jade lincoln & sebastian o'malley

Brasier. La clope au bord des lèvres qui disperse sa fumée. Volutes qui tourbillonnent quand la main se lève et porte à l'oreille le téléphone allumé. Appel lancé, numéro vague d'un téléphone jetable qu'on lui a filé avant que l'autre se casse pour d'autres contrées. Nouvelles qu'elle doit lui donner, racontars de bonnes femmes et cavales à alimenter de ses conséquences ; celles auxquelles il n'a pas pensé. La première tonalité. C'est qu'il décroche vite le bougre, certainement en manque d'activités : « Hey asshole. It's news timy for your dead guy's condition ! »

Pathétique posture qu'il n'a pas quitté, là, sur ce misérable canapé. Il a profité du silence, du calme pour y succomber. L'aliénation qui prend encore les songes pour n'y déverser que ces insanités, cette perversité infaillible que le cœur, parfois, peine à porter. Et elles étaient occupées, les phalanges, avant que le téléphone ne vienne chantonner. Il en est presque brutal, ce sursaut qui force le corps à se redresser. Il a juré, à n'en pas douter. Il a juré avant que cette voix-là n'ait à tout apaiser. « Hello to you too. What happened ? »

La réponse immédiate. Le souffle court, coupé, saccadé et la voix étouffée. Des idées, des images qui viennent sur ses occupations. Un sourcil arqué, le petit sourire qui se dessine mais l'envie de lui dire plus forte que la blague. Elle ne prend pas de pincettes, pas de fioritures. Immédiate. Le potin grave doit être partagé sans concession. « Well...your grave is wonderfull... and your wife, hm EX wife sorry, is heeeeeee well : a piece of shit. She's desperate, skinny, fragile and she cries...cries and cries. We emptied your apartment, I put on gloves of course. »

Les mots qu'il a délaissé avant que ceux-là n'aient à s'élever. Il écoute, Sebastian, avec intérêt. Il écoute parce qu'il n'a que ça a faire, prendre conscience de ce qu'il a semé. Oh, il imaginait tout autre chose, quelques crachats au pire, quelques insultes au mieux - mais elle s'immisce, cette petite voix narcissique qui répète encore : je le savais. Presque prêt à s'en vanter avant que le cœur, étrangement, ne se mette à paniquer. « Ok... I didn't expect any grave, to be honest. » Ce sujet-là pour parer à l'autre. L'autre qui heurte plus qu'il ne l'aurait imaginé ; cet état décrit qui frappe l'endocarde sans qu'il ne l'ait appréhendé. « But she's gonna be fine, na ?... »

Défaite. Défait. La voix qui semble rejoindre les états d'âme de l'homme à l'opposé du pays. Elle souffle quand il répond. Il ne s'attendait pas à une tombe ? Quel con. Défaite. Défait... Ses plans sans prévisions, ses idées sans vraie conception. Quel con. « What did ya' expect asshole ? You're dead and some people liked you...as unrealistic as it sounds. And for "her"...well you want truth or some bullshit ?... »

Il essaie de parer à cette respiration brusquée. Il essaie de faire taire cette étincelle de remords qui s'est éveillée. Elle guette, prend d'assaut les songes tandis qu'il essaie de mieux s'installer, de rester concentré sur la voix qui retarde encore le coup de faux mérité. « Yeah, unrealistic's probably the word... » Il a soufflé, la main qui s'est levée sur les traits comme pour en chasser ce qui commence à s'y dessiner. « You know what ? The truth. » Sentence qui se doit de tomber, la culpabilité qu'il se doit d'enfin affronter.

Une profonde inspiration. L'encéphale qui réclame la dose de beuh qu'elle vient de se rouler à la discrétion d'une petite lumière sur le perron. Son moment, l'isolement qu'elle s'impose pour lui parler, pour lui dire, pour échanger avec son âme sœur. Connard incompatible qu'elle n'aime pas et n'aimera jamais pour sa grossièreté. « Ok boy. She's... she seems to think you died because of her, she didn't do enough to keep you far from doing some bullshit. She didn't believe me when I helped her with your apartment by saying that I was just a friend, nothing sexual between us but she, i think she let me in, she opened up to me and, well, she can't handle it. »

Tombe la réalité comme tombent ces quelques mots qu'il s'était mis à appréhender. Il n'y avait pas réfléchit, il ne s'était pas encore posé sur la question. Et elle heurte, cette réponse. Bien-sûr qu'elle heurte puisque le cœur semble s'animer sous les meules de terre sèche qui s'y sont depuis longtemps apposées. Faute qu'elle a choisit de prendre, cette femme qu'il persiste à trop aimer, quand pourtant sa seule stupidité est à blâmer. « Ok... » Parce que les mots manquent. Parce qu'il ne sait plus quoi dire. Penaud, dévasté en réalité, même si les traits refusent encore de dégueuler cette souffrance qui commence à s'immiscer. « I see... » Dieu qu'il lutte, désormais. Dieu qu'il lutte pour ne pas flancher. « Thanks babe... Did she talk about James or Abby ? » Parce que la punition est à prendre en entière.

Elle assène. Elle heurte. Par des mots simples, par cette histoire qu'elle ne raconte pas entièrement elle frappe malgré elle. Touché en plein cœur, elle entend le myocarde se serré dans sa gorge et dans sa réponse qu'il jette difficilement. Jade décide de ne pas enchainer plus, de ne pas parler de ces détails, de ces petites choses qui ne font que grossir l'horreur de cette femme. Ombre d'elle même. Plus qu'un souvenir derrière les prunelles. « I think your girl doesn't know about it... and your boy, well, he's your boy. I only saw him once and he pretended he was strong. »

Il aurait pu insister mais voilà que le courage manque, lâcheté trop bien ancrée en ses veines pour qu'il puisse y parer. Il n'a fait qu'écouter, Sebastian, laissant l'instinct réclamer ces quelques dernières informations que le cœur cherchait pourtant à pleinement ignorer. Raté. Abby ne sait rien - et peut-être est-ce mieux ainsi. Quant à ce fils, quant à cette âme gravée dans cette trop glorieuse fierté ; il ne peut qu'en rire. Souffle triste, défait, mais sincère puisqu'ils se risquent à parler de ce qu'il n'a jamais réellement fait que pleinement aimer. « Yeah, maybe he really is. Who the fuck do you think you are to tell that he just pretends to be strong ? » Non, nulle hostilité, rien que cette pathétique tentative d'alléger ce poids qui vient, sur l'endocarde, de s'apposer. « Look... I'm sorry I've asked you this but thanks anyway... » Parce qu'il n'a pas les mots, parce qu'il croit s'être d'ores et déjà trop égaré pour pouvoir mieux raisonner. « Did she... Did she told you something else than... you know... »

Le ton monte. Il se débat avec lui même, gueule un coup contre elle pour ensuite la remercier. Classique. Eternelle bipolarité que la sienne pour ainsi changer ses émotions explosées. « Fuck you alright ? Jesus ! I just didn't mean to pretend he wasn't affected by your death, asshole. » Soupir, les yeux qui se ferment et se lèvent vers un ciel à qui elle réclame ce qu'elle a bien pu faire pour supporter un tel comportement. Un blanc, un long silence qu'elle impose pour chercher dans sa mémoire et retrouver un calme vital à cette conversation compliquée. « Not really. Lots of happy memories without hiding the horrors you to caused her and your children. I think... well, I think she seems lost between a hatred of your person and an unwavering love. Yeah... she still loves you. She would have liked to tell you things, truths and those feelings that persist. She has regrets. »

Les paupières s'imposent en voile sur ce regard égaré. Ces mots qu'elle énonce, il les encaisse sans un souffle, sans un bruit, sans même un soupir puisque l'air dans ses poumons n'ait plus à même de s'immiscer. « Well... I would've prefer her to move on. » Sincère, les paroles sur lesquelles il ne reviendra pas. Parce qu'il aurait préféré qu'elle vive, celle-là, plutôt que de ressasser cette perfidie et cette stupidité qu'il n'a jamais su chasser. « About what she would've told, I'm not sure I would have handle it. I know already what I've done so... Yeah, better that way. » Un haussement d'épaules, destiné à lui-même ; au pire à ce spectre qui persiste à le toiser. Dépité, ce dernier, à constater toute sa médiocrité. Parce qu'il choisit encore de s'épargner à défaut de les sauver.

Pété, brisé. Entre les phrases et les vérités dures les secondes s'égrainent et deviennent parfois de longues minutes. Longues minutes de rien, de vide, de néant face à l'indicible. Face à l'irréparable. « She knows that you know. But...you did it anyway and that's the point for her i guess. She need to know why, to understand why her, why this... » Même si elle sait que lui même ne sait pas dans le fond. Sebastian est une énigme. Une raclure auréolée d'humanité qui n'a que le nom de remords. Pourtant elle tente, un truc, quelque chose pour que l'introspection sur sa connerie revienne et puisse apaiser le cœur qu'il a le plus meurtri. Detruit. « Maybe... a letter ? Somethin' to explain, to express yourself about it ? Like a farewell thing for her to move on. And for you to get rid of a bit. »

Il l'a fait, il a laissé perdurer cet orage de terreur sur les âmes déjà fracassées. Il l'a fait, malgré les excuses sincères, ces prises de conscience incessantes quand s'affalait au-dessus des songes cette obscurité oppressante. Quant aux questions qu'elle soulève, rien ne s'immisce, rien ne vient résonner. Vide conséquent, trop bien installé. Néant qui corrompt, même malgré cette opportunité qu'elle délaisse en offrande aux pensées paniquées. « How I supposed to do that ? What I'm supposed to write in this ? I mean... I... I just can't. I've no word for her, no answer to give 'cause I don't know... I don't know, Jade, why I did all of that. » Un soupir. Le bruit sourd de cette raison qui s'écrase dans les limbes de cet encéphale instable. Un soupir, rien que cela avant que l'instinct ne l'y pousse, avant que la raison tente ce dernier élan de détermination. « Look, I'll try... I... » Il essaiera puisque la volonté s'est animée, puisqu'elle s'est mise à palpiter pour l'y forcer - la voix de cette amie trop chère pour l'y guider, ce cœur trop précieux qu'il ne tient pas à offenser.

Elle le sent paniquer. Un instant. Elle entend celui que personne ne connait. Personne ne sait. Rares sont ceux qui connaissent les vulnérabilités de ce diable à la queue pleine de vices. Elle, elle sait, elle connait et décide d'y croire et de l'apaiser. « Listen... The fact that you don't know is an answer... it's an answer in itself. As long as she doesn't know, i think she can't understand and move on. Just... just tell her, the feels, the insecurities and this way of not knowing, of being uncontrollable, while you love her in anyway...it's a start. And...at least, you'll feel like you're doin' somethin' for her. »