guiding light | jade

Elle a ressassé bien des choses, les nuits en ennemies plus qu'en alliées. Le repos qu'elle n'a pas pleinement trouvé et cette blessure qu'elle croit, parfois, encore sentir brûler. Foyer premier des flammes infernales qui se sont levées. Oh, elle peine à respirer, petite chose égarée. Petite feuille que le vent ne parvient plus pleinement à porter. Elle s'est égarée, loin de la clarté d'un soleil peut-être trop désolé. Et s'il avait su, celui-là, que malgré tout le cœur qu'elle y avait déjà concéder, rien ne parviendrait à effacer la marque que le myocarde essaie en l'instant à braver ? S'il le savait, celui-là, depuis le début que tout ne serait que vain, éphémère même – voué à s'étioler sans qu'elle ne puisse y parer. Et elle, naïve, idiote – encore trop hébétée pour prendre conscience des emmerdes dans lesquelles elle s'est jetée ; celles qu'elle voudrait, parfois, retrouver. Parce qu'au-delà de tout ce qui accable reste l’indélébile souvenir de ces quelques instants qui lui furent donnés. Ces brefs moments où ne semblaient pouvoir régner que cette grandiose sérénité. C'est ce qui heurte le plus, depuis peu, depuis que le silence s'est réinstallé en ces lieux. Nulle lueur pour apaiser les tourments levés, le manque qui continue à tout écraser. Elle savait, Leaf, ce vers quoi elle s'était mise à courir, ce vers quoi elle s'était risquée. Elle le savait, depuis le début, mais elle l'avait fait ; vérité dans l'un de ces messages qui lui furent laissés. Elle l'a toujours su mais devoir l'admettre, le voir dans son entièreté, la panique n'avait pas su être endiguée. Sentiment qui n'a déjà que trop corrompu l'endocarde, qui persiste à s'implanter – là, à mesure que ces jours sombres viennent à s'écouler. La raison qui peine à trouver un semblant de stabilité, celle-ci même qui n'a pas su endiguer l'élan avec lequel elle s'est risquée jusqu'aux longues allées bondées, jusqu'à ces ruelles qui ravivent maigrement certains cauchemars qu'elle ne parvient pas encore à braver. Abstraction qu'elle force pour se hisser jusqu'à cet appartement qu'elle craignait pourtant d'avoir à rejoindre après ce qui s'est passé. Mais elle, elle... Elle qui lui a offert cette honnêteté, la vérité telle qu'elle peut être derrière le miroir qu'elle a choisi de dresser sur cette vie nouvelle qu'elle s'est trouvée. Elle qui a apposé la souffrance en premier lieu, certes, mais par nécessité. Elle y a réfléchie, la demoiselle. Elle s'y est perdue, sur tout ce qui fut confié – révélations données, possiblement pour la protéger ? Parce qu'elles ont été proches, parce qu'elle s'y est attachée, elle. Et elle aime à y croire, la petite feuille, en cette réciprocité. Parce qu'elle y tient, ô elle y tient Leaf, au-delà de cette colère qu'elle avait laissé s'élever. Petite idiote incapable de penser quand ce bonheur qu'elle pensait acquis, légitime et réel s'était vu menacer. Menacé puis brisé, par ce choix qu'elle a décidé de suivre, nouveau sentier qu'elle a foulé jusqu'à ces lieux que cette femme-là avait accepté de lui louer. Cette femme-là, parfait modèle qu'elle pense avoir trouvé depuis son arrivé en ces lieux désolés. Et pourtant, l'appréhension n'en est pas moins grande. Déçue qu'elle l'imagine être, la reine qu'elle s'apprête à déranger. Déçue de ce qu'elle semble être, Leaf, bien qu'un tas de non-dit pourrait peut-être tout rectifié. Qui sait ? Alors elle les ose, ces quelques coups sur la porte devant laquelle elle s'est postée. Elle ose, Leaf, s'y confronter – même malgré ce manque de clarté sur les traits qui se sont tirés. Même malgré cette fatigue qu'elle a laissé l'empoisonner, malgré l'absence de cette chaleur qu'elle a toujours pensé infaillible avant que l'esprit malade ne vienne à lui-même s'étouffer. Trop de peine, trop d'obscurité – nouveau monde qu'elle se doit d'accepter mais qu'elle ne sait pas comment appréhender.               

L'appréhension qui gronde, qui continue d'infecter toutes les parcelles de clarté qui semblent encore lui rester. Un soupir, rien qu'un souffle pour chasser ce silence qu'elle ne sait pas comment affronter. Oh, les murmures restent, lancinent dans l'esprit de la demoiselle qui guette les pas, les quelques bruits qui pourraient lui parvenir. Mais elle n'est pas attentive, elle n'est pas concentrée – l'âme bouffée par mille et une idées emmêlées. Parce qu'elle s'ouvre, la porte. Invitation qu'elle y voit, Leaf. Idiote, abrutie finie qui ignore toutes les ombres auxquelles elle n'a de cesse de se confronter. Elle s'engouffre dans la gueule du loup, elle s'enfonce dans la tanière de la louve qui attendait, celle qu'on a blessé au nom de l'ignorante qui n'a rien demandé. Et elle va pour interpeller, pour déjà parler, expier tout ce que la gorge a bloqué. Elle va pour davantage s'avancer Leaf, avant que les ténèbres ne se matérialisent sous ses prunelles effarées. La Reine qui se dévoile, qui sort les crocs, qui appose la marque d'une mort certaine contre la peau. Instinctives, finalement, ces larmes qui déjà coulent – cette peur qui prend le cœur jusqu'à ne plus rien laisser que ce soupçon trop bien installé d'une imparable terreur. Coupé, le souffle. Arraché à la trachée, elle qui n'ose même pas déglutir – petite feuille paralysée. Les mots s'élèvent, la voix crache son venin sur l'esprit qui peine à comprendre, qui peine à se stabiliser. « If you're here to finish the job of your lovely boyfriend... well you better be quick honey. » Les mains qu'elle a brièvement levées, elle qui se rend déjà puisque complètement paumée. Elle n'a pas l'étoffe d'une guerrière, elle n'a pas ce sang vaillant pour animer les veines gonflées des craintes qui se sont distillées. Un bref geste de la tête, négation qu'elle tente de faire valoir sous ces sourcils courbés d'incompréhension. « I won't hesitate. Sweet face or not, you're just a fockin' cunt, a wagon, a true huair...and I really don't like the type of person you are L.e.a.f. I really... I FOCKING REALLY WANT to burst your shitty obese head against a wall and make you swallow your baby teeth until you shit them through any fockin' hole of yours... So, what do you want ? » Oppressante, l'emprise sur la joue bloquée. Et les mots, les mots qu'elle peine à encaisser puisqu'elle ne sait pas, Leaf, ce qui s'est mis à l'animer. Elle, la Souveraine bafouée, les traits qu'elle se risque à contempler – du mieux qu'elle le peut, comme dans un élan de volonté pour pouvoir mettre des mots sur cette hostilité. « I... I wanted to see you 'cause of what you send to me... That's all, I swear, I... » Elle bafouille, elle bégaie. Les paupières qui protègent la vue, qui offre cette espèce de néant pour apaiser tout ce qui s'est élevé, ce mélange létal d'un trop plein de peur accumulée. « I swear I... I don't know what you're talking about... I'm not even with him anymore since that mail... » Les mains qui n'ont pas bougé, qui ne se sont pas davantage levées. Tétanisée, Leaf, dans cette posture qu'elle n'a jamais envisagé. Une première pour ce petit conte de fée qu'elle aimait à ériger. Elle qui n'a jamais vraiment fait face à cette cruauté qu'elle semble pourtant avoir perçu dans ce regard autrefois si conciliant, teinté de cette parcelle de bonté qu'elle aimait à y admirer. « I'm sorry... I don't know what you're... » Non, la phrase qu'elle ne termine pas, la lame contre la gorge qui coupe tout élan, toute volonté d'apposer sa vérité. Qu'importe, qu'importe puisque la déesse n'est que furie et qu'elle, plus que quiconque, ne pourra rien y changer au vu des marques que dissimule encore de peu le manteau de la nuit. « I left him when you give me everything... » Pour que tout soit dit, pour que vérité soit délaissée. Pour qu'elle entende, celle-ci, que c'est vers elle qu'elle s'en retourne pour essayer d'au mieux s'y retrouver.                

Frayeur reste, ancrée contre l'endocarde qui ne sait plus comment s'animer. Il y a cette triste mélopée qui s'étiole, qui se transforme en un silence pesant et oppressant. Ce rien qui s'instaure, qui impose son règne sur ces alentours brisés – par sa faute, peut-être. Parce que les mots s'élèvent, parce que les paroles viennent tout lacérer. Chaque syllabe tranche l'esprit déjà égaré – et elle entend, elle ne peut qu'écouter. Elle ne peut qu'abaisser les prunelles pour fuir les songes de celle vers qui elle s'était réfugier. Trop loin, trop enfoncé dans ce constat qu'elle s'est mise à lui cracher. Un souffle, comme un sanglot étranglé. Rien de plus, rien de moins que ce lourd poids pour tout écraser. Non, elle n'est pas assez idiote pour l'avoir dit – puisqu'elle a fuit. Mais elle a tout laissé, des preuves au nom affiché. Elle a juste couru pour s'éloigner, pour rejoindre les longues allées grisées à défaut d'un lieu où s'est éteint toute luminosité. Pourtant, elle ne revient pas sur ce qui a été laissé. La voix est bloquée, coincée sous la gorge que l'air semble peu à peu quitter. Paralysée, Leaf, contre ce mur où on l'a acculé. Paralysée à ne plus savoir quoi faire, quoi dire – tout est déjà terminé. Le frère qu'elle désigne dans ces quelques mots énoncés, ce frère qu'elle possède et dont la simple pensée ne rappelle qu'un dégoût trop violemment porté – envers elle-même, avouons-le. Seule et unique responsable de tout ce qui s'est joué, de ces maux qu'elle croit avoir pu braver. Coup de grâce qui s'affale, l'épée qui s'ancre contre l'âme. Elles lui sont données, ces responsabilités. Elles lui sont délaissées puisqu'elle est la cause de bien des choses pointées. Et elle a raison, Jade. Elle ne peut qu'avoir raison puisqu'elle n'est que diminuée, Leaf. Idiote, inconsciente – elle l'a dit, bonne à faire enfermer. « You're right, about your brother, I... I should've stay away from him. » Et à quoi bon en rajouter ? Elle n'écoutera pas, et elle ne pourrait l'en blâmer. Les liens du sang sont bien plus efficaces que les amitiés rongées aux non-dits. « About the rest, you're wrong. I never wanted all of that to happened. I swea... » Mais la phrase qu'elle coupe d'elle-même, petite feuille encore assez consciente pour savoir que plus rien n'est à préserver – tout s'est déjà embrasé. « I'm sorry for what happened to you but I didn't ask him or anyone else to do that. I left, believe it or not. Tha... That's all. I'll give you the missing money when I get it... » Les bras qu'elle a entrecroisé, la carcasse qui essaie de se soustraire de ces lieux qu'elle vient de déranger. Honteuse, Leaf, par tout ce qui lui est concédé. Honteuse de cette image puisqu'elle croit comprendre qu'en effet, elle n'a rien fait pour y parer. « I'm... I'm sorry... » Le timbre qui ne peut plus réciter que cela avant que l'instinct ne l'y porte enfin, la demoiselle. Parce qu'elle l'ose, ce pas. Les phalanges qui dérangent le bois de cette porte qu'elle n'aurait pas dû braver ; moins encore maintenant qu'un nouveau trait est à tirer, que le cœur doit encaisser un nouveau deuil auquel il n'était pas préparé. Parce qu'elle a raison, Jade. Elle lui a tant donné, tant offert quand rien ne l'y obligeait et elle ? Oh elle, elle n'a fait que tout défaire, tout bafoué. Trop enfoncée dans son monde, bonne à enfermer.