurait dû se mêler de ses affaires, d’autant qu’il allait faire poireauter son témoin mais son côté chevalier servant ne pouvait décemment pas accepter de laisser seule une potentielle femme en détresse.
— Je ne capte plus le signal du GPS de mon téléphone du coup il tourne dans le vide et je ne sais pas par quel sentier je dois sortir du parc pour arriver à mon rendez-vous. Rien de dramatique.
Il insiste sur le mot « dramatique » en continuant à détailler son visage.
— Vous avez été à l’hôpital ?
Bête question peut-être, surtout dans un pays où les assurances santé coûtent cher et où les dispensaires sont débordés. Sauf qu’elle avait peut-être besoin de points de suture, d’un scanner ou d’un médicament, plus simplement. La grimace de douleur quand elle avait touché son visage ne lui avait pas échappé.
— Je ne veux pas m’imposer, désolé si je parais bizarre mais vu l’heure et votre tête, franchement, je trouve votre situation un peu inquiétante et je m’en voudrais qu’il vous arrive quelque chose juste parce que personne n’aurait prit la peine de vous interroger et de vous proposer un coup de main. Je peux vous accompagner dans un dispensaire si vous préférez, au moins qu’il y ait quelqu’un avec vous si vous tournez de l’œil ou quelque chose comme ça…

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@wesleycupp

dum spiro, spero

En venant à Détroit, Lola était loin de s’imaginer qu’elle rencontrerait un jour un preux chevalier – à pied et pas à cheval, on ne pouvait pas tout avoir – qui viendrait la secourir. Elle n’avait pas grandi en regardant les fims Disney, mais elle mettait sa main à couper que, l’homme en face d’elle, était la description parfaite du sauveur. Comment il s’appelait déjà le chevalier à l’égo surdimensionné dans Shrek ? Enfin bref, c’était lui. Elle rigolait légèrement intérieurement. Disons qu’il avait l’air d’avoir bien plus besoin d’aide qu’elle. Elle appréciait les préoccupations de Monsieur-je-ne-sais-comment-un-téléphone-marche, mais il pouvait passer son chemin.
« Je bosse dans un bar, deux gars se battaient, j’étais au milieu -elle le pointe du doigts- vos deux neurones arrivent à se connecter. »

Elle lui souriait, jetant sa cigarette au sol avant de l’écraser. La fraicheur du matin devait le rendre long à la détente. Elle ne savait pas trop à quoi il s’attendait, ils vivaient à Détroit. Rien ne décrivait mieux la ville que son nom. Une personne sur deux avait dû se battre ou se faire battre. Elle était persuadée que de tel chiffre existait quelque part.
« Votre situation a l’air plus dramatique que la mienne. Amusante, en réalité ! »

Il fallait vraiment qu’il arrête de la dévisager comme si elle sortait d’une guerre avec un nez et une oreille en moins.
« Les hôpitaux ce n’est pas trop mon truc, surtout si c’est pour me donner du Tylenol ! Je passe. »

Elle n’arrivait tout de même pas à le cerner parce qu’il continuait d’insister. Réelles bonnes intentions ou syndrome du sauveur ? Elle doutait qu’il restait des âmes charitables à Détroit. Les intérêts personnels en premier quitte à vous marcher et à vous cracher dessus en passant.
« Écoutez – elle se redresse sur le banc – je vais bien et vous allez rater un rendez-vous ! Les gens dans cette ville, ils vous passent devant sans vous regarder et continuent leur route. C’est comme ça que ça marche ! Pourquoi vous ne faites pas pareil ? Vous avez visiblement un quotidien actif et des choses à faire, donc faites ! »

Manifestement, elle aurait dû fermer sa bouche parce que sa plaie commençait à saigner de nouveau. Elle s’empressa de l’essuyer avec sa manche de tee-shirt.
« Je vous jure, ce n’est rien ! »

by delirium

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Divine violence

L’inconnue semblait plus agacée que rassurée par la présence de Wesley, ce qu’il comprenait. Après tout, il était un homme, et sa gentillesse pouvait être mal interprétée.
— Dramatique, je n’irais pas jusque-là.
Il lui suffirait de retourner sur ses pas ou d’avancer en choisissant un chemin au hasard jusqu’à retrouver le réseau puis se réorienter correctement. On n’était jamais totalement perdu, dans une grande ville, on retrouvait toujours bien un lieu grâce auquel se repérer alors il ne s’inquiétait pas, pas plus que d’arriver en retard pour un rendez-vous professionnel. Certes, il avait besoin de ces informations pour écrire son article mais qui lui reprocherait d’être venu en aide à quelqu’un ? Hormis le dernier des connards, bien sûr.
Le journaliste avait conscience que son attitude, dans une ville comme Détroit, tenait de l’exception plutôt que de la règle et même si la plaie avait recommencé à saigner, la jeune femme continuait d’affirmer que tout allait bien. Puisqu’elle avait été blessée dans le cadre de son travail, que personne aux alentours ne lui voulait du mal et qu’elle insistait pour qu’il déguerpisse, il n’allait pas non plus s’imposer.
— Je ne fais pas pareil parce que ma mère m’a bien éduqué. Je suis désolé si je vous ai dérangée, prenez soin de vous.
Il lui sourit, gentiment, parce qu’il ne voulait pas non plus se montrer trop acide avec cette inconnue qui avait déjà dû passer une nuit difficile et il reprit son chemin comme il l’avait prévu : en marchant droit devant lui, essayant de se souvenir vers où menait le GPS avant de perdre le signal. Parfois, certaines rencontres brillaient par leur brièveté et ne nécessitaient pas de s’y attarder plus que de raison. Il avait voulu se montrer courtois, la demoiselle faussement en détresse n’en avait pas eu besoin.

Fin de l’histoire ?

HRP:

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Avait-elle été trop dure avec cet inconnu ? Lola continuait de le regarder alors qu’il s’éloignait dans le parc. Elle avait des difficultés à penser que l’humain avait une humanité et était réellement bon. Les expériences du passé avaient de fortes répercutions sur le présent et la vie de quelqu’un. Lola n’avait tout simplement pas confiance. Peut-être devrait-elle changer ça ? Il n’avait pas l’air complètement mauvais. Il s’était arrêté après tout. Maintenant, un aigre sentiment de malaise s’installa progressivement dans le cœur de Lola. Est-ce que c’était du regret ? Zut, elle ne pensait pas ressentir cela à nouveau dans sa vie.

Elle jeta le vieux café dans une poubelle proche du banc. Elle mit les mains dans ses poches avant d’emboiter le pas à l’homme. Voilà qu’elle passait pour une folle, mais une voix intérieure lui disait de le faire. Elle arriva rapidement à sa hauteur et se mit à ses côtés.
« Faites-moi penser à remercier votre mère si je la croise un jour – elle abandonna le côté déplaisant et sourit à l’homme – laissez-moi vous aider ! »

On aurait dit deux personnalités qui se battaient et la plus sympathique avait remporté la première manche. Elle oubliait parfois les bases de la civilité, donc il fallait qu’elle commence à se reprendre. Sa thérapeute ne serait pas contente si elle l’avait vu plus tôt. Des efforts. Faire des efforts.
"J’avoue... je n’ai pas été très gentille avec vous ! Vous avez visiblement de bonnes intentions et vous devez être en retard à cause de moi, donc je... m’excuse. »

Des mots qui brûlaient presque sa gorge. Sans aucune exagération.
« Je vous offrirais un café ou une clope après votre rendez-vous ! Enfin... si ça vous dis. Je pense que vous ne devez pas trop me porter dans votre coeur. »

by delirium

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Divine violence

Le journaliste s’attendait à poursuivre sa journée sans plus jamais revoir cette femme mais celle-ci le surprit en décidant de le rattraper après qu’il eut avancé de quelques mètres -peut-être dans la mauvaise direction d’ailleurs.
— Oh vraiment ne vous d…
Il ne termina pas sa phrase, recevant ses excuses sans s’y être attendu. Non pas qu’elle lui ait semblé impolie plus tôt, simplement sur ses gardes. Il cligna lentement des paupières puis entreprit de la rassurer :
— Vous ne me devez aucune excuse, mademoiselle. Je comprends que mon intérêt ait pu être mal interprété ou que vous ne vous soyez pas sentie en sécurité. Ça me rend triste comme situation mais pas tant pour moi que pour vous. J’ai conscience que vous devez vous protéger des hommes mal intentionnés.
Il en avait même une conscience aigue, peut-être parce qu’il avait beaucoup d’amies de sexe féminin, peut-être parce qu’il avait deux sœurs et une mère, peut-être parce qu’il était naturellement empathique, tout simplement, et surtout parce que ce n’était pas la première fois que sa gentillesse engendrait de la méfiance. Plus jeune, il s’était vexé mais il avait fini par simplement écouter et comprendre les raisons qui poussaient les femmes à réagir de cette façon.
— J’ai rendez-vous ici, expliqua-t-il en lui montrant l’écran de son téléphone où l’adresse était indiquée comme destination alors que le programme pédalait dans le vide. Vous connaissez ? J’ai vécu à Détroit toute ma vie mais il y a des quartiers que j’ai moins fréquentés que d’autres…
Et Eight Mile en faisait partie. En tant que blanc, il ne s’y sentait pas à l’aise et ne cherchait de toute façon pas à s’imposer où on ne voulait pas de lui. Il s’y rendait parfois pour le travail, pour enquêter et avait réussi à s’y faire quelques amis qui passaient au-delà des apparences mais il fallait plus que ça pour connaître un lieu.

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Surprise. C’était le mot adéquat pour qualifier ce début de journée. Une rencontre fortuite dans ce quartier de Détroit. Un quartier qui n’était d’ailleurs pas le sien. Les rencontres étaient le plus souvent faites le soir, tard, et rarement avec de bonnes intentions. Donc, la surprise était belle et bien présente. Elle était encore plus surprise par le fait qu’il ne tenait pas rigueur de sa mauvaise humeur maintenant dissipée. Il était étrangement compréhensif.
« Qui se sent vraiment en sécurité à Détroit ? – Elle rit – sans vouloir vous vexer, vous n’avez pas vraiment l’apparence de quelqu’un de méchant ! Je vous ai rembarré parce que vous me cachiez la vue. »

Mais il n’avait pas tort sur plusieurs points. Il fallait se méfier dans cette ville empoisonnée par les êtres malveillants et perfides. Elle avait grandi entourer de personnes à la moralité douteuse et à l’éthique vague. Chaque humain qui frôlait ces ruelles décrépies était potentiellement malsain et abject. La méfiance était de mise. Mais bizarrement, elle ne se sentait pas en danger en compagnie de ce gratte-papier.

Elle prêta attention aux paroles de l’homme alors qu’elle se penchait sur son téléphone. Eight mile road était un véritable labyrinthe pour ceux qui ne côtoyait pas l’endroit.
« Ce n’est pas très loin, je peux vous y amener ! – elle leva un sourcil – je comprends que vous ne souhaitez pas vous aventurer ici, et je vous le déconseille. »

Elle parlait d’expérience. Elle invita l’homme à lui emboîter le pas alors qu’elle s’avançait en dehors du parc.
« Je m’appelle Lola, d’ailleurs – Elle le détaille du regard – Je suis trop curieuse pour ne pas vous le demander, votre rendez-vous, c’est pour le travail ? »

Elle avait tellement envie d’avoir raison qu’elle se devait de poser la question.

by delirium

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Divine violence

— Ça, c’est une bonne question, répondit Wesley avec un sourire.
Il aurait aimé vivre dans une ville où on ne risquait pas de se prendre une balle en sortant faire ses courses. Il aurait aimé vivre dans une ville sans racisme, sans discrimination, sans gangs qui imposer sa loi à tous les coins de rue, sans egos démesurés qui s’affrontent en oubliant les victimes collatérales. Pourtant, pas un instant Wesley n’avait pensé à déménager pour vivre ailleurs.
Il montra à la jeune femme l’endroit où il devait se rendre et, par chance, elle savait où cela se trouvait. Elle proposa donc de l’y accompagner.
— C’est bien aimable de votre part, merci ! Et je tiens à dire qu’il faut se méfier même des gens qui n’ont pas l’air méchant. Tenez, vous par exemple, vous pourriez très bien m’entrainer dans un piège et moi, preux chevalier dans l’âme, j’y foncerai tête baissée…
Il haussa les épaules, se rendant à la fatalité. Peut-être que cette Lola voyait en lui un pigeon qu’elle chercherait à dépouiller ou peut-être que non. Wesley choisissait toujours de voir le bon côté chez les gens, de se ranger à l’espoir plutôt que de laisser la noirceur du monde peser sur son moral. Autrement, il n’aurait pas pu exister et rester tel qu’il était. Il souriait toujours, blaguait volontiers, comme il venait de le faire à l’instant.
— C’est pour le travail oui, donc je suis attendu. Je suis journaliste, je vais discuter avec un témoin. Et vous, vous êtes barmaid c’est ça ? Ou agent de sécurité ?
Après tout, même si elle n’en avait pas la carrure, rien ne l’empêchait d’exercer cette fonction. Wesley prenait garde à ne pas donner dans le sexisme ordinaire, peut-être parce qu’il avait deux sœurs et plein d’amies, et qu’il se montrait à l’écoute.

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Le chaos constant qui se dégageait de cette ville était assez oppressant. Ce n’était pas l’idéal pour élever une famille ou même vivre seul. Pourtant, Lola ne se voyait pas vivre dans une autre ville. Aussi corrompue soit-elle, elle se sentait à la maison. Elle n’était pas la plus saine d’esprit, mais l’homme à ses côtés avait l’air de l’être, donc elle se demandait bien pourquoi il restait ici. Après tout, rare étaient ceux qui réussissaient à se défaire de l’emprise de Détroit. Il y avait des aspects positifs toutefois. La police avait du travail. Les journalistes aussi. Tout autant que les pompiers. Il y avait quand même des carrières qui excellaient dans cette ville.

Les mains dans les poches, elle continuait d’avancer sur les pavés qui commençaient doucement à se réchauffer. Elle se surprit à rigoler aux paroles de l’homme.
« Comment vous savez ? Je pensais que mon plan pour vous voler était infaillible. »

Elle ne roulait pas sur l’or, sa voiture était un taudis et son appartement avait une serrure qui fonctionnait une fois sur deux, mais elle ne se résoudrait pas à dépouiller les âmes bienveillantes de Détroit. Tout comme, elle éviterait de se frotter aux gangs.
« Ne me remerciez pas trop vite, l’arrêt de bus pour rentrer chez moi se trouve dans cette direction. C’est gagnant-gagnant pour nous deux ! »

Elle l’aurait aidé dans tous les cas, mais elle s’amusait à le tourmenter gentiment. Elle ne fut pas surprise lorsqu’il lui annonça qu’il était journaliste. Il avait la tête de l’emploi.
« Est-ce qu’il va vous aider à résoudre une enquête policière ou à élucider le crime du siècle ? »

Elle savait qu’il n’y avait pas ça dans cette ville, parfois, elle se demandait tout de même si ce n’était pas le cas. Elle regardait aussi trop de séries.
« Officiellement, barmaid. Officieusement, un peu des deux, apparemment ! Vous devriez venir au bar. Si vous saviez tout ce qui se dit et tout ce que les serveuses entendent. Vous aurez des articles jusqu’à la fin de vos jours ! »

by delirium

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Divine violence

— C’est l’métier ça ma p’tite dame, répondit-il en forçant le trait sur l’accent cliché du policier de carrière qui a tout vu, tout connu.
Wesley préférait simplement plaisanter avec les horreurs du quotidien, ça évitait de sombrer dans la dépression. Voir tout en noir, il évitait, autrement la mélancolie qui lui étreignait le cœur quelques semaines plus tôt risquait de revenir au galop et d’empirer.
— J’aimerais bien mais non, c’est juste un potentiel tuyau sur une énième affaire criminelle comme on en voit tellement chaque jour ici. Mon travail consiste principalement à récolter des informations et disons que 80% du temps, elles n’aboutissent à rien du tout.
Et cela lui causait beaucoup de frustration, dans sa jeunesse. En vieillissant, Wesley avait relativisé mais également perdu la flamme quant à son orientation professionnelle, raison pour laquelle il la remettait actuellement en question. Ça et l’influence d’une certaine voyante rencontrée peu de temps auparavant.
— Et c’est encore pire dans les bars. C’est pas tout d’entendre une histoire, il faut pouvoir la vérifier pour l’exploiter et là, ça devient à la fois complexe et dangereux pour la santé, croyez-moi. Vous travaillez dans quel bar ?
Peut-être qu’il connaissait mais pas sûr. En bon fêtard, il pouvait citer bien des établissements de divertissement sans pour autant se targuer de les connaître tous. Dans le milieu, ces choses-là changeaient vite et il avait ses points favoris. Vu la dégaine de la jeune femme et la violence qu’elle décrivait, il doutait qu’elle travaille dans un endroit très bien fréquenté… Malheureusement pour elle, mais il ne jugerait pas ses choix de vie. Au moins, elle avait un emploi, c’était déjà pas si mal.
— C’est cet arrêt de bus dont vous me parliez ? Si je comprends bien vous avez fait la nuit, je ne voudrais pas vous retenir et vous empêcher de vous reposer.
Il se souciait des autres, Wesley, il était ainsi.

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@wesleycupp

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Le journalisme, ce n’était pas trop son truc. Elle laissait ce genre de choses aux chercheurs de la vérité. Lola, elle connaissait la vérité de Détroit. Les gens tuaient, mentaient, violentaient, c’était comme cela. Ni plus ni moins. Elle était bien trop égoïste pour se soucier des autres. Sûrement qu’elle avait aussi trop de problèmes à gérer. Entre le bar, les problèmes d’argent et ses connaissances limites, elle avait assez à faire au quotidien.
« Si vous n’arrivez à rien dans mon votre travail, pourquoi vous le faites ? Il semblerait que vous ne réussissez pas à changer les choses ! »

Elle ne disait pas cela en mal, c’était une simple constatation. À quoi bon s’obstiner alors ? Pour faire ce qui semblait être juste ? La vie se moquait pas mal des injustices et des victimes, elle aspirait l’âme de tous ceux qui étaient sur son chemin. Une fatalité. Il n’avait toutefois pas tort sur les bars. On entendait beaucoup de choses, mais, parfois, ce n’était qu’une fraction de la réalité. Tout de même, il y avait du bon contenu à faire.
« En attendant, il y a souvent des histoires à vous couper le souffle. Vous n’imaginez même pas ! Et vous, vous ne pouvez que continuer à servir les verres en les écoutant. »

Et après tout, que pouvait-elle bien faire ?
« Je bosse au Good Luck ! Il est un peu plus loin dans le quartier. »

La violence était, certes, présente presque tous les soirs dans ce lieu. Un enfer pour les barmans, le paradis pour les chercheurs de merde. La preuve, elle se retrouvait avec une lèvre fendue. Cependant, ce n’était pas un quotidien qu’elle mettrait de côté. Elle aimait bien. Elle n’avait peur de rien. Peut-être qu’elle n’avait pas été encore confrontée au pire que pouvait offrir Détroit. C’était une question de temps.

En avançant, elle aperçut son arrêt de bus. Elle entendait l’appartement l’appeler. L’endroit où devait se rendre le journaliste n’était qu’à deux pas. Elle n’avait pas besoin de l’accompagner devant le pas de la porte.
« C’est ce bâtiment – elle lui pointe du doigt – bonne enquête, inspecteur ! Je suis certaine qu’on se recroisera. »

Dans de bonnes circonstances, elle espérait. Elle lui tendit la main en guise d’au revoir, mais pas d’adieu.

by delirium

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Divine violence

Pourquoi Wesley continuait-il ce job ? Et bien justement, il songeait à arrêter. Depuis sa rencontre avec Riley, il avait remis bien des choses en perspective et s’il n’avait pas encore sauté le pas, et bien… En fait, il ne savait pas trop pourquoi il ne l’avait pas encore fait. Sans doute se réveillerait-il un matin pour aller déposer sa lettre de démission sur le bureau de Lara, ou qu’il l’enverrait par mail à Archie puisqu’il était en charge du journal le temps que, ou alors à Eliott, enfin peu importe à qui, tant que ça soit acté. Peut-être attendait-il aussi de se trouver une autre voie, mais y arriverait-il en perdant son temps avec des affaires qui ne l’intéressaient même pas ?
— J’imagine, ça doit être tout un art ! Vous pourriez écrire des romans.
Il trouvait cela vendeur, une barmaid qui écrit des fictions en se basant sur les drames qui lui revenaient aux oreilles, ou même en partie sur sa propre vie. Rien que pour la communication, il y avait de quoi faire et Wesley imaginait déjà la tournure des articles à écrire sur le sujet. Hélas, aussi vite que l’idée lui vint à l’esprit, elle se dégonfla et il la chassa.
Ainsi, Lola travaillait au Good Luck. Wesley ne se souvenait pas y être déjà entré ou alors, dans un état bien trop alcoolisé pour que ça l’ait marqué. Il acta l’information en hochant la tête et se tourna dans la direction qu’elle indiquait du bout du doigt.
— Merci ! Je vous en dois une.
Il n’avait rien d’un inspecteur mais cette façon de le nommer l’amusait alors il n’allait pas la contrarier. Il lui sourit, agita la main et partit vers l’immeuble pendant que Lola allait prendre son bus. Il ignorait encore de quelle manière la vie les amènerait à se recroiser, si seulement elle s’en amusait, mais l’avenir lui révèlerait ce secret comme bien d’autre. En attendant et puisqu’il n’avait toujours pas posé sa démission, Wesley se dépêcha de grimper les marches menant à l’entrée du building pour ne pas prendre plus de retard qu’il n’en avait déjà.

Spoiler:

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‡ ▬ BEYOND THE VEIL ▬ ⚖