irene hanson & jakob hanson

Les heures passent. Dans la chambre d'hôtel soigneusement rangée, les heures défilent autant que les sanglots qui parviennent progressivement à se calmer. La bouche pâteuse, Irene porte quelques lampées d'eau à sa gorge serrée. Les ongles font un son distinctif contre l'écran humide du téléphone portable qu'elle a raccroché depuis un bon moment. Kadeuce doit être parti maintenant. S'il était chez eux, il doit l'avoir laissé.
Les yeux bleus regardent l'heure. Il devrait être rentré. L'hésitation est puissante mais elle appelle tout de même. « Hey...you.»

Les syllabes qui s'étiolent, qui bravent les grands murs de cette maison endormie. Il a lu, Jake, il a lu jusqu'à ce que ces petits yeux n'aient à se fermer. Et il soupire, désormais - les prunelles qui s'attardent sur les alentours avant de s'abandonner sur ces animaux qui le guettent, sages et salutaires contre cette trop grande morosité. Un souffle, rien de plus avant que la masse n'ait à s'animer, à rejoindre le séjour et ce canapé dans lequel il termine par s'affaler. Longues sont les heures, effroyables les minutes. Terrifiant lui aussi, ce sursaut qui prend les muscles jusqu'à les crisper avant que le regard ne s'attarde sur ces trop magnifiques traits. Et enfin, l'appréhension, la culpabilité, cette tristesse insoupçonnée que l'endocarde ne parvient pas à réprimer. Elle est salvatrice, cette voix qui enfin lui parvient. « Hey... Ya're ok, baby ? Something's wrong ? » L'instinct, l'abruti. L'instinct qui se flagelle aussitôt pour ces mots puisque tout va mal, puisqu'ils se sont déchirés. Parce qu'il a très certainement tout ruiné.

Sa voix s'élève. Elle est toujours ce feu chaud qui crépite au dessus de branchages et de grosses rocailles. Elle est toujours cette sève suintante et sucrée. Elle est ce café chaud des matins d'hiver. Elle n'a pas bougé, pas changé. Et lui, lui qui fait comme si de rien n'était, lui qui s'inquiète pour elle immédiatement désormais ,; alors qu'ils ne faisaient que se tuer, hurler pour finalement s'ignorer il y a de ça plus d'une semaine. « I. I miss you.» Elle renifle, tente de garder le mur épais des larmes encore en place pour ne pas craquer.

Serré, le cœur. Enserré sous ce flot interminable de regrets. et ces syllabes qui heurtent, qui apaisent autant qu'elles déchirent. Il est bref, ce rictus triste que les lèvres laissent instinctivement s'imposer. « I miss ya too, Iry. » Il n'a pas hésité sur la réponse, il se devait de l'énoncer. Nécessité, besoin que de rappeler ô combien il a merdé mais que jamais, jamais il ne pourrait se passer de cette luminosité qu'elle est devenue quand elle s'est risquée à le choisir lui quand elle aurait bien mieux mériter. « And I'm sorry... I truly am for all of what happened. » La fin n'est qu'un murmure ; parce qu'il ne sait pas, il ne sait plus. Persuadé, Jake, de ne même pas mériter cette attention qu'elle accepte encore de lui donner.

Elle tente de tenir. Elle tente mais la pression du myocarde est bien trop grande. Bien trop grosse. Palpitant malmené depuis des mois et des mois, elle a cette douleur qui semble lui couper le souffle entier tandis qu'elle se met très franchement à pleurer. Elle peine à se contenir, elle peine à ravaler ces flots pour lui parler, lui répondre. Mettre des mots sur les sanglots. « I. I'm so sorry... I never wanted to force this on you and to hurt you. You deserve so much better. I'm sorry. I'm so sorry.

Ils torturent l'âme, ces sanglots qui enfin se dévoilent. Ils déchirent aussitôt cette maigre courbe qui s'était apposée, qui s'étiole aussi certainement que cette brève lumière que les traits semblaient avoir retrouvé. La tête qui, déjà, s'anime pour réfuter ce qu'elle vient énoncer - instinct imbécile qui s'anime alors qu'elle ne peut rien voir, rien deviner. « Nah, don't ya dare to say that. Please. I don't deserve anything, now even less considering what I imposed on you. I should've be there for ya instead of became that shit I was. And I should've be there too for yar... grief. I get it. » La main qui se perd sur le front, qui y frotte machinalement pour essayer de contenir cette frayeur, ces tremblements. Il a compris, Jake - au prix fort. À deux doigts de la perdre quand la promesse avait été énoncée, quand cette parole résonne encore où il jurait de la choyer et de l'élever, qu'importe les affres qui pourraient venir les trouver.

Torturée. Les artères font terriblement mal. Elles lancinent dans la poitrine tordue ; sur ce corps plié sur lui même pour retenir ses propres miettes qui tombent tout contre le sol. La bouche entrouverte pour capter l'air qui manque, elle fait non de la tête quand viennent les paroles pourtant salvratrices. « No...you... No no no no. It's not about that, not only. It's... this year, this few months, the hospital, your accident, Iris, what, what he did to me for...for. Elle n'arrive pas à le dire. Elle n'arrive toujours pas à mettre le son de sa voix sur la mort de Sebastian. Ce suicide. Lui avoir fait ça, à elle, à eux pour finir quand même par se tuer. Tout ça pour ça. Tout ça pour rien si ce n'est lui jeter à la gueule qu'avoir accepté ça n'a même pas été suffisant pour le faire rester. « it's not about the grief Jakob... i failed in so many ways and i'm so sorry.

Elles reviennent encore, ces fables qu'elle s'est mise à croire, qui l'ont persuadé des idées qui l'ont tant corrompu, tant gangrené. Il peine à articuler, la bile s'est soulevée jusqu'à assiéger la trachée. « Ya did nothing wrong, baby. Ya took all of that on yarself and I wasn't there to help ya. That's the truth. I should've take that anger on me, only me and ya, about what happened at the hospital, ya saved more lives than ya think, ok ? Ya did good, don't... don't blame yarself when ya just saved people. » Il essaie, lui, l'empoté des mots, l'abruti socialement limité. Il s'y essaie, à rappeler qu'elle n'est en rien responsable de ce qui s'est passé - seulement victime de cette folie qui l'a trop touché. « Ya've not failed, ya did good, ya always did. »

Tout s'apaise et tout s'éclair. Avec la distance, les mots changent. Avec la césure, la coupure, les esprits se calment et autrement échangent. Plus enclin à parler. Plus enclin à voir, à comprendre et à concéder, Jakob tait sa fierté et ses sauvageries immédiates pour la voix de la raison. Enfin. Mais le barrage vient seulement de céder et avec lui les flots des sentiments irrépétibles. Les insécurités fontaines. Les douleurs innondées. « No...I failed you. In so many ways... I... I hated you for your accident, i wasn't very good at you and your condition... i'm not a good mother for Iris... I Un reniflement bruyant vient briser le silence qui s'installe après la succession saccadée de cette liste non exhaustive. « I miss you. I want to be in your arms.

Les mots qui heurtent, les mots qui forcent l'endocarde à s'animer. Il croit gueuler, n'a fait que souffler. Mais il s'est redressé, Jake, osant ces quelques pas pour chasser cette frayeur qui s'est instaurée. « Hey, don't say shit like that, ok ? Ya are a good mother, the best, no doubt about that. » Pour apaiser cette conscience abîmée, pour ne pas revenir aussi sur ce qui s'est passé - les vestiges de ces temps ombragés qu'ils ont tout de même su braver. Comme ceux-là, bien qu'il n'en soit encore qu'à l'espérer. « I miss ya too babe, I need ya home. That's all. I... yeah, I love ya. » Un souffle, parce qu'il ne sait plus vraiment quoi dire, parce qu'il est dépassé - parce que ces jours qui se sont écoulés ont d'ores et déjà été trop longs pour cette âme accablée.