Gronde Harley, gronde.

La Nouvelle Orléans, berceau du jazz, de mardi gras, du sens incommensurable de fêtes endiablées. Berceau de l'interculturalité, où les influences françaises, espagnoles, et américaines s'emboîtent comme de certaines poupées russes. C'est là, qu'il vit le jour, mais les quartiers festifs et touristiques furent loin d'être sa vue quotidienne. La misère, les sans-abris, les maisons squattées, les trafics de drogue à ciel ouvert peignèrent la carte postale des Sutton. Résidents d'un plein pied aux infiltrations nombreuses, cette famille qui raclaient les placards imbibés d'eau pour finir les fins de mois était bien aux antipodes d'un rêve américain idéalisé, mais fut le reflet d'une Amérique profonde, boudée par les médias pro-gouvernementaux. Une Amérique dans laquelle les gangs recrutaient dès la sortie de l'école, dans laquelle le gamin Sutton voyait de la neige artificielle se faire échanger contre des billets au coin des rues. Regarde ailleurs. Qu'on grognait quand il observait trop longtemps la scène, cartable sur le dos.

Une scolarité chaotique. Résultats insuffisants, exclusions, absences injustifiées. Peu de connaissances en poche lorsqu'il fêta sa dixième bougie. Le seul commentaire positif sur son relevé de notes qui dormait au fond de son sac, fut donné par son professeur de sport. L'un des élèves les plus prometteurs de sa classe, qu'il avait noté. Les parents ? Trop lessivés par les heures supplémentaires pour apercevoir la dangerosité vers laquelle leur fils plongeait. Car, outre les résultats insuffisants, une violence en lui grondait. A douze ans, et alors que l'année 1997 venait d'apparaître sur les calendriers, il intégra partiellement l'un des gangs locaux de la Nouvelle Orléans. Un rôle de petites mains, de môme qu'on utilise comme chair à canon, mais un rôle qui le rendait, naïvement, fier.

Sweet Home Michigan, oh sweet home.

C'est à quinze ans que les choses virèrent vers une couleur noirâtre. Une guerre entre deux gangs néo-orléanais éclata et le jeune adolescent tua l'un de ses adversaires dans une rixe imprévue, et plus violente que les leaders ne l'avait imaginé. Un môme de dix-huit ans poignardé par la lame d'Harlow. Un meurtre étouffé par ses "frères", mais un meurtre qui mis à mal la famille Sutton. Les créateurs d'une bête en devenir comprirent qui se cachait derrière ces pupilles encore juvéniles.  
Les Sutton attendirent 2002, et les 16 ans d'Harlow pour présenter leurs adieux à la Big Easy et saluer chaleureusement Détroit, bourgade qu'ils espéraient plus sécuritaire que la cité louisianaise.  And hell, how they were wrong.  

Crack, tueries sur la voie publique, rivalités racistes, mafia perlèrent leur nouveau quartier. L'Amérique était elle si mal en point ? Les grandes villes de la première puissance économique mondiale plongèrent elles toutes vers la décadence ? Une perplexité sur leur pays, qui ne remettait toutefois pas en question l'amour inconditionnel que les Sutton partageaient pour ces étoiles. Pour autant, ne serait-il pas temps de rallumer les étoiles de l'Amérique ?
Détroit fut synonyme de nouveau départ pour le p'tit. La gueule commençait à perdre la maladie de l'acné, et les poils prenaient de plus en plus possession de son corps. L'école terminée, sans un seul bout de papier en poche, il trouva un job mal payé d'agent d'entretien dans un club de boxe. A 16 ans, presque 17, il récurait les chiottes vernis de vomi, de pisse, de merde. Quelques dollars pour acheter de quoi garnir l'assiette. Quelques dollars pour s'acheter de la malbouffe, presque gratuite dans le pays de l'industriel.

La boxe du diable.

Frotter les sols aux côtés de rings sur lesquels des masses de muscles tombaient K.O. Frotter les éclats de sang qui jonchèrent les contours de l'arène sous les hurlements d'entraîneurs, tous masculins. Ce club de Downtown intriguait le p'tit Sutton, qui s'arrêtait parfois de récurer pour observer les gladiateurs en action. Puis, un jour...

"Tu mattes quoi toi ? Dégages ton cul d'ici et va t'foutre à quatre pattes dans les vestiaires. Ils sont dégueulasses".

L'aboiement d'un des entraîneurs résonnait entre ces quatre murs. Un homme à la voix aussi puissante que sa carrure.

"Attends Jim. La pucelle veut p'têtre combattre".

S'en suit un rire généralisé dans la salle. L'homme sur lequel Harlow venait de poser ses yeux portait une veste en cuir, garnie d'écussons. Il venait d'écraser son mégot sur le sol, en signe direct de provocation au p'tit. Ce que le Sutton ne savait pas encore, c'était que cet homme, qu'il traitait de connard pour lui-même, faisait parti des Devils Diciples, gang de biker qui enveloppait la quasi totalité de Downtown.

"Ouais. J'veux m'battre". La voix encore juvénile de l'adolescent avait déclenché un nouveau éclat de rire généralisé. Mais les couilles qu'il venait d'avoir lui ouvrirent les portes vers la voie royale.

Il eut sa chance sur le ring. Les débuts furent calamiteux. Un nez cassé, une dent cassée, un œil au beurre noir, des K.O après trois coups. Mais l'entraîneur voyait en lui une flamme dans un regard d'un gosse abandonné par ses parents, d'un gosse perdu, d'un orphelin de la société. Alors il continua à l'entraîner, à le foutre au tapis, à lui gueuler de se relever. Tout ceci, sous les yeux du Devil, toujours à la recherche de nouvelles recrues. 17, 18, 19, 20 ans. Quatre ans à récurer les chiottes après sa séance d'entraînement. Quatre ans à muscler sa silhouette, à forger son mental, à serrer les dents.

L'antre du diable ouverte

Le cerberus passa à l'acte, et présenta les DD à Harlow. Il avait déjà vu leur bécane, leurs actions, aussi. Il retrouvait l'ambiance du gang néo-orléanais qu'il avait précipitamment quitté, les Harley en supplément. Il avait strictement rien à perdre, alors, il accepta. Et, en 2006, il devient officiellement un Snake. Une première année compliquée, durant laquelle il fut massivement testé de tous les côtés, durant laquelle il eût à dompter les Harley, durant laquelle il tomba dans une réelle famille ; une famille qu'il n'a jamais connu. Entre deux saloperies de missions, il continua la boxe et participa même à des petites compétitions locales. Sa carrure se développait et l'adolescent devint un homme.

A 21 ans, il embrassa le cuir et entra, pour la vie, chez les DD, en tant que demon. Il n'a jamais été aussi heureux que ce jour-là.

Il oublia ses parents, passant le plus clair de son temps au DDMC, à s'intéresser à la mécanique. Avec cette petite bande d'enculés, il apprenait la vie, apprenait à réparer des tas de ferraille, apprenait à devenir raciste, patriote, machiste, à s'imposer dans les réunions pour exprimer son idée. Apprenait également la solidarité, l'entraide, le respect pour les anciens. C'est ce que l'école publique ne lui avait jamais enseigné.

2016 : La montée en grade.

Année de changement. Il fêta ses trente ans sous une pluie d'alcool, fêta son titre de champion de boxe catégorie poids mi-lourd du Michigan, commença à donner des cours de boxe aux gamins du quartier, assista à l'enterrement de sa mère, et devient, surtout, un cerberus. Déjà neuf ans qu'il avait revêtit les cornes du démon, neuf ans qu'il crachait la loyauté aux roues des Harley.

Il avait envie d'obtenir un rôle plus important, et quoi de mieux que de candidater au poste d'enforcer pour monter en grade. Assurer la sécurité du président, et des réunions le bottait bien. Il eut le poste, et, bordel, quel homme heureux fut-il.

Voilà maintenant, 18 ans qu'Harlow est un DD. 18 ans de bons et loyaux services qu'il continuera jusqu'à son dernier souffle.

Infos en +

Joue de la guitare électrique - A un tatouage d'aigle qui recouvre son épaule gauche - Possède une cicatrice de 5cm sur le flanc droit - Fume - Revient de temps en temps à la Nouvelle Orléans, pour quelques heures - Sa plus longue relation amoureuse a duré 3 ans.