euros roseburry & kadeuce porter

L'inquiétude au bout des doigts. Moiteur de l'épiderme et respiration serrée. La pensée pour Cat obsède. La dernière fois qu'ils se sont parlés aussi. La dernière fois ; leur première. Euros sait qu'elle doit appeler, qu'elle doit prendre des nouvelles et briser ce mur de gêne qui s'est dressé. Numéro composé, attente, la voix grave du quinqua résonne. « Hey boyo, what's up ? It's been a while...» Léger rire, la voix qui devient un peu plus aigue par l'embarras.

Il a laissé les ombres s'installer, il a laissé le cœur s’essouffler. Sous le silence, sous l'absence de quelques clartés, seule la lumière trop blanche de cet écran vient à fracasser cette étrange morosité. Il a hésité, Kadeuce. Il a hésité à s'y risquer, les pensées envolées vers cette sœur qu'il n'a pas su préserver des affres qui se sont révélées. Pourtant, il y vient, ne parvient même pas à lutter contre le rictus qui s'installe sur les traits affaissés. Petite voix qui s'élève, qui réchauffe à sa manière l'être qui s'était laissé couler. « Fuck yeah 'been a while lil' one. Everything's okay ? » De cette légère chaleur à cette inquiétude levée. Parce que ça fait des jours, oui, et qu'il craint désormais que quelque-chose soit arrivé.

Maigre sourire, la main qui vient se perdre dans la raideur des cheveux fins. Elle se pose, s'assoit sur son canapé dont elle triture le tissus machinalement. « Yeah... Hm yeah, yeah I guess... It's just, well, since we hm, we, you know... I had no news and it's was super akward and I was a little worried about it.» Les joues rosissent sous l'évocation des corps dénudés en proie aux instincts les plus primaires. Parer à la tristesse. Parer à la presque perte de Cat qui n'est toujours pas réveillée. « So hm, what's up ? »

Toujours mal installé, plié en deux dans ce maudit canapé. Il écoute, Kadeuce, la voix qui s’élève. Il écoute, celui-là, les quelques mots sous-entendus qui n'osent être prononcés. Rien qu'un rictus à ça, rien qu'une légère courbe qui s'est dessinée. « Don't worry about tha', 'nothing. » Parce qu'il doit le dire, le rappeler. Non, rien de bizarre ; rien que quelques instincts qui n'ont pas été contrôlés. « Well... nothing more than that night actually, ya know... I go see Cat, then I come home and I'm waiting for some news who never come. Usual stuff... What about ya ? » Parce qu'il croit l'avoir entendu, ce malaise qu'il tenait à ne pas instaurer. Celui qu'il essaie de chasser, là, par ces quelques banalités.

Il désamorce. Du moins il tente. Dire que c'est rien, reléguer l'acte au rang des banalités. Il l'a baisée comme on va chercher du pain en somme. Elle ne parvient pas à savoir si ça la soulage ou si ça l'inquiète. Soit, elle fait avec. « Nothin' really fun either. I visit her each two or three days. I put some flowers in her room, I talk to her and then... » Un silence appuyé. Le regard dévie vers le sol. Il peint les traits endormie de la sœur, de l'amie, de la femme qui n'en finit plus d'être endormie. C'est qu'elle lui parle comme si de rien n'était quand elle y va Euros. C'est qu'elle lui confie tout, demande son avis... Sans réponse.
Plusieurs secondes passent, un peu trop. La poitrine se gonfle pour changer de sujet aussi vite que celui-ci est arrivé. « Willow is fine, she will be on vacation soon, she just finished her first year of school. I think I'm going to take her a bit to the sea. You know, a mother and daughter classic stuff. I had some plans but I was ghosted, I think I'll fully concentrate on my daughter for this summer. »

Bien-sûr qu'elle s'y risque en ces lieux désolés où ne règne que ces lueurs immaculées. Il l'avait compris, deviné même aux quelques bouquets qui furent déposés. Petite chose pleine d'attention qu'il ne peut qu'admirer, cette force qu'il envie parfois puisque rongé, lui, par cette horrible rage et ces effroyables remords. « That's good. Ya deserve that break, lil' one. If ya need anything, even if it's nothin' ya know, ya tell me. I'll do what I can, 'course. But, hey... hm... » Légère embardée du cœur qui vient s'animer. Il s'est redressé, Kadeuce, le souffle qu'il se doit de calmer puisque quelques idées sont venues s'animer. « I... I didn't ghosted ya... It was just... Ya know. I don't know. I'm sorry if ya believed that. »

Parler de sa fille. Parler de son tout. Chair de sa chair, son sang ; but ultime d'une existence qui n'est, d'ordinaire, que vouée à l'errance. Soumission à la volonté des autres, se laisser porter pour parer à son ignorance, son manque d'ambition et sa fragilité. La gosse dans sa chambre, l'oreille qui se tend pour vérifier que tout va bien avant de l'écouter lui. Hésitation, malaise partagé dans cette voix caverneuse qu'il fait aller. La chaleur de son timbre presque envolée. La panique la prend, la saisie avec virulence. Elle se lève du canapé et fait quelques pas sans direction donnée. « Oh no no no ! No! It's, its not you...It's not about you. I know. I know that it was just for once, or twice maybe one day i don't know but. I know ok ? It's clear between us, it's just a little bit akward because... I, I know you since i'm a child and hm... and I. It was amazing and now it's just strange but I expect nothing more than this extraordinary night that we spent together Kadeuce... It's not about you really.»

Les phalanges qui ont tenté de chasser la honte sur ces traits fatigués. Non pas honte, ce drôle de sentiment qu'il ne pourrait nommer. Il n'a pas bougé, immuable sur son canapé. Il a écouté, la petite voix paniquée qui cherche à tout expliquer. Et lui qui écoute, qui cherche à tout analyser jusqu'à la laisser terminer. « Oh, hm, ok... » Et un rire, soufflé, quelque-peu apaisé. Un rire, pour expier toute cette pression qu'il n'a pas senti s'installer. « We're good on that then... » Un autre souffle expiré, un autre semblant de rire pour se défaire de tout ce qui s'était accumulé. « And, for what it worth, yeah, tha' was really... ya know ! Anyway, what was that plan ? What happened ? » Il a toussé, à peine, cherche à dévier de ce sujet.

Gosier noué, bien trop compressé dans un étau de malaise. Incommensurable gêne qui agrippe les tripes de la sylphide paniquée. Le flot des paroles et soutenu, rapide. Fou. Electrisée, le souvenir encore palpable tout contre sa peau, les flashs des émois se succèdent et se rappellent au corps en tension.
Et puis il y a son rire. Il y a le feu qui crépite au tympan et qui réchauffe quelque peu les muscles en tétanie. « Yes it was... Yeah.» Elle le dit en même temps que lui. Elle enchevêtre les mots avec les siens qui se perdent en un changement de litanie. « Hm.. the plan. Well... there wasn't really a plan but. D'you remember the man i went to Ireland with ? Well, I thought it was going to move forward, but the year is coming to an end and apart from giving me homework and correcting my thesis, there isn't much more. As if the trip didn't exist.»

Il a laissé les mots s'enchaîner. Il a laissé le tout découler de cet instinct qui s'est mis à tout guider. Rassuré, celui-là, par ce qu'elle énonce en même temps que sa voix. Mais l'attention qui n'a pas vrillé, pas même malgré les quelques souvenirs que ces simples paroles ont rappelé. Il s'y tient, à ce sérieux rappelé. Il y revient, Kadeuce, à ce qu'elle vient finalement lui confier. « Speaking of awkward... Did he explain why he suddenly become that asshole or somethin' ? 'cause man... He is for sure if he didn't notice the chance he let pass. »

Le compliment lâché qui vient parer à l'ascenseur émotionnel. Léger frein à l'évocation de l'élu. Légère barrière de rire à celui dont le sourire ne perce qu'à la rareté d'un solstice. Eamonn... Les changements forcés de conversation bien trop rapides pour le coeur fragile. Assise à nouveau sur son fauteuil, Euros peine à lâcher prise. Cat qu'il faut éviter pour ne pas sombrer. Leur coucherie pour ne pas se gêner. Willow qui ne peut remplir le temps d'un appel de longue durée. Non, elle n'a pas vraiment le choix que d'ouvrir la porte aux secrets à ce frère. A celui avec qui elle possède plus d'affinités.
« No. I tried to talk, to take a coffee with him just like the first time I managed to really see him outside of the class but... he said we was busy. You know, I... I'm not really good at it, with this kind of stuff. Usually Cat help me to deal with it... I'm, I mean, I was really nice during this trip, it was intense and ambigous... maybe it's just me who fantasized...but it's really kind to you to think i'm a chance.»

Oui, il cherche à comprendre. Oui, il cherche une raison à ce qu'elle semble traverser. Parce qu'elle lui parait improbable, cette situation évoquée. Parce qu'elle lui parait impossible, cette possibilité de cécité de la part de celui qu'elle s'est mise à évoquer. Il le prend en pitié, presque, ce pauvre bougre peut-être trop loin de pouvoir comprendre l'ampleur de cette clarté qui se trouvait à sa portée. Lui-même aurait pu y céder, en d'autres circonstances, si les ombres ne l'avaient pas ainsi rongé. Pauvre idiot, oui, qui ne mesure pas la chance qui lui avait été concédé. « Ma guess is... he's an asshole and you didn't lose tha' much, sweety. Take it like it comes. Ya've enjoyed a trip without lose one fucking dollar and, at least, ya know now he's dumb as fuck. » Sa vérité, sa vision de la situation qu'il se risque à lui donner. Lui qui, enfin, s'est mieux installé, affalé dans ce foutu canapé poussiéreux qu'il n'a pas quitté. « But... If ya were really interested by tha' moron, confront him. Ask for a real answer, I don't know... ask him to act like a man and not a fucking coward. Ya know wha' I mean ? »

Ô qu'elle lui manque Cat. Qu'elle lui manque avec ses conseils, ses visions éclairées de toutes les situations alambiquées. Voix directrice. Angelot sur l'épaule de celle qui ne sait manier l'amour par les mots. L'instinct primaire, l'instinct naturel de l'âme qui veut s'accrocher aux auras adorées. Oui, elle est vraiment intéressée par cet homme et elle a souvent été intéressée par les êtres qui l'entourent Euros, mais pas comme ça. Pas lui, pas cette fois. C'est différent. « Confronted him ? Oh god no... no no no no no no, i can't do that. I... I don't even know what to say and how to do that !» La voix dans les aigus immédiatement, l'air qui se saccade et s'insurge entre les dents.  « I... there's nothing to confront him of. I just thought his invitation meant something but I was wrong. If I'm really realistic, he hasn't changed his behavior with me since I started talking to him outside of class. He opened up a bit, was very friendly, but that's it. I must not be his type or know how to seduce such a man. It is what it is I guess.»

Il a essayé, Kadeuce, conseil qu'il cherche à lui offrir quand il ne fait que tout accentuer. Parce qu'il l'entend s'accentuer, finalement, cette voix qui brave quelques aiguës pour s'exprimer. « To be honest with ya, tha' fucking invitation meant something. I mean, who's gonna invite someone in another country just like that ? Trust me, I won't. Maybe ya're too impatient or something ? I don't know, I don't know him and right now, I just have tha' feeling he's stupid enough not to take the occasion he had. » Un haussement d'épaules, l'honnêteté qu'il cherche à lui délaisser. À tort, peut-être, qui sait - mais nécessité qu'il se devait d'honorer. « Don't stay focus on that. Ya've to let the things happen, who knows ? »

Sujet complexe. Sujet qui touche le cœur plus que de raison. Battement au bord des lèvres ; elle se rend bien compte de la singularité rien que d'en parler. Autre que l'évocation de la coucherie. Autre que l'évocation de ces relations passées ; Eamonn est un cas plus que particulier. L'angoisse qui monte sur la commissure pliée de la lèvre mordillée, Euros se déplace jusqu'à la cuisine pour avoir ses mains occupées. « We shared somethin' but. I don't know what it was, it's strange. He doesn't talk to me anymore since two months. He's... He's just my teacher, not a friend, not a ...Nevermind. Listen. We don't care. It's strange, it's the first time for me but I'll be fine.» Un chat carréssé au passage, l'inspiration qui se fait très forte pour se donner du coffre. « Do you want to come with us ? To the beach ?»