Mike Rivera & Eliott Lloyd

La lettre entre les mains, Eliott tremblait légèrement,  ses airbuds dans les oreilles il avait déjà fait deux fois le tour de sa table basse en marchant, attendant que ça décroche. Et si la secrétaire lui avait donné le mauvais numéro? C’était possible. Il avait bluffé, avec son accent, il avait dit qu’il bossait pour la BBC, que c’était un reportage hyper important sur les montées de violence et la multiplications d’affaires non résolues dans certaines villes aux USA et aurait le privilège d’une interview de Mike Rivera. Les affaires non résolues, ouais, il en avait une entre les mains. Lettre anonyme. Quand la sonnerie s'arrêta, il prit la parole en premier. Good afternoon, Mr Rivera. Eliott Parker. Your secretary kindly gave me your number, she was not able to give me a face to face appointment yet, bless her. I hope you’re having an easy recovery. . Il a menti, Eliott, sur son nom, simple précaution. Son ton était calme et il prouvait qu’il savait à qui il parlait. Les vidéos de l’attaque il les a tellement regardées, du moins ce dont ils ont eu accès, et les blessures du procureur ont fait le bonheur de certains dans le milieu. Can we speak privately and safely here? I might have some useful information for you. Ouvrir la curiosité et attendre...Sans son soutien il ne pourrait rien faire.

Numéro inconnu qui surprend, qui force ce reflexe, la langue qui vient claquer contre le palais à defaut de pouvoir grincer des dents. Ces appels sont trop souvent porteurs de ces mauvaises nouvelles qu'il n'apprécie pas d'entendre, Mike, et pourtant, pourtant le voila qui hésite, qui finit par répondre. La curiosité trop piquée au vif, trop aisément
réveillées depuis ces derniers évènements comme si l'instinct enfin s'était tiré de son demi sommeil ensuqué.
La voix inconnue qu'il écoute, qui cherche à remettre sans y parvenir, les mots qui tirent un soupire  agacés. * Estúpida *. Premiere pensée pour cette femme avec laquelle il travaille depuis qu'il est arrivé à Detroit. *And yet.. she must believe I really needed to hear what you have for me...* Parce qu'elle n'aurait pas delivré cette serie de chiffres privés si il n'avait pas eu quelque chose d'important à dire. Il en est persuadé. « I've yet to hear what you've to say before I could bless her. Listen... I'm recovering as you just said yourself,  so you better have something good. First thing first, who are you ? » Le noms qu'il a bien prononcé, cet interlocuteur mystérieux, mais qui ne rappelle rien à l'esprit qui s'efforce de remettre les pieces de ce nouveau puzzle en place. « You speak about privacy, I guess those informations are some of a sensitive matter ? » Ces mots là, il les a prononcés avec bien plus de serieux, inquiet soudain d'avoir à gerer quelques menaces comme resonnent encore les mots crachés par l'homme encagoulé qui lui a valu ces pivots hors de prix  tout juste installés.

Une boule au ventre quand le procureur décrocha le téléphone, Eliott avait refait un tour ou deux de table basse. Eugène, son furet, le regardait comme s' il avait définitivement craqué. Au passage, il lui gratouille la tête, impossible de résister à ses petits yeux là, même dans un moment aussi compliqué que ça. Thank you for taking time to talk to me… as I mentioned to your colleague, I’m a journalist. Not working for the BBC, unfortunately even if I would quite like to. Bien trop poli, le britannique, il tentait même un peu d’humour. there is a story I’d quite like to publish but I would need your support. Halloween 2019. Does that ring a bell? Il ne pouvait pas trop en dire et pas trop peu, les informations sont bien trop importantes pour ça, bien trop risqué. I heard the party ended too early for some, and others are still partying today. Est ce qu’il pouvait être plus clair et plus vague à la fois?

Les menaces qu'il craint, Mike, le chantage potentiel qu'il redoute puisqu'on l'a trop récemment sommé de faire son job avant d'essayer de l'assommer, avant d'imposer ces quelques dents factices sur lesquelles, par reflexe, la langue vient passer. Rien pourtant, rien encore. Rien dans ce gout là, seulement cette plaisanterie inutile qui vient appuyer l'accent comme pour le confirmer. Seulement cette date évoquée, cette histoire promise pour l'accompagner. La premiere affaire à avoir atterri sur ce bureau désormais encombré par cette paperasse qui n'en finit plus de s'accumuler. Zackary Idry, le nom qui resonne sans qu'il n'ai eu à etre prononcer. Il s'est redressé, le cubain, intrigué, l'attention toute captivée désormais par cet interlocuteur et ce qu'il pourrait avoir à apporter. La suite est alléchante, promesse qu'il n'attendait plus, possible issue aprés laquelle il avait cessé d'espérer. « You're talking about names ? Pictures ? Confessions ? » A presque s'emballer, Mike, à presque s'affoler comme il s'est précipité vers ces quelques brouillons et ce stylo qu'il est prêt à employer. « Wait... » La curiosité trop piquée, la prudence envolée comme il croit tenir enfin quelque chose qui saurait galvaniser un peu ces âmes épuisées avec lesquelles il travaille. « Can we meet ? If you've got something like that might be easier that way... chingada madre... Can we meet ?» Il répète, en oublie ce juron qui lui échappe, trop grisé par cette opportunité.

Le petit silence entre la dernière phrase d’Eliott et la reprise de parole du procureur. Long silence pendant lequel l’anglais avait stressé bien plus qu’il ne devrait. A quoi il jouait, d’ailleurs, Eliott? Pourquoi a-t- il reçu ces infos d’ailleurs? Il était pas grand chose, à peine 8 mois à Detroit, il n’était même pas dans le coin en 2019 et était loin d’y être. Une boule au ventre il réfléchissait, si il voulait le voir, fallait. yes, it will be better to meet. Comme ça il confirmait qu’il avait tout ça, beaucoup de preuves, entre sa main tremblante. Puis, il avait entendu la phrase de son interlocuteur en espagnol. Il avait des restes, des bons restes, des voyages en Espagne et surtout des cours universitaires, des heures à apprendre et à parler , il osa répondre en espagnol. [i]Je viendrai à l’adresse que vous choisissez Je peux venir chez vous si vous préférez. Pas sur que toute sa phrase en espagnol soit correcte mais si ça pouvait créer un peu plus de confiance.

Il en trépigne, Mike,l'esprit deja affairé à explorer les éventualités. Ce dossier épineux qui prend la poussière et dont la clef, peut-être se tient à l'autre bout du fil. Dossier qui lui a valu quelques nuits blanches avant qu'il n'en vienne, à regret, à s'en détaché, entrainé par d'autres plus urgentes sur lesquelles il lui fallait se presser. Et il acquiesce, presque trop frénétiquement, quand l'inconnu confirme l'idée d'une entrevue. Il acquiesce, prêt à lui donner sans rechigner l'adresse à laquelle le trouver avant que la conscience ne vienne s'y opposer. Maigre restant de prudence qui prend le pas, qu'il écoute finalement puisque cet autre propose qu'ailleurs ils puissent se rencontrer. Sans relever cette tentative, ces mots dans cette langue qu'il regrette, lui, d'avoir employée. Peut importe s'il cherchait à l'amadouer ou s'il comptait bien faire. « My place ? No, no, do you know that coffee lounge downtown on Congress Street ? The one with the blue facade ? I'll be there in.. lets say two hours ?» Là il sait pouvoir parler en toute sécurité, là où pourtant il n'a pas ses habitudes mais il espère précisément ne pas etre attendu.