Notice when your back's against the wall • Maddox Kang

Les barrières de sécurité étaient posées, les mortiers calés pour que même un tremblement de terre ne les fasse pas chuter, l'installation des fils et des détonateurs connectés, mais Ezra n'était pas encore retournée à l'intérieur du penthouse. Elle avait passé l'après-midi à installer tout son matériel, il ne lui restait plus qu'à aller se changer et attendre que le moment arrive de tout faire péter. Elle aurait pu laisser les commandes au client, elle l'avait même proposé, mais ce dernier avait demandé à ce qu'elle reste, l'avait invitée à se mêler aux invités. Elle n'avait été qu'à moitié surprise dans la mesure ou les personnalités fortunées de Détroit faisaient de plus en plus appel à elle pour toute sorte d'évènements, mariages, rencontres commerciales, dîners d'affaires, les services de la demoiselle n'avaient jamais aussi bien marché et son compte en banque menaçait d'exploser. Sa banquière avait tenté de l'appeler pas moins de 17 fois le mois dernier, en laissant message vocaux sur mails mielleux, proposition de comptes épargne, d'investissements, d'actions en bourse... Autant de choses auxquelles Ezra ne s'intéressait pas le moins du monde. Et puisqu'elle n'était pas spécialement dépensière, le montant sur son application bancaire continuait de grossir. Elle avait toujours eu un train de vie aisée, mais ces derniers mois elle était passée à la barre au dessus, et elle avait parfois quelques difficultés à s'intégrer dans ce milieu ou tout semblait doré et hypocrite. Elle s'y accommodait toutefois, caméléon, et se trouvait de plus en plus invitée à quelques évènements, sans avoir à taper un devis avant. Alors ce soir, elle allait être à l'aise. Pas ravie d'être là, mais elle en aurait l'air.

Elle quitta finalement le balcon honteusement assez grand pour y accueillir une piscine afin de retourner à l'intérieur du penthouse, que des employés s'affairaient à terminer de décorer. Elle se rendit dans la salle de bain et se débarrassa de ses vêtements civils pour enfiler une longue robe noire élégante mais au décolleté assumé qui épousait parfaitement ses formes et une paire de talons de la même couleur, tous deux signés Saint Laurent. Elle passa ses doigts dans ses cheveux pour les arranger, ajusta son maquillage avec un rouge à lèvre pigmenté, et enfila des bijoux aussi chers que discrets. Son dressing commençait à devenir ridiculement exorbitant, d'autant plus que la moitié était dispersée dans la caravane pourrie de Junan. Une moitié qu'elle hésitait à aller récupérer, tant la tension était élevée entre les deux tourtereaux depuis l'avortement. A cette pensée, une boule d'angoisse se creusa dans son ventre. Avait-elle vraiment la force d'affronter les sourires hypocrites et les poignées de main avides, ce soir ? Voir, si elle n'avait pas de chance, les bises à la française devenues pratiquement obligatoires dans le milieu tant elles paraissaient chics ? Elle se regarda dans le miroir en soufflant, fourra ses vêtements dans un coin -avec l'autorisation du propriétaire de l'appartement, évidemment- et se décida à sortir.

Une heure plus tard, la totalité des invités était arrivée. Ezra en était à sa troisième coupe de champagne, la première ayant été sifflée en moins de dix minutes, les deux autres étendues durant le reste de l'heure. Elle avait serré des mains, accepté des bises, offert des sourires, et finalement les choses n'étaient pas si pires. Elle discutait même avec un potentiel client des types d'explosifs qu'elle pouvait lui proposer dans l'optique d'un film indépendant avec des moyens loin de ceux d'Hollywood mais pas dérisoire non plus. « [...] à distance. Pour l'occasion, j'emploie des petites mains, formées, sous ma responsabilité, afin que la sécurité soit optimale. » L'homme hochait de la tête, déjà conquis, lorsque son regard se porta sur une autre silhouette qui s'avançait vers eux. Un grand blond, les yeux bleus, un costume d'un gris qui rappelait une époque que plus personne n'espérait revoir. L'homme ignora Ezra pour serrer la main de son interlocuteur, qui eut la présence d'esprit de la présenter. « Monsieur Hofman, laissez moi vous présenter notre artificière, dont le travail n'est plus à présenter. » La jeune femme tendit la main à l'homme, mais perdit son sourire en voyant qu'il ne prit pas la peine de la serrer. Elle laissa retomber son bras. « Une femme ? Sauf votre respect, ce genre de choses devrait être mises entre les mains d'un professionnel, peut-être un vétéran de l'armée spécialisé ? » Ezra le dévisagea, les jointures blanchies à force de serrer son verre, mais sa voix était douce, calme. Terriblement linéaire. « Je suis parfaitement formée à la fabrication et l'utilisation d'explosifs. » « Je dirais même que mademoiselle Maalik est sur-diplomée, saviez-vous qu'elle pouvait travailler pour la NASA ? » Le visage du blond se tordit légèrement d'une grimace. « Maalik ? Comment peut-on choisir cette voie avec un bagage culturel pareil après le triste effondrement de nos précieuses Tours Jumelles ? » Ezra en avait vu beaucoup, elle en avait entendu des conneries, mais de ce genre, aussi assumées, jamais. Elle aurait pu, potentiellement, supporter ce genre de remarque, ou les ignorer, mais le contrôle de ses émotions avait complètement déraillé ces dernières semaines. Les doigts qui pressaient son verre de champagne finirent par briser le verre, qui éclata entre ses doigts. Une surprise pour l'hôte, une énième excuse à son détracteur pour l'enfoncer plus bas que terre, d'autant plus que quelques gouttes de champagnes et de sang s'étaient répandues à ses pieds. « Avez-vous la moindre idée du prix de mes chaussures ? Il n'y a pas idée d'être aussi maladroite ! Et vous voulez qu'on vous fasse confiance pour des explosifs ?! » Le bourdonnement dans les oreilles, le tambourinement de ses veines, l'entente bien trop prononcée de son souffle, et elle s'imagina lui planter le verre brisé dans ses deux magnifiques yeux bleus, les arracher de leurs globes... Au lieu de ça, elle posa calmement le restant du verre qu'elle tenait toujours, sur un meuble. Elle secoua ensuite une fois sa main dans le vide, pour se débarrasser d'une première partie des morceaux de verre plantés dans sa peau. Puis, elle releva les yeux vers Hofman avec un sourire, doux, naturel. Presque effrayant. « Voyez vous, monsieur Hofman, votre confiance... » Elle approcha doucement, jusqu'à se trouver toute proche de l'homme, obligée de relever la tête pour soutenir son regard, mais elle s'en foutait. « ... m'importe peu. Mais vous avez raison de vous méfier. » Lentement, elle leva la main pour l'essuyer sur le col du costume au prix probablement inestimable de l'homme. Elle enfonçait un peu plus les petits morceaux de verre dans sa main, mais elle s'en fichait. « Qui sait ? Je pourrais trouver votre adresse... » menaça-t-elle. Du vent. Jamais elle n'aurait fait un truc pareil, mais lui n'en savait rien. D'ailleurs il finit par réagir pour attraper son poignet et l'éloigner de son costume, les doigts serrés bien trop fort sur sa peau, commençant à attirer quelques regards d'incompréhension vers eux. « Vous me dégoûtez. Vous n'avez rien à faire dans mon pays. » Le sourire d'Ezra s'effaça, une haine profonde dans le regard, un rictus mauvais sur le visage. Une insulte à son père arabe qui, certes immigré, aimait ce pays plus que tout. Une insulte à sa mère, de qui elle avait hérité ses origines amérindiennes et dont l'âme de ses ancêtres souffrirait pour l'éternité. Son autre main, celle qui était libre, s'était serrée sous forme de poing. L'hôte ne savait plus où se foutre, figé, incapable de réagir. Et Ezra se voyait déjà fracasser chaque petit os de la mâchoire de cette grande gueule qui croyait que son argent l'autorisait à dire absolument tout ce qu'il voulait.

S'il m'arrive de rester seul le soir, au penthouse, un livre quelque peu intéressant entre les mains, ou un pinceau entre les doigts ; d'apprécier le calme ambiant. Ca m'est devenu bien plus difficile de profiter pleinement de ces moments paisibles, maintenant que je suis à Détroit. Maintenant que je la sais là, quelque part, tout proche, à portée. Quand l'envie de la séquestrer sommeille, pour mon bonheur personnel de l'avoir de nouveau à mes côtés, ou pour combler cette rage qu'elle a déclenché, immergée au plus profond de mon être. Rester en place et faire le vide, devenu quasiment impossible. Alors je comble mon temps de réunion business, de travail acharné, dans cette reprise au fil du temps de l'empire Kang ; d'investissement dans mon art et dans ces jeux de gang qui régissent la ville. Comble mes nuits d'événements mondains en tout genre, rencontres fortuites ou plus intéressées, ou d'occupations plus sombres. Cela dit Détroit manque d'éclat : difficile d'égaler la folie des grandeurs de Vegas ou New York. Les soirées ont parfois des allures un peu ternes, quand elles se veulent pourtant époustouflantes.

C'est encore le cas, là, ce soir. Assis sur un fauteuil tandis qu'un imbécile me fait la conversation. Recherche d'un intérêt qu'il n'obtiendra que partiellement. Histoire de ne pas vexer, histoire qu'il comprenne sans besoin de mots qu'il ne m'arrive pas à la cheville, avec son costume soi-disant de créateur et cette montre au poignet qui ne tourne plus. Lassé je finis par m'excuser, saisie l'opportunité d'une serveuse passant avec coupes de champagne pour me lever et m'éloigner, verre à la main. Les invités avaient été trié sur le volet, cela n'empêchait jamais à quelques misérables individus de s'infiltrer. Je tombe sur un couple rencontré à une autre occasion, connaissance devenue, faux-semblants de sortis. Ceux-là sont bien plus distingués, d'un conversation intéressante, utiles à conserver dans le carnet d'adresse. D'un échange calme et agréable, il vient être supplanté par celui voisin, ton un peu trop élevé provenant d'un homme semblant être l'abruti de service. Quelles absurdités ne faut-il pas entendre… L'hôte de l'événement mêlé à l'échange tente de calmer le jeu mais parait surtout dépassé. Un certain silence s'installe des quelques convives à proximité, tandis que la jeune femme part à la charge. A poser mes billes sur elle, j'ai un sentiment de déjà-vu. D'une nana croisée parmi les Black Crows, qui n'avait rien de cette élégance à la fois osée et délicate. Et quelque peu hargneuse, je me dois d'ajouter. La provocation gronde et je m'excuse auprès du couple qui ne cherche qu'à s'éloigner des querelles tandis qu'elles m'attirent. Sous les provocations de la femme, l'imbécile en vient aux mains, ose le contact quand il aurait mieux fait de filer.

D'un signe de tête, j'invite mon homme de main à sortir de l'ombre et venir à moi. Je m'avance vers le trio, parfaitement calme, un sourire de façade affiché à l'attention de l'hôte. L'homme fait partie de ces gens foncièrement bons, autant que la richesse peut permettre de le rester. Rencontré au sein de mon exposition, il a déjà acheté deux tableaux, accrochés ci-et-là. Au fur et à mesure des échanges, il en a même pris le statut d'ami, bien que le mot ne soit pas digne d'une grande importance à mes oreilles. < Eh bien Monsieur Mackey, vous savez pimenter vos réceptions. > Je lui lance nonchalant, veillant à me poster aux côtés de la jeune femme, peut-être un peu trop proche pour les convenances. Discrètement, ma main vient naturellement en barrage à ce poing s'étant formé, effleure sa peau pour l'inciter à rester sage, aussi bouillonnante soit-elle. < Je pense qu'il serait de bon augure que mon homme indique le chemin à prendre à votre invité. >  Jin attend patiemment là les ordres, silencieux, posté en retrait. < Je ne pense pas que ce personnage soit le genre de fréquentations que vous souhaitez afficher, si vous voulez mon avis. > Il n'y a en apparence que suggestions et recommandations, quand en-dessous la voix tonne. Le racisme n'est pas une chose que je tolère, pour en avoir été la cible par quelques inconscients. Toutefois le dernier mot revient à l'hôte, maître de sa demeure et de qui en foule le sol.

Rien à perdre, aucune réputation, aucune envie de subir pour la bienséance, aucune volonté de laisser passer les insultes, Ezra Maalik ne s'était jamais faite piétiner, les harceleurs, les détracteurs et les oppresseurs ne l'impressionnaient pas. Elle n'avait jamais fait partie de ceux qu'on enfermait dans les casiers, elle n'avait jamais fait partie de ceux qui enfermaient dans les vestiaires, elle était de ceux, rares, qui se dressaient face aux tyrans et leur apprenait l'humilité à coups de sarcasmes et grâce à son seul charisme. Et quand ils ne voulaient rien comprendre, qu'ils persistaient ou, pire, osaient lever la main sur elle, elle leur explosait la tête contre le mur. Mais à ce stade, ce n'était plus vraiment elle qui contrôlait la situation, plutôt la colère qui grondait en elle et qui menaçait de jaillir à la moindre injustice. Elle prenait parfois plus de temps, faisait preuve de plus de patience, puis elle explosait. Avec Hofman, c'était ce qui risquait de se passer. Elle pouvait accepter qu'on l'insulte, elle, pour ce qu'elle était, mais pas qu'on fasse des généralités de genre ou d'ethnies. Il avait dépassé les bornes.

La voix à ses côtés l'arracha à sa colère, comme un tunnel qui s'ouvrait brusquement. Son regard ne quitta cependant pas celui du nazi, surtout par habitude, celle de ne pas donner à l'ennemi l'occasion de frapper par surprise, même si les chances que ça arrive étaient maigres dans la situation actuelle. Elle avait finalement retenu quelques petites choses à force de se faire rétamer par plus fort qu'elle. « Je... Je suis confus... Je... » Hofman lâcha le poignet d'Ezra, prenant le soin de reculer non sans la regarder de haut en bas avec dégoût. « Pas besoin, je connais la sortie. Vous pouvez oublier notre accord pour la galerie allemande. » « Je m'en passerai. » réussit à dire l'hôte un peu trop gentil. Hofman lança un regard hargneux à Maddox, avant de quitter la réception sous les regards faussement discrets des invités qui avaient fait semblant de ne pas suivre la querelle.

Les épaules d'Ezra s'affaissèrent d'un coup, trahissant le poids énorme que lui avait valu la dispute. Elle soupira et passa une main -celle qui allait bien- dans ses longs cheveux noirs pour les rejeter en arrière, jetant un coup d'oeil à celle qui était blessée. Une observation que Mackey ne manqua pas et qui le fit pâlire, très mal à l'aise avec le sang qui en découlait. « Oh Ezra, je suis sincèrement désolé, je ne pensais pas... Pas comme ça, en public, je suis véritablement confus. » « C'est bon, c'est rien. » Sa voix avait été sèche, froide, un peu trop, et elle se radoucit aussitôt, conscience qu'elle ne déversait pas les restants de sa colère sur la bonne personne. « Ce n'est pas grave, vraiment. Je vais nettoyer ça au mieux, je m'en irai après les tirs. » Son regard se releva finalement vers Maddox, qu'elle ne reconnaissait pas. « Je suis désolée que vous ayez eu besoin d'intervenir, mais c'est apprécié. Vous êtes... ? » Visiblement sa main passait au second plan, et Mackey n'avait pas le bon sens d'aller chercher du désinfectant.

Voilà donc un peu d'animation pour pimenter ces mondanités. Les convives sont toujours plus intéressant à observer, dans de ce genre de situations délicates. Il devient aisé de repérer ceux ayant l'habitude de frôler les murs, prendre la fuite, des curieuses langues de vipères ou encore, ceux qui n'hésitent pas à prendre des risques en s'impliquant. Moi, en l'occurrence. Vraiment, Détroit est plus décevant de jours en jours. Je dois assurément ne pas fréquenter les bons milieux, je ne vois que ca. Les rebondissements manquent et la surprise est bien rare. Au moins en cet instant, mes deux éléments favoris sont réunis. L'autre imbécile qui ne sait pas se mordre la langue au lieu de prononcer des insanités pareilles. Et elle. Une femme déjà croisée dans un accoutrement bien différent, un quartier qui n'a rien à voir avec celui-ci. Une femme qui pourrait sans mal faire partie des misérables. Toutefois ce soir, elle manifeste bien plus d'éclat. M'intrigue alors. Il s'avère tout dans mon intérêt de prendre sa défense, autant pour l'image que les potentielles relations qu'elle pourrait m'apporter.

Sage décision que prend l'allemand, il relâche sa poigne sur la jeune femme, s'éloigne comme un grand sans plus argumenter. Un regard entendu à Jin, mon homme de main regagne sa place dans l'ombre, non sans prendre la peine d'escorter l'indésirable dehors. L'atmosphère plus détendue, je m'écarte respectueusement, récupère les distances de convenance avec l'étrangère. Plus en retrait, je n'interviens pas dans leur échange avec l'hôte qui se confond en excuses. J'observe plutôt, analyse la jeune femme et ses blessures somme toutes légères. < Maddox Kang. > Je réponds avec une politesse habituée. A défaut de lui serrer la main pour la saluer, je m'étais saisi d'une serviette fraîche posée sur un seau à champagne. D'un geste naturel je lui entoure doucement la main pour faire cesser le sang de couler, sans la relâcher. < Ezra, c'est bien cela ? > Je lui demande par courtoisie, afin de m'assurer qu'elle me permet bien de l'appeler ainsi. < Vous permettez que je vous accompagne ? Ces quelques morceaux de verre restant ne seront pas aisés à retirer d'une main. > Je propose, évoquant de toute évidence la salle de bain pour destination. La tête tournée vers notre hôte, je veille à le rassurer, homme un peu fragile et aisément perturbable. < Je m'occupe de la suite avec Madame, Monsieur Mackey. Ne vous en inquiétez plus, d'autres de vos convives souhaitent sûrement profiter de votre présence. >

< Maddox Kang. > Le nom ne lui était pas inconnu, au contraire. Nouveau bienfaiteur, nouveau partenaire, nouveau compagnon, les rumeurs allaient bon train, celles de son compte en banque également. Son affiliation à la Triade aussi. Elle avait du mal à réaliser comment une organisation criminelle aussi grande pouvait s'intéresser ou trouver profit d'une quelconque manière auprès d'un gang de Détroit, mais après elle n'était au courant de rien. Junan ne prenait pas la peine de l'informer de quoi que ce soit, probablement juste pour la garder en sécurité, ou une quelconque connerie du genre. Pour ce qu'elle y portait comme intérêt de toute façon... Elle chassa la pensée de son petit ami de son esprit, surtout arrachée à ses réflexions par la sensation de la serviette fraîche sur sa main. Alors, seulement, elle se rendit compte qu'elle avait mal. Elle fronça un peu les sourcils, observant le tissu se tâcher de points rouges, et se dit qu'elle aurait intérêt à bien garder tout ça propre si elle ne voulait pas risquer une infection. « Ezra Maalik. » ajouta-t-elle de la même façon qu'il l'avait fait. Qu'il se débrouille pour choisir comment l'appeler.

< Vous permettez que je vous accompagne ? Ces quelques morceaux de verre restant ne seront pas aisés à retirer d'une main. > Une proposition qui la surprit à moitié. Agréablement. Elle s'attendait bien à un geste galant de sa part, mais plus à l'appel d'un taxi ou quelque chose de ce genre. Même Mackey, qui l'adorait, n'avait pas émis la possibilité de risquer de se tâcher pour la débarrasser de ces petits morceaux de verre. Elle hocha simplement de la tête, imitée de près par Mackey qui était bien content de ne pas avoir à gérer ça. Elle se dirigea alors vers la salle de bain, attendit que Maddox y soit entré également et prit soin de la refermer, avec le loquet. Elle n'avait certainement pas envie que quiconque pénètre dans l'endroit et pose des questions, elle n'aurait pas eu la force de répondre. Son regard balaya la pièce, s'arrêta sur ce qui semblait être un meuble à bordel, et elle s'y dirigea pour l'ouvrir de sa main libre, cherchant ce qui pourrait s'apparenter à une trousse de premier secours. L'aide de Kang était appréciée mais elle n'attendait pas son bon vouloir pour agir, habituée à l'indépendance et l'autonomie. « Je suis extrêmement embarrassée par votre intervention. » Ses yeux noirs perçurent enfin la trousse et elle se dressa sur la pointe des pieds pour l'attraper, avant de revenir vers l'immense lavabo et de la tendre à Maddox afin qu'il se charge de la suite. « Dans le bon sens, je veux dire. Je ne pensais pas qu'il aurait l'audace... » Un petit rire sans joie s'échappa de sa bouche. « Toujours est-il que vous avez évité que la situation empire, et elle aurait empiré. » Parce qu'elle aurait probablement fini par perdre les pédales. C'était régulier chez elle en ce moment. « Je vous en dois une. N'hésitez pas à faire appel à moi à l'avenir si je peux vous rendre service. » Elle retira le torchon de sa main et constata les dégâts avec une mine légèrement déconfite, puis releva ses yeux sombres vers ceux de l'homme d'affaires. « Vous avez la patience ? » Morceau par morceau, tout ça risquait de prendre du temps à enlever.

Mackey prend la poudre d'escampette à la première opportunité et je ne peux retenir un regard quelque peu condescendant à son égard. L'homme probablement habitué aux situations bien lisses, à se voir tirer d'affaires au moindre accro par des personnes telles que moi. Qui n'hésitent jamais bien longtemps à s'emmêler dans un nœud, en particulier lorsque celui s'avère tout à fait charmant. Et qu'il peut révéler de précieux intérêts. La nature de prendre les problèmes en mains, mes apparitions ne manquent pas moins de réflexion. Gentleman je laisse la dame prendre les devants, nous guider vers cette salle de bain dont je ne connaissais pas le chemin et verrouiller la porte derrière moi. Verrouiller ? Une bref éclair de surprise traverse l'ombre de mes iris. L'attitude est peu courante ; accompagnée d'un inconnu la convenance voudrait de conserver cette porte de sortie entrouverte. Soit. Cela n'a pas d'importance ni n'éveille de quelconques idées déplacées.

Silencieux je m'adosse au mur, l'observe effectuer ses recherches d'une trousse de premiers soins. Discerne aisément son habitude à se débrouiller seule et à ne requérir que le strict minimum de ma personne. L'attention pleinement portée sur la jeune femme, prêt à venir en aide, l'œil discret qui ne peut éviter ces courbes qu'elle a soigneusement mis en avant. J'écoute ses mots, le déroulement de sa pensée avec un léger sourire. < J'ai bien constaté votre poing se serrer, oui. En d'autres circonstances, je ne vous aurais certainement pas retenu. > L'idée plutôt alléchante, qu'elle en mette une à cet individu imbécile. L'envie aussi, peut-être, d'y contribuer pour clôturer le faux-débat. Je me saisis de la trousse qu'elle me tend, tandis qu'elle constate l'étendue de ses blessures. J'en ressors une pince à épiler ainsi qu'une bande pour penser le sang qui pourrait couler. < Asseyez-vous au bord de la baignoire, que je m'installe sur ce tabouret. > Je lui indique, rapprochant ledit tabouret de la demoiselle. Je retire ma veste de costume pour être plus à mon aise, la suspend à un crochet. Je me place à ses côtés, équipé, interloqué par son offre. < Faire appel à vous ? Quels sont donc les services que vous proposez ? J'ai cru percevoir une certaine histoire d'explosifs ? > L'intérêt sommeille, la voix douce, l'attention focalisée sur la tâche à suivre. Le dos de sa main placée dans l'une des miennes, j'observe les morceaux de verre à retirer de sa paume, m'attèle à extraire les plus gros pour plus de minutie ensuite. < La patience est probablement l'un des traits me distinguant le plus… > Je lui réponds un peu dans le vague, d'une sincérité parfaite. La moindre de mes activités, mes préférées, me demande certainement une patience infini. La composition d'œuvres d'art, les détails du dessin, la précision de l'horlogerie, la traque d'une proie, la reconquête de ma femme…

Les convenances et la prudence n'ont jamais été les points forts d'Ezra. Elle savait parfaitement tenir son rôle en société mais elle restait une femme qui avait passé la moitié de son temps dans son van aménagé planté quelque part dans la nature. Elle aimait l'humain mais ne pouvait le supporter trop longtemps. Sa présence à Détroit avait explosé les records de tous ses arrêts citadins confondus et, à priori, elle n'était pas prête de repartir tout de suite. Alors là, tout ce qu'elle voulait, c'était qu'on lui foute la paix pendant qu'elle se faisait charcuter la main. Eviter toute possibilité de croiser n'importe qui pouvant rajouter une couche de ragots par dessus sa malchance du soir. Elle n'avait pas peur de Maddox, elle n'avait pas peur de qui que ce soit, la méfiance ne se levait que rarement dans le coeur de la jeune femme qui laissait le doute à quiconque elle croisait. Et puis parfois ça tournait mal et elle savait parfaitement se défendre. Elle ne réussissait pas à chaque fois, mais elle rendait coup pour coup, verbalement ou physiquement. « Croyez moi, vous avez bien fait de me retenir. Ma gestion de la colère est assez catastrophique. » Pourtant, elle restait lucide. « Je l'aurais frappé, il m'aurait frappé en retour, on se serait donné en spectacle comme des enfants -plus que ce qu'on a déjà fait, je veux dire- et il m'aurait probablement dominé parce que, soyons honnête, je n'ai pas le gabarit pour affronter un homme pareil. » Et elle aurait encore terminé sa nuit à l'hôpital ou dans une cellule.

Elle s'installa sur le bord de la baignoire en croisant élégamment ses jambes, les bords de sa robe remontant légèrement sur ses cuisses, et lui tendit la main. Son regard se perdit un instant sous la forme corporelle qui semblait se dessiner sous la chemise de Maddox mais elle détourna rapidement le regard, préférant reporter son attention sur les morceaux de verre qu'il allait lui retirer. « Je suis artificière. En principe, je m'occupe des feux d'artifice lors d'évènements quelconques. Mais j'ai étendu mes compétences, je fabrique mes propres explosifs, il m'arrive de travailler avec des entreprises de démolition ou des plateaux de cinéma. Et je vous assure que lorsqu'on ne vient pas me cracher des propos racistes à la figure, je suis très agréable. » conclut elle avec un petit sourire en coin. La confiance, le charisme et la ruse éclataient rien que par ce sourire pourtant anodin, des caractéristiques dont la jeune femme avait parfaitement conscience et qu'elle avait accepté depuis longtemps. Le suivi de la pince à épiler se fit pendant deux ou trois allers et retours, puis elle s'en désintéressa pour porter son attention sur les mains de Maddox. « Pas si patient que ça, je me trompe ? » Sans embarras quelconque, elle glissa sa main sous la paume de celle de Maddox qui tenait la pince, et elle la rapprocha un peu plus de ses yeux pour en observer les phalanges. Son regard malicieux se releva vers celui de l'homme, qu'elle agrippa sans sourciller. « Je suppose qu'en d'autres circonstances... » reprit-elle en ses propres termes. « ... vous seriez intervenu d'une façon bien différente. » Elle relâcha sa main, se redressant un peu. « Je ne vous pensais pas homme à vous salir les mains. Il faut croire que je me suis trompée. »

La femme est belle, a de la hargne. Une personnalité intrigante qui fait s'éveiller ma curiosité. Comment se fondre aussi aisément dans ce milieu d'opulence, quand au quotidien elle fréquente ce gang des Crows ? Supériorité ressentie et difficile à répudier, de ces nouveaux alliés par défaut. J'aurais bien préféré que la Triade soit en relation avec la Gorgo, pour la stature de ces italiens que je me dois de reconnaître. Ceci dit, je n'aurais pas eu cette opportunité de les détruire, l'ambition de les réduire en miettes pour avoir osé s'approprier ce qui est miens. < Dans ce scénario que vous présentez, je pense que le spectacle n'aurait pas duré suffisamment longtemps pour accorder la réplique à cet imbécile. > Je rétorque doucement à la demoiselle, certitude que moi-même, Jin ou un autre aurait interpelé à temps l'autre raciste prétentieux. < Mais oui, malgré votre hargne vous semblez plutôt poids plume. > J'ajoute avec un sourire à demi-provocateur quand il n'y a en mes mots qu'une vérité partagée.

Fleur délicate malgré sa force de caractère, je l'observe s'installer sur le rebord de la baignoire, patient. Sensation d'une vulnérabilité perçue, tandis qu'elle s'en remet à moi. Docilité adoptée afin d'obtenir les soins promis. Dès que le mot artificière s'est échappé de ses lèvres, elle a soulevé en moi une toute nouvelle attention. Un intérêt plus certain en sa personne et ces services qu'elle me valorise. Concentration portée sur sa paume, j'écoute avec en tête déjà, des idées plus alléchantes que les plateaux ciné. < Vous êtes agréable. > Je lui confirme immédiat, mes billes plantées un instant dans les siennes. Cet air rusé et un brin suffisant sur son visage m'étire un léger sourire, presque d'envie, avant de reporter mon attention sur les morceaux de verre plantés dans sa chair. La tête cogite aux opportunités qui s'ouvrent, face à cette rencontre. Aux partenariats qui pourraient bien se construire.

La femme initie un contact, interrompt mes soins pour se saisir de ma main et l'observer, l'attirant plus proche de son visage. Peu appréciateur d'être étudié ainsi, je la laisse pourtant agir. Il serait malvenu d'adopter un comportement de recul, de briser cette sorte de dynamique entre nos personnes qui m'intrigue. L'œil analyse les courbes de la demoiselle, ses manières d'agir, sa bouche s'articuler pour me dévoiler les brefs résultat de son étude. < La patience n'empêche pas d'agir, mais d'attendre le juste moment… pour frapper, dans le cas présent. > Je lui réponds sans me décrocher de ces yeux qui emprisonnent les miens, puis sans la contredire, reprends sa formulation avec gentillesse. < Il faut croire qu'on ne me lit pas aussi aisément, madame Maalik. >

Ma main de nouveau libre, je reprends mes soins sans ciller, attaque les derniers petits bouts de verre qui persistent à se dissimuler. < Vous et moi, je crois que nous avons certaines affinités communes. Les Black Crows ? > Je redresse un sourcil bref à son attention, le questionnement ne tenant que de la formalité, persuadé qu'elle détient une place de près ou de loin au sein du gang. < Je serais étonné, qu'ils n'aient pas vu en vous plus d'intérêt, vu votre occupation. Vos affaires… ne détiennent-elles pas d'arrière-boutique ? Auquel cas vos services pourraient se révéler intéressant. >

L'assurance dominante, la puissance calme, cet homme inspirait quelque chose d'aussi rassurant que de louche. Dans cette perfection qu'il affichait se trouvaient des petits détails annonciateurs d'un danger dissimulé. Et pour le peu qu'elle le connaissait, il était évident que son affiliation avec les Crows paraissait absurde. Sa présence à Détroit l'était tout autant que ce genre d'homme d'affaire se rendait généralement là où l'argent coulait à flot, et cette ville des enfers n'avait rien d'accueillant. Il avait raison, il n'était pas si facile à déchiffrer, mais probablement plus que ce qu'il pensait. Elle ne doutait pas que le côté mystérieux puisse s'effriter après quelques questions et réflexions réfléchies, quant bien même il lui faudrait du tact pour les poser. Si elle décidait de le faire. Après tout, pourquoi voudrait-elle savoir quoi que ce soit à son sujet ? Ses affaires avec les gangs de Détroit ne regardaient que lui. < Vous et moi, je crois que nous avons certaines affinités communes. Les Black Crows ? > Ou pas. Le souffle d'Ezra se coupa pendant une courte seconde, puis elle reprit une respiration normale. Junan évitait de lui parler de tout ça, il ne répondait jamais à ses questions, elle n'avait aucune idée de ce qu'il faisait de son temps pour eux, en grande partie parce qu'elle n'avait jamais cherché plus loin. Elle avait instauré un espèce de respect de son jardin secret, bien que celui-ci soit jonché de mines anti personnelles; et jusqu'à ce que ça impacte leur couple elle avait décidé que ça ne la regardait pas. < Je serais étonné [...] se révéler intéressant. > Si la précédente question n'avait provoqué aucune réaction notoire chez la jeune femme, celle-ci enclencha une réelle expression de surprise sur son visage. Puis ses traits se détendirent et ses yeux formèrent des petits croissants de lune tandis qu'elle se mettait à rire en cachant sa bouche de sa main libre. « Oh, monsieur Kang... » Le rire avait été naturel mais court, assez présent pour ridiculiser la question, pas assez pour devenir un manque de respect. Elle rabaissa sa main mais un sourire franchement amusé restait plaqué sur son visage. « Ai-je l'air à ce point désespérée que je serais capable d'accepter pareil travail ? Risquer ma vie, ma liberté, ma carrière, pour... Quoi ? Des querelles de territoire ? Des affaires illégales ? Je n'ai rien à gagner à tout ça. » Elle avait bien évidemment déjà pensé à ce qu'elle deviendrait si Junan se faisait arrêter, si le terrain était fouillé par la police, si on la condamnait pour complicité, mais ni son petit ami, ni Tate, ni qui que ce soit des Crows n'irait cracher son nom, ça n'aurait pas de sens puisqu'elle ne s'était jamais impliquée dans aucune de ses affaires. Pas encore. Il y avait très peu de chance pour qu'elle reste les bras croisés s'il arrivait un jour quelque chose à Junan, mais jusque là le couple touchait du bois. « Disons plutôt que j'ai quelques affinités avec la communauté irlandaise de la ville. » Légalement, ce n'était pas interdit. Alors que l'affiliation à une organisation criminelle organisée... « Ce qui est étonnant, en revanche, c'est que vous, vous ayez ces relations. » La peau enfin libérée des terribles morceaux de verre, elle se leva pour se laver les mains et faire évacuer le sang de sa paume abimée. Son regard, pourtant, persistait à s'accrocher à Maddox à travers le miroir au dessus d'elle. « Qu'est-ce qui peut bien pousser l'héritier de l'une des plus grandes fortunes de Chine à faire affaires avec un gang de quartier d'une ville à l'économie en chute libre ? » Elle éteignit l'eau, essuya ses mains et se tourna, appuyant son dos contre le lavabo. « Vous n'êtes pas là pour les finances, n'est-ce pas ? » Son petit sourire insolent n'avait pas quitté ses lèvres, elle avait l'air de s'amuser de la situation, soudainement très intéressé par le personnage.

La demoiselle échappe un rire et je réponds par un sourire poli. J'en ressens comme une pointe de condescendance que je fais l'effort d'ignorer. Les apparences, toujours les apparences. Au moins semble-je l'amuser. Désespérée, non elle n'en a aucun air. Plutôt même trop assurée pour son propre bien. < Tout le monde a un prix… > Je réponds dans un premier temps de manière tout à fait banal, sans pression, sans réelle arrière-pensée. Simple fait que la vie a rendu évidence, bien que je me sente suffisamment confiant pour trouver le sien un jour, au besoin. Afféré sur la minutie de ses soins, focalisé sur sa main, je redresse légèrement la tête pour l'observer. Lui présenter une honnêteté qui pourrait s'apparenter à des menaces et qui ne fait pourtant office que d'avertissement amical. < Penez plutôt garde à ce que vous avez à perdre, justement. > Une réputation, des contrats honnêtes, un conjoint. < Vous avez l'air mêlé de près ou de loin à un certain groupe d'individus. S'ils venaient à réfléchir correctement… Eh bien, j'espère que vous avez fait le nécessaire pour vous sécuriser. > Nul doute que si la demoiselle était venue à être rattachée à la Triade, sous une certaine nécessité, l'organisation se serait bel et bien offert ses services. Par un paiement plus que convenable ou tout autre moyen permettant d'arriver aux fins désirées. Sûrement est-elle chanceuse de n'être proche que des Crows, membres aux ambitions trop limitées et aux réflexions arrêtées.

Le pouce passé délicatement sur sa paume, je m'assure qu'il n'y a plus trace d'un morceau de verre enfoncé. La pince à épiler déposée sur le lavabo, je redresse les épaules dans un étirement léger, toujours installé sur mon tabouret. La femme elle se lève pour rincer ses plaies et j'accroche sans mal à son regard dans le miroir, quelque peu amusé par ses remarques. Elle ne manque pas de piquant! < Semblerait que nous soyons deux à avoir fait nos devoirs. > Je lui réponds doucement dans un rictus. < J'ai toutes sortes de relations, madame Maalik. > Il n'y a qu'à voir ce dont on discute et en quel lieu. La demoiselle se tourne face à moi, semblant prête. Je me lève à mon tour, saisissant ma veste abandonnée plus tôt sur un crochet pour la poser soigneusement sur mon bras. < Toute crise détient ses opportunistes… > Je lui réponds simplement, un sourire aux lèvres, pas le moins du monde déranger de m'intégrer dans cette catégorie. < J'expose mes œuvres. Dans une galerie éphémère du centre. D'où ma présence en cet événement d'ailleurs. > Notre hôte de ce soir étant particulièrement friand de mes œuvres. J'omets bien évidemment tout l'aspect personnel m'ayant mené à une exposition en cette ville désastreuse. < Toutefois je ne compte pas m'éterniser, en effet. Peut-être est-ce là notre unique rencontre et j'en serais navré. > Un air désolé, je lui tends naturellement mon bras afin de sortir de cette salle de bain, rejoindre les festivités.

Quelques gouttes carmin s'échappaient de sa main, trois fois rien, à peine douloureuses, tout juste agaçantes. Comme les propos justement placés de son nouvel ami. Il mettait le doigt sur quelque chose auquel elle n'avait jamais pensé parce que Junan faisait tout bonnement un travail remarquable pour la laisser en dehors de tout ça. Par stupidité, par respect pour lui ou par un manque total d'intérêt, il était vrai que parmi les nombreuses visites qu'elle avait reçues depuis qu'elle habitait chez Junan, aucune n'avait été pour solliciter son expertise. Elle comptait bien à ce que ça reste comme ça et l'avertissement au ton amicalement menaçant de monsieur Kang ne lui plaisait guère. Mais il avait ce quelque chose de nouveau, de rafraichissant, que l'aventurière appréciait plus que de raison. Les décisions prises sur le fait, de coup de sang en impulsivité, étaient choses communes chez Ezra. La colère dominait toutes ses autres émotions mais la curiosité et la soif de connaissance n'étaient pas loin derrière, affamées, bouillonnantes. D'autant plus qu'elle n'avait jamais rencontré quelqu'un qui en sache à la fois aussi peu et autant sur elle. Les déductions qu'elle avait tirées de lui sur leur conversation étaient hasardeuses, réfléchies, tandis qu'il semblait avoir effectué quelques recherches qui n'auraient jamais eu lieu d'être. C'était Junan qu'elle fréquentait, pas Isaiah. De quoi surprendre et décevoir à la fois tant la personne d'Ezra pouvait paraître où très intelligente ou très stupide. Une question de choix, encore. Et un choix, elle décidait d'en faire un particulièrement bête ce soir puisqu'elle voyait en Maddox l'occasion d'obtenir de potentielles réponses à toutes les questions auxquelles Junan refusait de répondre. Elle glissa ses doigts dans son petit sac et en tira une carte de visite. Elle approcha de Maddox pour la lui glisser doucement dans la petite poche de sa chemise, relevant les yeux vers lui avec intérêt. « Je n'ai aucun prix. » répéta-t-elle plus clairement. « Je pense avoir compris que vous n'avez absolument pas besoin de cette carte pour trouver les informations que vous voulez, alors prenez ça comme... une invitation ? Je serais ravie de venir voir ce que vous exposez, si vous accepter de m'envoyer l'adresse de cette galerie. » Un dernier sourire et elle ignora son bras pour sortir de la salle de bain en première. Elle avait assez subi pour ce soir et s'éclipsa également de la soirée.